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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

SÉMINAIRE - Premier bilan des recherches et travaux entrepris par des dizaines d’experts internationaux - Saïda préservera-t-elle son cachet historique - face au défi du développement ?

L’Unesco, la municipalité de Saïda et la Fondation Hariri ont organisé le troisième séminaire sur les «petites villes côtières historiques» qui s’est déroulé dans les locaux de l’Institut technologique de l’Université libanaise à Saïda et dont les recommandations ont été publiées dans L’Orient-Le Jour du samedi 2 juin 2001. Mais c’est à la lumière des ateliers de travail qui ont accompagné le séminaire qu’un bilan, encore partiel, peut être dressé. Des experts internationaux et nationaux étaient présents pour débattre les grands problèmes auxquels fait face Saïda. Ainsi, et suivant le thème du congrès, «Développement urbain équilibré entre terre, mer et société», chacun des ateliers a traité un des trois sujets principaux. «Environnement côtier marin et terrestre : mise en valeur et préservation des ressources naturelles et culturelles», tel était le titre du premier atelier de travail du séminaire. Une centaine de personnes assistaient aux débats qui se sont concentrés sur l’aménagement de l’espace littoral, le traitement des eaux usées et la pollution de l’eau de la mer à Saïda. En sus des conférences y relatives, les scientifiques ont exposé leurs expériences personnelles, soulevant les problèmes rencontrés dans leurs villes natales et évoquant les solutions trouvées. Il est évident qu’un tel échange ne peut qu’être bénéfique pour la ville de Saïda qui cherche des solutions à ses propres problèmes. L’intervention du chef de la section des sciences de la technologie à l’Unesco – siège principal à Paris – Badawi Rouhban, a été particulièrement intéressante. M. Rouhban a parlé de la protection du littoral méditerranéen contre les séismes. Le pourtour du bassin méditerranéen, en particulier sa rive orientale, est caractérisé par son exposition à des aléas d’origine naturelle divers. D’ailleurs, la ville de Saïda a connu en 1956 un tremblement de terre qui avait causé de grands dégâts au niveau social et architectural. M. Rouhban a assuré que «l’action préventive face aux séismes doit faire partie intégrante des stratégies de développement socio-économique des régions côtières de la Méditerranée. Des mesures préventives à court et long terme doivent être adoptées, la population doit être informée des risques et des techniques de survie à appliquer en cas de danger extrême». Mis à part le danger du séisme, la côte de Saïda et la pêche marine sont aussi menacées, et les causes dans ce cas sont d’ordre social et environnemental. «Social, car les pêcheurs ne bénéficient d’aucune forme de sécurité sociale, or leur métier est à risque, les accidents sont fréquents et leurs revenus mensuels ne dépassent pas les 200 dollars, a souligné l’expert Ali Maarouf Baorgi. À tout cela il faut ajouter le fait que leurs bateaux sont vieux et non équipés de matériel permettant une grande pêche au large. Ce qui met en péril la faune marine proche du littoral». Quant aux questions environnementales marines, elles ont été soulevées par Mme Fadwa Kallab, consultante en socio-économie de l’environnement, qui a expliqué que «la détérioration de la faune et de la flore marine en Méditerranée a eu des impacts sur le littoral libanais, mais d’autres facteurs ont joué un rôle aussi. Il s’agit de la pollution industrielle de la côte israélienne et de la pollution locale des eaux par les hydrocarbures, égouts, pesticides qui ont entraîné la disparition de certaines espèces vivantes». Dans l’objectif de trouver une solution à cette situation et à d’autres touchant au quotidien des citoyens, une station du traitement des eaux usées à Saïda sera prochainement réalisée. Elle a été présentée dans cet atelier par M. Ramy el-Khoury, directeur du projet, qui a assuré que «les installations sont faites pour une population de 380 000 habitants et que les effluents seront jetés au large, à des kilomètres du littoral. Les travaux de construction de cette station débuteront dans les semaines à venir et doivent être achevés dans moins de deux