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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférence - « La rencontre de Beyrouth » met en exergue « le danger qui menace » - Médecins, psychanalystes et psychiatres - à la recherche d’une éthique commune

Ils sont venus ; ils sont tous là, les grands pontes de la psychanalyse freudienne et lacanienne. Jusqu’à dimanche soir, à la clinique Dr Rizk, ils vont débattre d’une «éthique commune». Daniel Widlöcher, professeur au Centre hospitalier de la Salpêtrière (Paris) et président de la plus grande association mondiale de psychanalyse, l’Association psychanalytique internationale. Joyce McDougall, considérée comme la «diva» mondiale de la discipline, membre titulaire de l’Association psychanalytique internationale et de la Société freudienne de New York ; également auteur du Plaidoyer pour une certaine anormalité, ouvrage de référence publié en une dizaine de langues. Élisabeth Roudinesco, historienne, psychanalyste, auteur de renom, vice-présidente de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse, et directeur de recherches au département d’histoire de l’Université de Paris 7. Alain Didier Weill, cofondateur du Mouvement du coût freudien. Dominique et Patrick Guyomard, respectivement membre actif de la Société de psychanalyse freudienne et maître de conférences au département de psychanalyse de Paris 8. Aldo Naouri, auteur de plusieurs best-sellers, mais néanmoins pédiatre formé à la psychanalyse. Également présents, les membres de l’Association libanaise de psychiatrie et ceux de la Société libanaise de psychanalyse. Un rendez-vous à «caractère historique au niveau de la communauté psychanalytique tout entière puisqu’elle représente le début d’un dialogue entre deux familles du même champ, celles de Freud et de Lacan», a dit à cette occasion le ministre de la Culture, M. Ghassan Salamé. «On parlera, inchallah, dans l’histoire de votre profession, de ce moment comme de “La rencontre de Beyrouth”», a-t-il ajouté et de souligner son rêve de faire de la capitale libanaise «un véritable laboratoire d’expériences intellectuelles, scientifiques et artistiques porteuses d’avenir et riches de confluences». Mais commençons par le début. À la séance inaugurale, hier, une minute de recueillement pour le deuil qui a frappé la communauté scientifique avec la disparition du professeur Édouard Azoury. Considéré comme un des pères fondateurs de la discipline psychiatrique au Liban, le Dr Azoury aurait dû prendre la parole à l’occasion de ce colloque. Le destin en a voulu autrement. C’est son fils Stéphan qui a lu l’intervention, une prose signée par un poète chanteur de la langue française. Prenant la parole, le Dr Assad Rizk a annoncé à cette occasion la création d’un Comité consultatif de bioéthique, par décret du 15 mai 2001. Il s’agit du premier comité de ce genre dans les pays arabes. Mettant ensuite l’accent sur les progrès de la biotechnologie qui avancent à une allure vertigineuse et qui finissent par atteindre la dignité de l’homme, le Dr Rizk a indiqué que «ces progrès entraînent immanquablement des questions éthiques auxquelles il faut répondre». Intervenant à son tour, le ministre de la Culture, M. Ghassan Salamé, a souligné l’importance de cette manifestation qui trouve sa place à plus d’un titre au sein de l’année de la francophonie. Car placée au cœur de la dynamique du «dialogue», se retrouve «l’inévitable figure de l’Autre et se formule la dialectique de l’altérité», a-t-il dit. «Au Liban, dans une société et dans un pays où le rapport à l’Autre se greffe sur des questions aussi douloureuses et conflictuelles que celles de la mémoire et de l’oubli, de l’amnésie et de l’anamnèse, du trauma et de son dépassement, les interrogations que vos propos vont soulever n’en sont que plus pertinents… Puissent-ils contribuer à mettre de la lumière dans le tourment qui agite encore une société civile et politique à la recherche d’une mémoire sereine et pacifiée». Signalant ensuite un autre élément de convergence entre les préoccupations des conférenciers et celles du public, à savoir «la problématique de l’hégémonie», M. Ghassan Salamé a appelé à la vigilance pour contrer plusieurs dérives vers «l’unilatéralisation croissante du droit et de la norme. Les possibles «totalitarismes intellectuels dont menacent les fabricants mondiaux d’imaginaires et de mode de consommation». Mais aussi à endiguer «l’hégémonie des neurosciences et du tout-médicamenteux». Ou celle d’«un complexe pharmaco-industriel sur une