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Actualités - CHRONOLOGIES

Vie universitaire - « Des signes annonciateurs d’une renaissance libanaise », note Hamadé devant les diplômés des sciences médicales de l’USJ - Abou : Aucune occupation étrangère n’est définitive - et aucune crise économique irrémédiable

La traditionnelle cérémonie annuelle de remise de diplômes des institutions du campus des sciences médicales de l’Université Saint-Joseph a eu lieu samedi en présence, notamment, du ministre des Déplacés Marwan Hamadé, du recteur de l’USJ, le père Sélim Abou, des doyens, des directeurs et des professeurs des institutions concernées, parallèlement aux parents des diplômés. Le nombre de diplômés s’est réparti comme suit, suivant les neuf institutions du campus des sciences médicales : faculté de médecine, 61 diplômés ; faculté de pharmacie, 44 diplômés en pharmacie, un diplômé en toxicologie et six diplômés et pharmacie hospitalière ; faculté de médecine dentaire, 32 diplômés en chirurgie dentaire, 36 diplômés en DES et 21 diplômés en CES ; sciences infirmières, 62 diplômés ; école des sages-femmes, 10 diplômés ; école des techniciens de laboratoire d’analyses médicales, 10 diplômés ; institut de physiothérapie, 13 diplômés ; institut supérieur d’orthophonie, 7 diplômés pour la promotion 2000 et 9 diplômés pour la promotion 2001 ; institut de psychomotricité, 6 diplômés. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits des discours du père Abou et de M. Hamadé. Le recteur de l’USJ a commencé par rendre un vibrant hommage à deux doyens qui terminent leur mandat cette année, Mme Herminé Aydénian, «qui a hissé la faculté de pharmacie à un niveau d’excellence qui fait l’admiration de nos partenaires des universités françaises», et Mme Ruth Akatchérian, «qui a imprimé à la faculté des sciences infirmières un dynamisme incomparable». Le père Abou a également indiqué que sœur Marie-Léon Chalfon, directrice de l’institut de physiothérapie, a achevé son mandat. Et le père Abou d’ajouter : «L’USJ est fière de compter deux doyens qui se sont succédé à la tête de réseaux institutionnels francophones. Le Pr Pierre Farah a été, durant deux ans, président de la Conférence internationale des doyens de médecine d’expression française et le Pr Antoine Hokayem est, depuis quelques mois, président de la Conférence internationale des doyens de chirurgie dentaire francophones. Mais aussi bilinguisme oblige, puisque notre faculté de médecine dentaire est le siège permanent de l’Association des facultés de chirurgie dentaire arabes et son doyen secrétaire général de ladite association. Enfin, comment ne pas signaler, toujours au titre de la francophonie, que Mme Akatchérian est membre du conseil d’administration international du Sidiief (le secrétariat international des infirmiers et infirmières de l’espace francophone). «De tels privilèges sont le signe du crédit dont jouit l’Université Saint-Joseph aussi bien dans le monde francophone que dans le monde arabe, en raison de son niveau académique et des performances de ses diplômés. Il serait téméraire de vous dire : «Dans vos professions respectives, vous êtes les meilleurs», mais vous êtes certainement parmi les meilleurs. Dans un pays où l’on assiste, depuis quelques années, à une prolifération irrationnelle d’universités et d’instituts d’enseignement supérieur, et où l’on verra bientôt un déferlement incontrôlé de diplômés sur le marché de l’emploi, vous êtes équipés pour vous imposer par la solidité et la qualité de votre formation. «La solidité de votre formation se traduit par la compétence professionnelle que vous avez acquise dans votre faculté, votre école ou votre institut. Mais cette compétence ne peut demeurer telle que si elle est soigneusement entretenue. Le progrès scientifique est si rapide que seule la formation continue peut vous permettre de vous maintenir au niveau requis. Quant à la qualité de votre formation, elle se traduit par les valeurs humanistes qui vous ont été transmises et qui sont censées modeler votre comportement vis-à-vis du patient. Aussi la formation continue ne doit-elle pas se limiter au domaine de votre spécialité, elle doit également englober une réflexion sur les avancées de sciences humaines telles que l’anthropologie, la psychologie ou la sociologie, susceptibles de vous éclairer sur les rapports de plus en plus complexes entre l’individu et la société» (...). «Faut-il vous rappeler que le patient, quel que soit le mal dont il souffre, n’est pas le site d’un problème technique, qu’il n’est pas un cas offert à l’expertise du soignant, mais un membre de la communauté humaine, dont la dignité requiert un respect absolu, un citoyen dont le conditionnement socioculturel exige attention et compréhension», (…). Et de conclure : «Vous êtes, sans aucun doute, en mesure d’exercer votre profession avec succès dans n’importe quel pays du monde et je sais que certains d’entre vous, découragés par la situation politique et économique du Liban, rêvent d’aller vivre