ans». Il est important de souligner que le déversement des égouts sur la plage de Saïda y interdisait l’accès aux habitants et rendait pénible toute promenade sur la corniche. Patrimoine et archéologie de Saïda «Patrimoine, archéologie de la vieille ville : intégration urbaine face au défi du développement socioculturel et touristique» était le titre du second atelier de travail du séminaire. Architectes, archéologues, ingénieurs, habitants de Saïda concernés par la sauvegarde de leur ville étaient présents à l’écoute de chaque intervention. Saïda est confrontée en fait à deux grands projets de développement menaçant son identité et son histoire. Le premier est celui de l’autoroute maritime, dont un grand tronçon a été déjà réalisé, et le second la restauration des édifices à l’intérieur de la médina. M. Fonquernie, architecte urbaniste, expert conseiller auprès de l’Unesco, a soulevé dans son intervention l’importance et l’unicité des rivages de Saïda. «Le mur naturel des rochers servait de brise-lames mais assurait aussi la protection du port. Car pour ces villes phéniciennes riches, le danger n’était pas uniquement terrestre». Cet expert a relevé le fait que ce mur naturel est sacrifié pour la réalisation de l’autoroute et, sentant la menace pesant sur l’archéologie de la ville, il a donné pour recommandation «la sauvegarde de l’îlot de Saïda qui conserve les derniers vestiges archéologiques apparents datant de la période phénicienne». Car il est important de préciser que d’imposantes maçonneries ont été découvertes sous l’eau. D’ailleurs, la grande archéologue spécialiste en archéologie sous-marine, Honor Frost, les a étudiées et exposées durant le séminaire. Et cette spécialiste a même suggéré l’idée d’une «visite guidée en plongée sous-marine pour les vestiges, ou même de tours en bâteau réaménagé, dont la partie inférieure serait vitrée. Une telle exploitation touristique assurera la conservation du site». «Le lien entre Saïda et la mer est millénaire, et il est tellement puissant que cette ville a été dotée de deux châteaux. La mer est son milieu naturel et sa source d’existence, il faut que la ville soit toujours ouverte au grand bleu», souligne M. Fonquernie. D’ailleurs, c’est dans cet objectif même que la ville de Saïda a tenté de réduire l’impact de l’autoroute maritime en acceptant l’étude de l’architecte jordanien Basm Badran qui propose de relier la ville à la mer par des jardins publics et de couvrir l’espace par des verdures. Le travail de ce groupe a été qualifié par quelques experts conseillers de Unesco comme une «esquisse». Le professeur émérite de la faculté polytechnique de Mons, Jean Barthelemy, a précisé que la question de l’autoroute doit être réglée. Elle doit être transformée d’une route de transit à une voie d’accès au port, avec des espaces de verdure et des espaces réservés aux piétons. Une partie de cette autoroute doit être transformée en parking et les voies en espace vert. M. Barthelemy a assuré aussi que «tout est réversible, il faut juste avoir la volonté de changer. Tous les blocs de béton déposés dans la mer peuvent être enlevés si l’objectif est la préservation de l’identité de cette ville historique». Présente à cet atelier, l’association Groupement des ingénieurs sidoniens a assuré que «le projet de la façade maritime n’a pas eu l’accord total des habitants de Saïda et qu’un grand nombre d’entre eux n’en veut pas, car il déforme la ville». Le second grand problème de la ville de Saïda est la restauration des vieux édifices. Depuis la restauration du Khan el-Frang par la Fondation Hariri, les vieux souks sont transformés en chantier de travail. Tout le monde veut restaurer sa vieille habitation et tout le monde veut calquer l’exemple du khan. Or, en restauration, tout est travaillé au cas par cas. Systématiser les techniques représente, en soi, une menace réelle pour l’authenticité de la ville, la conservation de son aspect historique, et surtout la protection de ses constructions centenaires. M. Fonquernie a expliqué tout cela en disant qu’«avant d’effectuer n’importe quelle intervention sur un monument, il est nécessaire de l’étudier. Et dans le cas de Saïda, c’est une étude globale qui est fondamentale à tout le travail. Il faut faire l’inventaire