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Actualités - REPORTAGES

Agents britanniques : les manigances qui aboutirent aux troubles

Depuis longtemps, le gouvernement anglais nourrissait une haine invétérée contre Méhémet-Ali et Ibrahim Pacha ; le refus de donner le passage pour l’Inde aux troupes britanniques, la prédilection du vice-roi et des ses fils pour les Français, les tentatives d’organisation qui allaient donner une force imposante à l’Égypte, quand il était de l’intérêt bien avéré de l’Angleterre de la voir faible et divisée, c’étaient là des motifs plus que suffisants pour attirer le courroux du cabinet de Saint-James. Le sultan Mahmoud n’avait entrepris d’armer avant la bataille de Nézib que par les instigations de lord Ponsonby (ambassadeur anglais à Istanbul) ; la canonnade de Nézib et la mort du sultan avaient ravivé la haine de l’ambassadeur en froissant son amour-propre. La défection du Capitan-Pacha, en donnant à Méhémet-Ali une marine imposante, exaspéra tellement lord Palmerston, en même temps qu’elle menaçait la sécurité de la Grande-Bretagne, qu’il fut résolu de couper court, et de diriger les événements vers une catastrophe. L’Angleterre ne pouvait supporter l’idée d’une flotte considérable dans la Méditerranée, car elle devait en être chassée du moment où elle se réunirait aux forces françaises. Parfaitement renseigné sur l’esprit des populations de Syrie, le Foreign-Office ordonna au consul Moore, résidant à Beyrout, de tout faire pour susciter une insurrection, d’entraver autant que possible la marche du gouvernement, et de pousser la provocation jusqu’à la rupture. Les agents chargés de bouleverser la montagne devaient être habilement choisis, car, si un Anglais paraissait, rien n’était possible, les maronites ont horreur des hérétiques, et détestent l’orgueil breton. Un certain vicomte Onfroy, compromis en France dans les troubles de l’Ouest, et qui cherchait aventure et argent en Orient ; un jésuite polonais, intrigant délié et décidé au besoin ; un sous-officier Piémontais, furent les trois personnes dont commença à se servir l’agent diplomatique ; il avança quelques fonds. Onfroy et le Piémontais, sous prétexte d’étudier l’arabe, furent s’installer à Djouny, et s’adressèrent à tous les mécontents ; le jésuite polonais catéchisa le clergé fanatique, et se servit de son caractère et de son influence de prêtre. Ils mirent en œuvre tous les moyens qu’ils jugèrent bons. 1° La conscription, selon eux, allait être établie indistinctement pour les chrétiens et les musulmans ; 2° Ils appuyèrent sur l’avidité des Égyptiens qui rançonnaient le pays, sur la vexation des corvées pour le travail des mines ; 3° Ils firent ressortir avec bonheur l’acte impolitique de Méhémet-Ali, qui ordonnait le retrait des seize mille fusils, donnés avec tant d’éclat, et conservés avec tant de fierté ; 4° Enfin, ils firent entrevoir, avec la liberté, un avenir de gloire ; à les croire, la France n’attendait qu’une insurrection pour se prononcer et créer un royaume chrétien en Syrie ; ils eurent l’audace de propager que c’était le duc de Bordeaux que l’on désirait leur donner pour roi, les grandes puissances voulant lui offrir la couronne de Jérusalem en compensation de celle de France (1). Partout ailleurs, on aurait ri au nez des propagateurs de telles nouvelles, mais, dans le Liban, on les prit en sérieuse considération, et, chaque jour, le nombre des mécontents augmentait, et l’insurrection se développait. L’émir Béchir lui-même, si longtemps aimé et craint, commença à être regardé avec moins de respect, puisqu’il était le principal lieutenant de Méhémet-Ali. Les promoteurs du mécontentement général tentèrent en vain de le faire mettre à la tête de la levée de boucliers : ils ouvrirent alors quelques avis de violence contre lui : mais là vint se briser leur puissance ; la famille Chaab avait jeté de trop profondes racines, le vieil émir était encore trop redouté, et les maronites étaient catholiques trop fervents pour se révolter contre l’élu de Dieu, leur prince légitime. En prenant les armes contre les infidèles et Ibrahim, ils voulaient l’entraîner avec eux, et non pas se lever contre lui. Baron D’ARMAGNAC : Nézib et Beyrouth 1) Henri, duc de Bordeaux, comte de Chambord (1820 – 1883), devenu héritier des Bourbons à la mort de son grand-père Charles X (1836). Les légitimistes ou carlistes cherchaient en vain à lui rendre le trône, «usurpé» par Louis-Philippe, et l’appelaient déjà «Henri V». Manœuvrant à partir de Londres, l’Angleterre lui fit miroiter fallacieusement le royaume de Jérusalem.
Depuis longtemps, le gouvernement anglais nourrissait une haine invétérée contre Méhémet-Ali et Ibrahim Pacha ; le refus de donner le passage pour l’Inde aux troupes britanniques, la prédilection du vice-roi et des ses fils pour les Français, les tentatives d’organisation qui allaient donner une force imposante à l’Égypte, quand il était de l’intérêt bien avéré de...