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Actualités - ANALYSES

POINT DE VUE - Un ministre, ça ferme - sa gueule ou ça s’en va

Au cours de sa séance du 21 juin dernier, le Conseil des ministres a décidé de créer trois commissions ministérielles chargées de diverses tâches et constituées comme suit : 1 – MM. Hariri, Tabbarah, Hamadé, Siniora, Kanso, Hélou, Hraoui et Fleyhane, soit cinq musulmans et trois chrétiens. 2 – MM. Tabbarah, Siniora, Jisr et Cardahi, soit trois musulmans et un chrétien. 3 – MM. Hariri, Tabbarah, Arslane, Mourad, Aridi, Beydoun, Hovnanian et Cardahi, soit six musulmans et deux chrétiens. On pouvait croire que ce déséquilibre au détriment des chrétiens : 3 sur 5, 1 sur 3, et 2 sur 6 ne serait pas dépassé. Mais c’était compter sans le tour de main et le brio du chef du gouvernement qui faisait encore mieux (pour ne pas dire pire) lors de la séance du Conseil des ministres de la semaine suivante, c’est-à-dire celle du 29 juin. En effet ce jour-là, le Conseil, en l’absence du chef de l’État, décidait de former une commission composée de M.M. Hariri, Hamadé, Diab, Beydoun (l’autre, pas celui de la commission précédente car nous avons deux Beydoun au gouvernement), Siniora, Mourad, Kanso et el-Saad, soit sept musulmans et un chrétien, en l’occurrence le dernier nommé, un maronite. Je crois que c’est un record dans le genre. Bravo, M. Hariri ! En avez-vous informé les représentants du Guinness ? Quelles réactions avons-nous enregistrées à l’annonce de la constitution de cette commission ? Aucune. Silence radio. Silence télé. Silence presse. Et surtout silence des ministres chrétiens. Raisonnons par l’absurde. Car c’est vraiment une supposition tout ce qu’il y a de plus absurde : si le Conseil des ministres avait nommé une commission composée de sept chrétiens et d’un seul musulman, que se serait-il passé ? Il y aurait eu des réactions outrées (avec menaces à l’appui) depuis le Nord jusqu’au Sud en passant par Beyrouth. * La désignation de ces commissions me ramène quelque 35 ans en arrière. À l’époque, j’étais sous contrat à la Réforme administrative à la présidence du Conseil des ministres, et j’avais préparé un projet d’arrêté portant formation d’une commission de toponymie groupant des représentants de plusieurs départements ministériels, et nécessitant la signature du chef du gouvernement. Je portai le projet d’arrêté au directeur général de la présidence du Conseil, M. Nazem Akkari, grand serviteur de l’État s’il en fut et qui m’avait souvent donné des avis pertinents sur des affaires en cours. Il jeta un coup d’œil sur les noms des membres de la commission et me dit : «Élie, mon fils, je vois des Élias (c’est mon prénom officiel), Marie, André, etc. Tu ne pourrais pas mettre Saadeddine, Mohieddine (allusion à des collègues de la Réforme) pour assurer l’équilibre entre chrétiens et musulmans ? Sinon, Daoulto (Son Excellence) ne signera pas !» Je lui fis remarquer que s’il y avait un chrétien de plus dans la commission, c’était en raison de la présence de deux experts français sous contrat à la Direction des affaires géographiques de l’armée, et qui n’avaient pas le droit de vote au cas où la commission aurait dû recourir au vote pour départager des avis contraires. J’ajoutai qu’il s’agissait d’une commission strictement technique dont la tâche était de mettre en français les noms des localités libanaises selon un procédé de translittération qui avait déjà fait l’objet d’un accord entre le gouvernement libanais, représenté par la Direction des affaires géographiques, et le gouvernement français représenté par l’Institut géographique national (IGN) chargé d’établir la cartographie du Liban. M. Akkari sourit paternellement : «Tu apprendras qu’un strict équilibre confessionnel est nécessaire partout, dans tous les rouages de l’État, même dans la plus petite commission». J’ajoutai donc le nom d’un collègue musulman qui fit partie plus tard de plusieurs commissions dont j’eus à m’occuper. Ces temps sont révolus, et l’équilibre confessionnel n’est plus nécessaire tant qu’il est rompu au détriment des chrétiens, autrement dit au profit des musulmans. Ce déséquilibre est devenu tellement courant que nos ministres chrétiens ne s’en rendent plus compte ou, s’ils s’en rendent compte, ils ne nous le font pas savoir. M. Jean-Pierre Chevènement, ministre français de la Défense au moment de la guerre du Golfe, avait démissionné pour marquer son désaccord avec la politique de son pays vis-à-vis de l’Irak, en lançant une phrase devenue célèbre : «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s’en va !» Lui, il avait préféré s’en aller. Nos ministres chrétiens, malgré les couleuvres qu’on leur fait avaler, ne s’en vont pas. Ils préfèrent rester et fermer leurs gueules. Bravo, Messieurs !
Au cours de sa séance du 21 juin dernier, le Conseil des ministres a décidé de créer trois commissions ministérielles chargées de diverses tâches et constituées comme suit : 1 – MM. Hariri, Tabbarah, Hamadé, Siniora, Kanso, Hélou, Hraoui et Fleyhane, soit cinq musulmans et trois chrétiens. 2 – MM. Tabbarah, Siniora, Jisr et Cardahi, soit trois musulmans et un chrétien....