détaillé de tout le bâti de la médina». Cependant, ce document n’existe pas et la ville perd tous les jours un peu plus de son aspect historique. Décrite dans les textes de Strabon et de Diodore de Sicile, comme étant une ville blanche, Saïda se teint aujourd’hui d’une couleur jaune pâle. Car la nouvelle restauration nécessite le décryptage de l’enduit qui recouvrait les parois des murs. Et pourtant cet enduit est nécessaire pour multiples raisons : «la première est d’ordre thermique», explique M. Fonquernie. «L’enduit blanc reflète la lumière et, par conséquent, réduit la chaleur, la seconde raison concerne l’éclairage. Grâce à un mur blanc, la ville est illuminée jour et nuit. Et la troisième concerne l’hygiène. La pierre utilisée pour cette construction, appelée ramleh, est poreuse et absorbante. Les saletés s’infiltrent à l’intérieur. Nettoyer la pierre signifie alors enlever toute sa partie exposée à l’air libre. Mais quand cette pierre est couverte d’un enduit, elle est protégée de la saleté, de l’humidité et de la pollution, et il suffit de repeindre la paroi avec de l’eau de chaux pour redonner au mur tout son éclat». L’intérêt porté à la vieille ville de Saïda a été expliqué par le géographe français, professeur à l’université de Tours, Michael Davie, comme «un retour aux racines et aux identités urbaines, une légitimation souhaitée ou affirmée pour certaines couches sociales. Le patrimoine paraît alors comme une valeur à défendre, un pont nécessaire entre le passé et le futur. Mais deux dangers majeurs guettent un projet de développement exclusivement centré sur l’exploitation du patrimoine : d’une part, l’expulsion de la population par le jeu de l’offre et de la demande et, d’autre part, la “bazardisation” des activités commerciales limitées à la seule satisfaction du touriste». L’urbanisme dans la vieille ville de Saïda Sous le titre de «Mobilisation des ressources urbaines et architecturales : un nouveau schéma directeur d’aménagement urbain», l’atelier numéro trois du séminaire a posé les grands problèmes d’aménagement. «L’objectif global de ces séances de travail, avec les représentants des différentes parties, est l’élaboration d’un schéma directeur de l’aménagement de l’urbanisme de l’agglomération de Saïda 2010 qui intégrerait, d’une part, la notion de durabilité du développement urbain en harmonie avec les besoins socioculturels et économiques de la population concernée et, d’autre part, la gestion rationnelle de l’environnement naturel côtier». C’est en ces termes que Mme Catherine Bersani a ouvert la séance de travail qu’elle présidait. Et Briggitte Colin, chef du secteur des Sciences sociales et humaines au siège principal de l’Unesco à Paris, a noté que «l’objectif est de renforcer les capacités institutionnelles locales d’une région et d’orienter les possibilités de soutien. Pour cela, des agences françaises d’urbanisme sont prêtes à effectuer des études d’impact dans la média, si toutefois les autorités acceptent». Et afin d’inclure la population locale dans ce projet de développement durable qui permet la préservation du tissu urbain de la ville, Mme Colin a expliqué que «la proposition de fondation d’une association ayant une structure de quartiers et pour objectif la sauvegarde de la médina a été faite. Elle sera similaire à celle réalisée en Tunisie. Elle permet de mettre les habitants en contact avec des spécialistes, architectes, ingénieurs, sociologues qui les aideront à développer leur médina tout en la conservant. Car si les habitants se sentent concernés par ces changements, ils peuvent les accepter et les adopter, ce qui signifie la préservation du tissu urbain. Mais pour que cette organisation fonctionne, il faut qu’une demande officielle de création soit faite aux bureaux de l’Unesco, qui assurera alors la collaboration entre les différentes associations ayant le même objectif», note Mme Colin.
L’Unesco, la municipalité de Saïda et la Fondation Hariri ont organisé le troisième séminaire sur les «petites villes côtières historiques» qui s’est déroulé dans les locaux de l’Institut technologique de l’Université libanaise à Saïda et dont les recommandations ont été publiées dans L’Orient-Le Jour du samedi 2 juin 2001. Mais c’est à la lumière des...