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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - June Anderson, une antidiva

D’une élégance absolue dans un chemisier-veste en soie couleur moutarde, une bague «Norma» avec pierre noire aux reflets quartz à l’auriculaire (de son propre design), des boucles d’oreille solaires et dorées, le signe du Capricorne en un pendentif à l’ancienne au cou, un port de reine, mince, souriante et le regard pervenche, June Anderson est à Beyrouth. «Non pour chanter, dit-elle dans un grand éclat de rire, mais pour retrouver mes amis libanais. Et j’ai à mon actif plus de vingt-deux mots arabes. Yalla…» Les mélomanes et les belcantistes notamment avaient été comblés il y a deux ans en applaudissant ses prestations au temple de Bacchus, soirée inoubliable pour les happy few – de Stendhal qu’elle affectionne d’ailleurs particulièrement ! – et sur les escaliers de Jupiter. Simple, avenante, profondément humaine, June Anderson se défend d’être une «diva». «Aujourd’hui le mot diva, avec cette imagerie de caprice et de luxe qu’il véhicule, a pris une connotation négative. Une diva ce n’est pas moi !». Et pourtant June Anderson a conquis plus d’un auditoire, et ses rôles - phares (Lucia, Violetta et Norma), de New York à Paris, – ses villes de prédilection – ont émerveillé et enthousiasmé presse et public. Comment est née cette prestigieuse carrière – qui est «allée lentement mais sûrement» – et comment retrouver les racines des premières émotions de scène, June Anderson les confie avec humour et clarté : «C’est ma mère qui m’a poussée à chanter. Au départ, contre toute attente, j’ai commencé avec la… danse ! Classique, folklore irlandais… Et puis un accroc au genou m’a forcé à abandonner. Bien sûr, pour l’opéra, c’était déjà un acquis, une formation ; car l’opéra unifie tous les arts. Et comme j’adore apprendre et relever les défis, je me suis mise au chant que de prime abord je n’aimais pas… J’ai quand même gagné des bourses et je persévérais sans avoir une idée précise que je serais un jour cantatrice ! Ma préférence allait aux études de droit ! Élève douée, je l’étais mais je ne prenais plaisir à chanter que quand j’étais seule... Cela m’arrive encore quand je suis dans mon salon à New York ! Tout le monde me disait “vous pouvez toujours être avocate si tel est votre désir mais allez d’abord tenter votre chance à New York”. En tant que cantatrice, mon début à New York fut un désastre ! Mais comme j’aime relever les défis et que je suis une grande “bûcheuse”, une acharnée du travail sérieusement et bien fait, j’ai n’ai pas baissé les bras et encore moins la voix, et le succès est arrivé. Vers 1975, je gagnais ma vie en chantant et c’était fabuleux. J’aime la musique italienne. Elle m’inspire bien entendu mais je l’aime aussi pour un côté pratique car je peux m’accompagner tout en chantant». Spécialiste du répertoire lyrique du XIXe siècle, June Anderson n’en est pas moins férue de cinéma et de littérature. Écoutons-la nous livrer les coulisses de ses «passions» et de ses «coups de cœur» : Les grands rôles que je rêvais de camper et qui me fascinaient surtout pour leur aspect dramatique sont Lucia pour son côté de femme rêveuse, sentimentale et folle, Violetta pour sa vulnérabilité et surtout la Norma, amante, mère, pour toutes les facettes de l’amour qu’elle représente… La Callas, voix unique, extraordinaire, entièrement divine, en faisait une déesse, moi j’ai une manière plus humaine de l’aborder... Mais à part cela, je m’intéresse énormément au cinéma. Celui des années 30, la transition entre le muet et le parlé, les films en noir et blanc. C’est probablement mon côté «mystère». En littérature, je lis pour m’échapper à la réalité, et mes choix vont de Goethe à Dos Passos en passant par Flaubert, Jane Austin, Berberova, Stendhal (ah ! cette merveille de vie sur Rossini, écrite par le plus «italianisant» des auteurs français…). Et si on vous dit «musique» Madame Anderson que répondrez-vous ? Elle malmène sa bague, se recroqueville sur le canapé, jette un regard sur la fenêtre et énonce, sûre et franche : «La musique c’est mon travail. Je n’écoute jamais de la musique sauf si j’apprends un nouveau rôle». Quels sont vos musiciens préférés ? «Rossini est mon parrain !», dit-elle dans un sourire enchanté et enchanteur qui en dit long sur la place qu’occupe l’auteur de L’échelle de soie dans son cœur et son répertoire. Et quelles sont vos impressions de Baalbeck ? «Le temple de Bacchus est un lieu magique. En fait, je n’aime pas chanter en plein air et Bacchus c’est, comment le dire ?… encore mieux qu’une salle ! J’aimerai y retourner. Et puis le public libanais est si attentif, si “appréciatif”. En fait, j’ai besoin de l’attention et de l’énergie du public, et à Bacchus j’ai bénéficié des deux ! Par ailleurs, le trajet Beyrouth-Baalbeck a éveillé ma curiosité. Voir une ville marquée par la guerre, des gens avec des mitraillettes et le temple de Jupiter plein de soldats c’est un peu bizarre. Mais ce qui est touchant, c’est que les soldats m’ont apporté en fin de concert un chat que j’ai nommé “Jamil”». Des projets ? Bien entendu, à part plonger dans la Méditerranée, chiner dans les souks de Byblos, découvrir les demeures libanaises à l’architecture florentino-vénitienne et savourer la bonne cuisine de chez nous, June Anderson retrouvera ses «amis» Verdi et Bellini à Antibes en ce mois de juillet, revêtira les crinolines de La Traviata au Met et s’envolera par la suite à Sydney, Hong Kong… comme ces étoiles qui, sans appartenir au monde des mirages, filent à vive allure en laissant derrière eux un scintillant sillage de lumière.
D’une élégance absolue dans un chemisier-veste en soie couleur moutarde, une bague «Norma» avec pierre noire aux reflets quartz à l’auriculaire (de son propre design), des boucles d’oreille solaires et dorées, le signe du Capricorne en un pendentif à l’ancienne au cou, un port de reine, mince, souriante et le regard pervenche, June Anderson est à Beyrouth. «Non pour...