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Actualités - CHRONOLOGIES

LECTURE - Un plaidoyer contre la censure - -

Le nouvel ouvrage d’Alexandre Najjar, «Le Procureur de l’Empire» (Éditions Balland), a inspiré cette lecture à M. Philippe Séguin, ancien président de l’Assemblée nationale française, ancien ministre et historien de formation. Le Procureur de l’Empire d’Alexandre Najjar, qui vient de paraître aux Éditions Balland, est une biographie à la fois inattendue, brillante et bienvenue. Rien ne paraît d’emblée la justifier. Ernest Pinard, qui en est l’objet, fut un procureur soumis en tous points à l’ordre social de son temps, un ministre de l’Intérieur somme toute médiocre, et sa postérité, à vrai dire, n’avait jamais encore interpellé quiconque. Alexandre Najjar réussit pourtant à nous intéresser à ce personnage envers lequel il garde une distance d’entomologiste. Nulle trace de sympathie ou de complaisance, rien de cette tendresse qu’on finit toujours par éprouver pour une figure avec laquelle le biographe s’est astreint de vivre jour après jour. Mais le souci d’une appréciation qui soit à la fois solidement fondée et réellement équitable. On eût été tenté de rejeter d’emblée le souvenir d’un homme qui eut pour titre de gloire – ou, à tout le moins, pour chemin vers la notoriété – de faire condamner Flaubert, Baudelaire et Eugène Sue, qui s’opposa à l’érection des statues de Baudin… et de Voltaire, et eut maille à partir avec Zola. Excusez du peu ! Et voilà pourtant qu’on s’intéresse au personnage, et qu’on découvre les ressorts d’une vie, d’un engagement. Et on finit par respecter un homme dont le grand tort est d’avoir toutes les faiblesses et dont le grand mérite d’avoir une vraie sincérité. Sans parler de ses paradoxes : Alexandre Najjar nous rappelle qu’à l’heure de la libéralisation des lois sur la presse, c’est ce Monsieur Pinard, défenseur de la religion et des bonnes mœurs, qui fut le meilleur soutien de l’empereur face à une classe politique hostile… Et qui imposa un texte novateur, non sans effort… Du coup, le parti du livre s’en trouve légitimé : s’intéresser à un homme que tout devait promettre à l’oubli, et qui ne devait mériter qu’une simple mention, histoire de tenir le rôle du méchant. Ce livre a d’autres mérites : au travers du destin d’un homme, on traverse une époque, les yeux et les oreilles aux aguets. On voit s’achever la Monarchie de Juillet, avec ses fausses certitudes, s’édifier la Deuxième République, celle de toutes les ambiguïtés, vivre le Second Empire, avec ses contradictions si souvent fécondes, s’improviser la Troisième République avec l’entre lacis de ses arrière-pensées. Il y a sans doute plus encore : un plaidoyer, en creux, mais ô combien efficace, contre la censure ; un manifeste contre les enragés à qui il arrive si souvent de dénaturer la justice ; et puis, un hymne à la relativité, car à côté de la justice humaine, il y a une autre justice : celle qui ne se trompe jamais. La recherche est méritoire, la précision remarquable, le style impressionnant de lucide et élégante simplicité : le résultat est aussi considérable que le propos fut paradoxal. Nul ne pourra plus écrire sur le Second Empire sans tenir compte de la contribution d’Alexandre Najjar. C’est le témoignage à lui rendre.
Le nouvel ouvrage d’Alexandre Najjar, «Le Procureur de l’Empire» (Éditions Balland), a inspiré cette lecture à M. Philippe Séguin, ancien président de l’Assemblée nationale française, ancien ministre et historien de formation. Le Procureur de l’Empire d’Alexandre Najjar, qui vient de paraître aux Éditions Balland, est une biographie à la fois inattendue, brillante...