et travailler sous des cieux plus cléments. Personne n’est en droit de vous dicter votre conduite ou de peser sur votre décision. Je voudrais néanmoins vous dire ceci : aucune domination étrangère n’est définitive et aucune crise économique irrémédiable. L’avenir du Liban est loin d’être hypothéqué. La libération du Liban et sa prospérité dépendent de vous, de votre présence, de votre action, de votre civisme et de votre patriotisme». L’intervention de Hamadé De son côté, M. Hamadé a déclaré : «Tous ici présents ce soir, nous devons à l’USJ l’appartenance à une culture aussi singulière que diversifiée et qui concilie brillamment l’arabité et la francophonie. Nous devons aussi à l’USJ l’adhésion à une civilisation faite de valeurs universelles magnifiées par Sa Sainteté le pape dans son Exhortation apostolique (…). «En 1996, je me suis adressé à cet auditoire en tant que ministre de la Santé. Les hasards de la politique ont voulu que je me retrouve, cette fois-ci, devant vous, en tant que ministre des Déplacés et j’y décèle un curieux symbole dans un pays où les migrations d’abord, provoquées par la guerre puis dues au rétablissement de la paix civile dominent les réalités démographiques, économiques et sociales, ne sommes-nous pas, tous, des déplacés ? Comment qualifier autrement les centaines de milliers de Libanais que le conflit intérieur et l’agression extérieure ont bousculé de région en région ? Où situer aussi les centaines de milliers de libanais ? Et que dire de tous les autres, tous ceux que les vicissitudes de la politique avec les débordements que l’on connaît sur le plan des libertés publiques ou des drois de l’homme classent à coup sûr, dans la catégorie des déplacés, voire même des étrangers dans leur propre pays ? «Par cette introduction, j’ai voulu vous donner le ton de mon intervention. Je serai, bien sûr, tenté de vous entretenir de déontologie, de bioéthique, de science et de conscience. Je ressortirai le plus brièvement possible les thèmes classiques de l’avenir professionnel et des politiques de santé. Mais je pressens vos véritables préoccupations qui sont, je vous assure, celles de tous les jeunes de ce pays, quels que soient la région, la communauté ou le parti auquel ils appartiennent. Ces préoccupations sont avant tout d’ordre national (…). Et M. Hamadé d’ajouter : «Dans ce monde déjà différent, le serment d’Hippocrate, les codes de la santé, les lois de déontologie et vos propres convictions religieuses et morales serviront de cadres régulateurs à l’exercice de vos professions. Mais nous sommes tous ensemble, législateurs et sociologues, scientifiques et philosophes, débordés par les défis de la bioéthique qui nous sont posés à chaque bond de l’innovation, à chaque carrefour de la découverte. Certes le Liban n’est pas encore un pays où les avancées de la recherche scientifique imposent des mesures immédiates et draconiennes. Mais, nous ne serons pas, vous ne serez pas longtemps à l’abri des retombées, positives ou négatives, de ces recherches qui nous rattrapent. Les dérapages ne manquent d’ailleurs pas dans les domaines de la procréation assistée, de l’acharnement thérapeutique, de la greffe d’organes de provenance souvent mercantilisée, de l’importation effrénée et incontrôlée et de la vente des médicaments, de l’abus des psychotropes. «Devant cet état de choses et pour gérer nos dilemmes face à “l’enfant à la carte”, les organes “pièces de rechange” ou les essais sur l’être humain, je suis heureux de vous apprendre que le Liban a formé son premier comité national consultatif de bioéthique dont les membres les plus éminents viennent de ce campus. «Je salue ainsi devant vous le RP Ducruet et les professeurs Fouad Boustani, Assaad Rizk, Robert Khoury, André Megarbané et Georges Aftimos, ainsi que Mlle Marie-Claude Roque. «Dans l’exercice quotidien de vos professions respectives, vous pouvez être fiers d’avoir appartenu à l’Université Saint-Joseph. Ce label de qualité scientifique et morale ne vous quittera plus. Il donne à vos diplômes un plus indéniable de crédibilité qui se traduira, vous le constaterez très rapidement, dans la profusion des offres et l’échelle des honoraires qui vous attendent. Mais il vous imposera, tout autant, un comportement qui a toujours été celui de vos maîtres depuis la création de cette université il y a 126 ans : le souci de la liberté et de la dignité de l’homme et celui de l’équité dans les systèmes qui régulent sa vie et son bien être. «À ce propos, deux chiffres vous résumeront l’état de la santé sur notre terre. Il est terrifant de constater que 80 % des dépenses de santé du monde sont réservés aux 20 % des habitants du globe qui sont citoyens des pays développés alors que 80 % de la population du monde n’a droit qu’à 20 % de ces dépenses. Le sida aggrave jusqu’au paroxysme cette situation : 12 % des dépenses de prévention et des soins vont aux personnes infectées ou malades des pays industrialisés alors que 92 % des séropositifs et malades vivent dans les pays du tiers-monde