discipline entière». Ou encore l’hégémonie d’une langue et de la logique qu’elle sous-entend et véhicule. Aussi, «il appartient à chacun dans son champ d’action de travailler à juguler ces dérives en investissant la mondialisation comme une figure obligée de notre temps, forts de nos valeurs – celles-là mêmes qui prennent racine dans le terreau de l’humanisme», a dit M. Salamé. Prenant ensuite la parole, le Dr Chawki Azoury, concepteur du nouveau département pilote de psychiatrie à la clinique Rizk, annonce d’emblée que «nous sommes en danger». Tenter de définir une éthique est peut-être la dernière chance pour lutter contre «l’appropriation de l’humain». Révélant le scandale qui a éclaté dernièrement en Afrique du Sud à propos du traitement du sida, le Dr Chawki Azoury signale que Jeffreys Harris, haut responsable américain participant à la lutte contre le sida à l’étranger, a préféré consacrer tous les fonds à la prévention au lieu de traiter les victimes. La catastrophe entre-temps est effroyable. Pour se défendre, le responsable américain aurait dit : «À l’époque, nous craignions qu’en ouvrant la porte au traitement, cela engloutirait tous nos moyens financiers». Michael Merson, aux commandes du programme mondial de la lutte contre le sida à l’OMS, reconnaît, lui, qu’ «(il) était obsédé par des problèmes de rentabilité» ! Quant à l’emploi de la trithérapie dans les pays pauvres, les lobbies pharmaceutiques prétendent que si le traitement est mal mené, il risque de favoriser l’apparition de nouvelles souches du virus. Cet argument est démenti, depuis 1997, par l’expérience brésilienne où le taux de mortalité est tombé à 50 %. Mieux encore, les trithérapies fabriquées sur place au Brésil ont réduit de 80 % le prix des médicaments brevetés par les laboratoires. Toutefois, sous la pression des lobbies pharmaceutiques, les USA ont porté plainte contre le Brésil. De même, au nom de quoi peut-on empêcher l’Inde, par exemple, de produire et d’exporter une trithérapie contre le sida 40 fois moins chère qu’en Occident ? Est-il pensable que la vie de 30 millions de personnes séropositives dans les pays pauvres dépende de décisions que donneront les tribunaux des USA ? La réponse de Sherrod Brown, membre démocrate du Congrès, est claire : «Le PhRMA (le Pharmaceutical Research and Manufacturers of America) n’a pas besoin de faire pression sur le gouvernement … Car les laboratoires sont déjà à la Maison-Blanche». Peut-on faire mieux pour mettre les États à la botte des entreprises ? s’interroge le Dr Azoury. «Qu’adviendra-t-il du développement des neurosciences et de la biogénétique lorsque, à l’idéologie scientiste qu’il produit, viendront s’ajouter en plus les lois du marché ?». Pour les solutions, le Dr Azoury vous donne rendez-vous dimanche. «Le statut du sujet en anthropologie» est le thème abordé par le RP recteur Sélim Abou. Il dira que contrairement à l’anthropologie structurale où le moi est réduit au statut d’un sujet résiduel, mais aussi contrairement au cognitivisme dont les bases sont fondées sur la socialité humaine qui résulte «du processus d’évolution des êtres vivants et s’explique par les mécanismes de la sélection naturelle et de l’adaptation génétique», l’«anthropologie philosophique» ne prétend pas se donner un fondement scientifique. «Son critère de validité est la cohérence du discours et la teneur des contenus qu’il articule». Contre la logique de l’«homme machine», elle préconise celle de l’homme désirant. «Comme Hegel l’a magistralement montré, le désir de reconnaissance est l’aspiration la plus fondamentale de l’être humain. Il est à la base de toutes les relations impersonnelles, qu’elles expriment dans le domaine de l’amour, du travail ou de la politique. Dans le secteur de la santé, la relation la plus délicate est celle qui se noue entre le patient et son soignant. Même si au départ cette relation est un rapport d’inégalité, elle est appelée à se transformer en une relation d’égalité ; c’est-à-dire de communication et de confiance mutuelles», a dit le père Sélim Abou. Signalons que les travaux débuteront ce matin à 9h 45 à la clinique Rizk et se poursuivront jusqu’à dimanche soir.
Ils sont venus ; ils sont tous là, les grands pontes de la psychanalyse freudienne et lacanienne. Jusqu’à dimanche soir, à la clinique Dr Rizk, ils vont débattre d’une «éthique commune». Daniel Widlöcher, professeur au Centre hospitalier de la Salpêtrière (Paris) et président de la plus grande association mondiale de psychanalyse, l’Association psychanalytique...