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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

DÉMINAGE - La conférence internationale s’ouvre aujourd’hui au palais de l’Unesco - Sur les pas du général Angioni - et des Italiens de l’«Asso Bon»

À la veille du premier anniversaire du retrait israélien du Liban-Sud, la situation de l’une des régions les plus touchées par la guerre est noire. Simplement toute noire. L’État continue de refuser d’admettre que la partie méridionale du Liban lui appartient, désormais, en bonne et due forme, faisant de cette région une espèce de no man’s land sous contrôle milicien. Une zone-otage n° 1 de la concomitance des deux (aujourd’hui trois) volets. Les institutions étatiques, à commencer par l’indispensable armée, sont quasiment absentes, les investissements inexistants – et pour cause –, et les Sudistes, ceux qui ont, incontestablement, le plus sacrifié, continuent de le faire. Toujours aussi abandonnés – et à tous les niveaux. Ce que le Liban-Sud a, par contre, ce sont les mines. Et sans vouloir faire de misérabilisme de supermarché, c’est là qu’est l’horreur. Plus de 130 000 mines, laissées gracieusement par les Israéliens, et qui, en un an, ont tué 15 personnes et blessé – amputé, paralysé à vie – 97 autres personnes. Dont beaucoup d’enfants. Alors, en attendant que le directeur de l’Office national de déminage, le général Georges Sawaya, «finisse par trouver un plan», en attendant que l’État assume, enfin, ses responsabilités pour que la communauté internationale puisse suivre, en attendant les 50 millions de dollars promis par les Émirats arabes unis, l’Italie, elle, s’(hyper)active. Et donne le la. L’Italie, qui est l’un des pays européens les plus impliqués, dans le processus de soutien au Liban en général et dans cette opération humanitaire en particulier. Rome a non seulement financé la conférence internationale sur le déminage qui se tiendra aujourd’hui et demain à l’Unesco et à Nabatiyeh, mais a envoyé, par le biais de l’association «Asso Bon», deux équipes de démineurs. Des Italiens, des Bosniaques, des Kosovars, arrivés il y a deux jours, et qui seront les hommes-clés de l’opération de déminage que financera, également, l’Italie, à hauteur de 250 000 dollars et pour une durée de 35 jours. Et avec ces hommes d’honneur, est arrivé à Beyrouth, vendredi dernier, le général Franco Angioni, le commandant de l’«Italcon», le contingent italien de la Force multinationale présent à Beyrouth en 1982 et 1984, au plus fort de l’invasion israélienne. La première mission à l’étranger, hors Onu, de l’Italie. L’Italie dont l’ambassade avait été touchée de plein fouet, en 1982, par un obus tiré d’un char israélien alors que Yasser Arafat, la veille, était reçu en grande pompe au Parlement italien. Il y a 17 ans... C’est un homme touchant, le général Angioni. L’émotion qu’il ne cherche pas à cacher. Il n’était pas revenu au Liban depuis 17 ans – son passage éclair il y a quelques mois pour assister à une représentation de la Scala ne compte pas. Militaire jusqu’au bout des doigts, mais pas tant que ça. Dans les pires moments de confrontation, en 1982 à Beyrouth, avec les Israéliens, avec la noria de milices, il a privilégié le dialogue. Et puis il vient d’être élu au Parlement italien, dans une circonscription romaine particulièrement dure à récupérer. Il a battu un candidat de Forza Italia, le parti d’un certain Silvio Berlusconi, le nouveau Premier ministre italien. Dans le van affrété par l’ambassade italienne, dès son arrivée de Rome, sur le chemin Beyrouth-Nabatiyeh – qu’il avait parcouru, deux fois mais en sens inverse, il y a de cela... «une éternité» – Franco Angioni s’étonne. Les changements du paysage beyrouthin, notamment sur la route de l’AIB, le stupéfient. Il se souvient, sa mémoire ne flanche pas. «J’ai l’impression de revenir, un peu, à la maison». Il se souvient, déjà, des mines laissées par les Israéliens sur la route de l’aéroport, de la visite un peu inconsciente mais tellement significative, en 1983, du président italien Sandro Pertini, du petit orphelin palestinien qu’il avait adopté. De l’hôpital militaire que les Italiens avaient construit, et qui était sous son