et n’ont droit qu’à 8 % de ces dépenses». La pression populaire Et M. Hamadé de poursuivre : «Où se situe donc le Liban entre ces deux mondes ? Fort heureusement, la part réservée à la santé dans notre Produit national égale, dépasse parfois celle des pays riches. Malheureusement ce sont les riches qui en profitent surtout. Chez nous, comme partout ailleurs, l’on dit que la cause principale de la mauvaise santé, c’est la pauvreté. Et l’on ajoute que les médecins ne savent pas bien soigner cette maladie-là. À vrai dire, ils ne sont pas responsables de l’inégalité, mais il doivent impérativement, et c’est là où leur humanisme vient compléter leur science, assumer le devoir de solidarité. «Vous appartenez, dès cet instant où l’université vous remet vos diplômes, aux professions médicales et paramédicales de ce pays. Mais avant d’être médecin, pharmacien, dentiste, infirmier ou laborantin vous êtes des citoyens que nous voulons, désormais, à part entière, sans restriction aucune, sans répression aucune, sans discrimination aucune. Cet appel, mes chers amis, que je vous lance provient d’un Libanais, fils de la montagne et enfant de la ville, un Libanais qui a fait ses études à l’USJ, ses premières armes dans le journalisme et sa carrière dans la politique. «Je m’adresse à vous ce soir après avoir roulé ma bosse dans toutes les régions et associé ma famille à toutes les communautés. Aussi ai-je tiré de mon expérience libanaise, dans ses succès et ses échecs, une leçon que je vous livre pour l’avoir bien apprise. Le Liban vaut la peine d’être aimé pour ce qu’il est. Il mérite d’être vécu pour ce qu’il offre. Il exige d’être défendu pour ce qu’il incarne. Même si d’aucuns y trouvent à redire, notre pays se distingue dans une région du monde qui n’a malheureusement pas la réputation d’être un havre de liberté ni un exemple de tolérance. Ne vous laissez pas intimider par les menaces d’où qu’elle viennent, ni déstabiliser par les fanatismes de tous bords, ni décourager par les intégrismes qui nos entourent. «Ce Liban n’est, certes pas, dans ses réalités actuelles celui dont vous rêvez. De nombreux attributs, indissociables de sa raison d’être lui manquent encore ou lui ont été momentanément enlevés. Nombre de ses fils se plaignent à juste titre des manquements à la démocratie, des atteintes à la liberté, des injustices économiques et sociales. Certains se plaignent, à juste titre aussi, de la politique des deux poids et deux mesures pratiquée au lendemain de la guerre et avec l’avènement de la paix civile. Comme on appelle un chat, un chat, la réconciliation doit être véritable, l’amnistie doit être globale, la liberté d’expression doit être générale. Impatients de voir leur pays recouvrer son entière souveraineté et reprendre sa place véritable dans le concert des nations, jeunes et moins jeunes alternent l’explosion justifiée de colère et l’accès, tout aussi compréhensible de pessimisme, pessimisme qui les pousse le plus souvent, au repli ou au départ. À tous je dirais que l’heure ne doit pas être à l’abandon, l’humeur ne doit pas être à la défaite. Déjà des signes émergent annonciateurs d’une renaissance libanaise. Le refus et la résistance ont obligé Israël à retirer ses troupes. La critique et les conseils ont porté la Syrie à redéployer les siennes. La grogne générale a contenu l’offensive des services de renseignements, férus de dictature et affamés de pouvoir. L’insistance a obligé l’État à engager le dialogue. Les indicateurs économiques émergent lentement du rouge. Mais, pour que nous obtenions un résultat durable, la pression populaire et démocratique doit se poursuivre, s’étendre, s’amplifier. Se détourner aujourd’hui, se replier, quitter équivaudrait dans notre cas d’espèce au délit de non-assistance à personne en danger. Parce que le Liban est précisément en danger, ses élites dont vous faites partie doivent demeurer à son chevet. Même si nous sommes tous sur écoute, même si nous sommes tous épiés, répertoriés, labellisés, classifiés, espionnés, nous devons, vous devez tenir bon. Le salut du Liban en dépend. Il y va de son indépendance, à compléter de sa souveraineté à rétablir, de sa liberté à rétablir, de sa prospérité à construire. «Or cette lutte a déjà ses champions : votre recteur, le RP Sélim Abou, en est un. Cette bataille déjà à son champ. Les universités et vos campus en assurent le terrain privilégié. Ce combat a déjà ses troupes. Vous en êtes, étudiants du Liban, le principal contingent. Même ceux qui sont au pouvoir – ou tout au moins certains d’entre eux – comptent sur vous pour redonner à ce pouvoir sa raison d’être, son espace de liberté et sa dignité».
La traditionnelle cérémonie annuelle de remise de diplômes des institutions du campus des sciences médicales de l’Université Saint-Joseph a eu lieu samedi en présence, notamment, du ministre des Déplacés Marwan Hamadé, du recteur de l’USJ, le père Sélim Abou, des doyens, des directeurs et des professeurs des institutions concernées, parallèlement aux parents des...