Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

HOMMAGE - Fouad Debbas, pionnier de la cartophilie au Liban - Un travail d’une précision scientifique, - un aide-mémoire pour les chercheurs

En hommage à Fouad Debbas, une table ronde organisée par M. Ghassan Tuéni s’est tenue au musée Nicolas Sursock. Sur le thème «Beyrouth et la photographie, mémoire et histoire», Mme May Davie et MM. Jalal Toufic, Sami Toubia et Badr el-Hage ont raconté la contribution de Fouad Debbas qui, à travers sa collection, a sauvegardé la mémoire visuelle de notre pays. Des archives, fonds précieux, qui sont également source essentielle de documents pour les chercheurs, historiens, ethnologues, sociologues ou architectes. À cette occasion, M. Ghassan Tuéni devait annoncer que Fouad Debbas faisait partie de la commission chargée par le ministère de la Culture d’étudier un projet de création d’un «musée de la Ville de Beyrouth». Ce musée doit décliner les diverses facettes culturelles, touristiques et architecturales de la capitale. Le décret y relatif a été signé par M. Mohammed Youssef Beydoun en 1998. Il est réactivé aujourd’hui par M. Ghassan Salamé. Signalons que la commission chargée de suivre l’affaire est composée de MM. Ghassan Tuéni, Maher Daouk, Nawaf Salam et Mme May Davie. Fouad Debbas ne sera pas au prochain rendez-vous. Mais revenons à la table ronde. C’est Badr el-Hage qui a pris en premier la parole. Ce grand collectionneur, dont les acquisitions ont largement contribué à l’enrichissement du dernier ouvrage de Fouad Debbas Des photographes à Beyrouth, 1840-1918, a rassemblé une série de cartes postales et de photographies de Damas et du Proche-Orient. M. Badr el-Hage a mis l’accent sur le travail «scientifique» et «académique» entrepris par Fouad Debbas pour rassembler sa collection, la dater, la commenter et finalement l’éditer dans des ouvrages. Chaque texte a été conçu «non seulement avec amour, a dit Badr el-Hage, mais dans l’esprit d’une mission scientifique où objectivité et précision primaient par-dessus tout». C’est pourquoi, l’admirable série de vues sépia de Debbas revêt un caractère documentaire qui en fait un aide-mémoire objectif de la nature et de la vie sociale du pays. Signalons à cette occasion que la collection de photographies réunies par Badr el-Hage sur le Proche-Orient sera exposée pour la première fois au Liban, plus précisément au palais de Beiteddine, à partir du 7 juillet. Prenant ensuite la parole, l’historienne May Davie a souligné l’importance des cartes postales de Debbas dans l’étude de l’évolution de la construction de Beyrouth, depuis la moitié du XIXe siècle. À titre d’exemple, elle raconte que c’est grâce à ces reproductions de photographies prises à partir du milieu du XIXe siècle que les historiens et architectes ont pu étudier les différentes étapes de la transformation du port de Beyrouth et du grand Sérail. Pour sa part, M. Jalal Toufic a parlé de la «Fondation arabe de l’image» et de l’importance des photographies ou cartes postales dans les recherches historiques, sociologiques, ethnologiques et architecturales. M. Sami Toubia a fait ensuite un petit historique de la carte postale au Liban, depuis 1870 jusqu’à l’indépendance. L’ancêtre de la carte postale est un rectangle en carton purement fonctionnel qui permet en 1870 aux Parisiens assiégés de communiquer entre eux. Il faut attendre 1899 pour qu’apparaisse la première carte illustrée et qui sera diffusée à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris. Elle représente une gravure de la tour Eiffel et sera imprimée à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. En quelques années, le petit rectangle devient l’objet de collection. Beyrouth reçoit son premier lot de cartes en 1897. Ces premières cartes représentent des vues générales de Beyrouth et de Baalbeck, imprimées dans des médaillons surmontés d’une inscription «Gruss aus» (souvenir de). Elles sont éditées en Allemagne et en Autriche, et vendues en librairie à Beyrouth. Aujourd’hui, ce sont les cartes les plus recherchées par les collectionneurs. Un peu plus tard, de nouveaux procédés d’impression mettent à la disposition du public des cartes panoramiques. Elles sont la reproduction des photographies prises par les premiers photographes, des Français surtout, Bonfils, Dumas, Charlier Bézier, etc. Mais aussi par des autochtones, tels Sabounji, Sarafian et Tarazi. Sur leur pellicule, se fixent des vues de Beyrouth, mais aussi des scènes rurales témoignant des traditions montagnardes et des coutumes vestimentaires. M. Toubia indique que selon les inventaires, il y a eu au-delà de 120 éditeurs libanais et étrangers, et plus de 10 000 cartes postales différentes sur le Liban imprimées entre 1897 et l’indépendance du Liban. Pendant le Mandat et avec l’afflux des troupes étrangères, les cartes abondent. Une nouvelle génération d’éditeurs voit le jour : Férid Mann, Angélil, Amalberti, Poste française. Au lendemain de l’indépendance, et avec le départ des troupes militaires occupantes, la carte postale tombe en léthargie. Les Libanais utilisant beaucoup moins ce moyen de communication dans leur correspondance. M. Toubia a indiqué ensuite que «l’action de Fouad Debbas est pionnière en la matière». Avec ses 9 000 cartes postales, datées de 1897 à 1940, le cartophile a constitué «la collection la plus complète sur le Liban». L’intervenant a souligné le côté scientifique de la cartophilie en rappelant que Fouad Debbas, «centralien de formation, méthodique, rationnel et perfectionniste, a mis en place un archivage particulier et original qui consiste en un classement chronologique, par thème et par éditeur». M. Toubia a ajouté que ce classement a abouti à «une structure de base de données qui a permis la création d’un annuaire ou “cartoliste”». L’intervenant devait par ailleurs raconter avec beaucoup d’émotion comment Fouad Debbas allait à la recherche de la pièce manquante, de «la photo qu’il n’avait toujours pas», fouinant chez les bouquinistes et les spécialistes en Europe et en Amérique. «Pour l’acquisition de la première photo prise au Levant (représentant les ruines de Baalbeck), il se met en concurrence avec le musée de Jérusalem, au cours d’une vente aux enchères à New York. Et il l’obtient». Il raconte aussi comment Debbas a mobilisé tout un espace de son appartement, à Paris, pour placer sa collection de cartes postales. «Elles ont même envahi sa chambre à coucher. C’est là qu’il gardait ses cartes les plus précieuses», a-t-il ajouté. Mais mieux encore, il relate avec quel enthousiasme son ami faisait partager sa passion aux autres. «Pour chacun de nous, les cartes postales représentent des souvenirs. Pour Fouad, c’est aimer son pays, à travers son passé. C’est s’attacher encore plus à cette terre de naissance et vouloir la garder intacte dans les albums, vivante dans la mémoire», a dit M. Toubia. Et de conclure par une citation de saint Augustin : «Ne soyons pas triste de l’avoir perdu, mais soyons reconnaissant de l’avoir connu».
En hommage à Fouad Debbas, une table ronde organisée par M. Ghassan Tuéni s’est tenue au musée Nicolas Sursock. Sur le thème «Beyrouth et la photographie, mémoire et histoire», Mme May Davie et MM. Jalal Toufic, Sami Toubia et Badr el-Hage ont raconté la contribution de Fouad Debbas qui, à travers sa collection, a sauvegardé la mémoire visuelle de notre pays. Des...