commandement, des 76 000 civils qui y avaient été soignés, en 18 mois. Un hôpital qui a ensuite été donné à l’imam Chamseddine. Franco Angioni. Amarcord... Le van s’arrête à Chatila. Chatila et Bourj Brajneh sont les deux quartiers dont avait à s’occuper, en 82, le contingent italien. Et où l’on apprend que des parlementaires italiens et européens ont appelé à la construction, prévue pour 2002, d’une statue, en mémoire des 1 500 victimes du massacre des camps palestiniens. Incontestablement ému, Franco Angioni, entouré de l’infatigable ambassadeur italien Giuseppe Cassini, se souvient. «Amarcord...» Il se souvient comment, lentement, sûrement, ses hommes commençaient à entrer en contact avec les habitants du camp. De l’affolement de ces derniers, «ils avaient une peur bleue de Saad Haddad, je leur faisais dire que tant que nous étions là, il ne leur arriverait rien. Nous sommes devenus des membres du “village“. On leur apportait du chocolat. Ils nous indiquaient l’endroit où l’on pouvait acheter du poisson frais. La seule chose que l’on ne recevait pas d’Italie. Il y avait le vieux Mohammed qui râlait contre ses deux plus jeunes épouses, qui l’avaient abandonné». Franco Angioni se souvient surtout du 23 octobre, le jour de la fête des paras italiens. Le 23 octobre 1983, lorsque les quartiers généraux des contingents américain et français de la Force multinationale explosaient, faisant des centaines et des centaines de victimes dans les rangs de leurs soldats. Dans son livre, tout comme pour le déminage, le général-député y consacre un grand nombre de pages. Arrivé à Sarafand, au centre Nabih Berry (entièrement financé par les Italiens) de réhabilitation des handicapés. Les cinq hommes de la première équipe de l’«Asso Bon» se déshabillent, enfilent leur barda de démineurs, pour une démonstration en présence de MM. Angioni et Cassini. Silvio Rinaldo, l’un des démineurs, sourit. Ils auront du travail. Pendant 35 jours, ils démineront une zone «prioritaire humanitaire». Ils travailleront avec les Ukrainiens, les Américains et leurs chiens. Ils n’auront pas le temps d’entraîner les Libanais, mais qu’à cela ne tienne, «nous engageons le gouvernement libanais à faire appel à nos services», s’exclame Fabrizio Gensini, l’un des responsables de l’«Asso Bon». En réponse à une question de L’Orient-Le Jour à propos de l’apparente inertie de l’État. Et c’est de Sarafand que Franco Angioni, Giuseppe Cassini, le conseiller politique et l’attaché de presse de l’ambasade d’Italie Diego Brasioli et Chebl Issa el-Khoury se sont rendus, avec les démineurs, à Msayleh. Au Centre culturel Nabih Berry. Là où l’on fêtait la journée internationale de la langue italienne. Là où Franco Angioni s’est fait décorer par Randa Berry. Randa Berry, souriant aux photographes qui lui demandaient de rentrer dans le cadre : «Si vous voulez...». En français dans le texte... Un démineur italien et un vieux Sudiste qui sont tombés dans les bras l’un de l’autre, ils ne s’étaient pas vus depuis... tellement longtemps. Et Franco Angioni, entre deux commentaires sur la victoire de Silvio Berlusconi, son adversaire politique, qui répond, diplomate en diable, à la question de L’Orient-Le Jour. Le déminage est indispensable pour le Liban-Sud, mais vous ne pensez pas que la priorité des priorités soit le retour des institutions étatiques, et en premier lieu l’armée ? «Il faut distinguer l’humanitaire du politique. Il faut absolument sauver les vies humaines. Les jeunes enfants qui risquent de sauter à n’importe quel moment sur une mine. Le déploiement de l’armée libanaise ?... Je n’ai pas à me mêler de cela. Je ne sais pas...». L’ancien militaire, le général Franco Angioni, fera, sans doute aucun, un excellent homme politique. Le nouveau député de L’Olivier de Francesco Rutelli intégrera dans quelques jours le Parlement italien.
À la veille du premier anniversaire du retrait israélien du Liban-Sud, la situation de l’une des régions les plus touchées par la guerre est noire. Simplement toute noire. L’État continue de refuser d’admettre que la partie méridionale du Liban lui appartient, désormais, en bonne et due forme, faisant de cette région une espèce de no man’s land sous contrôle milicien....