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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le numéro 3 du Parti socialiste français répond, à partir de Moukhtara, aux questions de «L’Orient-Le Jour» - Henri Nallet : La vie politique au Liban - est en train de renaître

«Je n’ai rien à dire et ce n’est vraiment pas le moment. Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit...». En l’occurence : un des grands dirigeants du Parti socialiste. Dixit Walid Joumblatt, répondant à un journaliste qui le harcelait pour qu’il commente les lazzi dont l’abreuvent, régulièrement, tous les thuriféraires baassisto-PSNS. Walid Joumblatt a décidé de relever le niveau du débat (pourra-t-il encore tomber plus bas ?), de ne s’arrêter que sur l’indispensable dialogue – et pour lui, il existe des factions israéliennes comme palestiniennes capables d’œuvrer pour la paix. Un dialogue qu’il voudrait voir renforcé, au sein notamment d’une fratrie arabo-européenne aux couleurs roses. Celles du socialisme «que prônaient François Mitterrand, Olaf Palme ou Willy Brandt, par exemple»... C’est ainsi, hier, et après avoir assisté à la messe en mémoire de Raymond Eddé et avant qu’il ne s’entretienne, dans la soirée, avec le Premier ministre Rafic Hariri, que Walid Joumblatt a reçu à déjeuner, en son palais de Moukhtara, Henri Nallet, le secrétaire national du PS chargé des affaires internationales. Le numéro trois de la rue de Solférino et ancien garde des sceaux, un mitterrandiste de la première heure et un fidèle parmi les fidèles de Lionel Jospin, était accompagné d’Alain Chenal et de Joseph Tohmé, le délégué Moyen-Orient du département international du PS. Et c’est entre la poire et le fromage, et entouré par la quasi-totalité de la garde prétorienne – ministérielle, parlementaire ou médiatique – de Walid Joumblatt, chaque convive a d’ailleurs reçu une rose rouge, que le «potentiel ministre» du premier gouvernement que formerait en 2002 l’encore virtuel président français Lionel Jospin a répondu aux questions de L’Orient-Le Jour. Les risques de guerre s’accumulent «Pourquoi je suis là ? Pour manifester, d’abord, l’intérêt et l’attention que porte le PS à la région, à la situation qui y prévaut. Nous sommes très alarmés». Et très alarmistes, apparemment, à l’instar d’Hubert Védrine... «Ma visite prolonge celle de mon vieil ami Védrine, avec lequel j’ai méticuleusement préparé cette visite d’ailleurs. Très alarmé, d’autant plus que nous avions particulièrement favorisé le processus de paix. Avec Mauroy, Rocard, et puis Védrine, nous avons soutenu tous les contacts Pérès-Arafat, dans la lignée de François Mitterrand – et souvenez-vous des réunions de Paris. Aujourd’hui, ce processus de paix n’est peut-être pas mort, mais l’encéphalogramme est bien plat. Tandis que du côté des risques de guerre, tout les signaux s’accumulent, les tensions ne font que croître, et pas uniquement entre Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie et Israéliens, mais dans toute la région. Et dire qu’on pensait que le retrait israélien du Liban-Sud allait permettre enfin l’amorce d’un dialogue généralisé». Tout cela veut-il dire que le processus de paix est désormais dans une phase de régression ? «Oui. À cause de la défaite de Barak, du refus d’Arafat d’accepter la super-proposition que lui avait faite ce dernier, à cause aussi de l’arrivée au pouvoir de Sharon. Nous y avions investi, dans ce processus de paix. Nous y avions cru. Aujourd’hui, nous sommes meurtris, déçus et très préoccupés». Qu’est-ce qui reste à faire alors ? «Soit on baisse les bras, on se résigne, soit on (se) dit qu’il faut reprendre les choses en main. C’est-à-dire qu’on va voir nos amis : ceux du PS». Au Liban ? «Walid Joumblatt d’abord. Parce qu’il est à la tête d’un parti membre de l’Internationale socialiste. Comme nous. Mon amitié avec Walid Joumblatt a donc des bases d’abord juridiques. Et je suis venu voir les collègues pour essayer de comprendre et puis pour savoir s’il y aurait ne serait-ce que des mini-ébauches de solutions. Le résultat de tout cela : je ne vais pas partir du Liban très optimiste, mais je ne regrette pas d’être venu. J’ai compris qu’il se passe des choses positives». L’amitié Chirac-Hariri Quelles choses ? «Eh bien, le Liban commence à tirer des leçons de presque 25 ans de glaciation. Le retrait israélien du Sud, le décès du président Assad, la victoire de Sharon... De grands événements qui ont amené les Libanais à reouvrir un débat politique que l’on croyait définitivement figé. J’entends des positions raisonnables, construites et responsables. Surtout que le problème politique majeur ici c’est la crise économique. Je vais retrouver mes amis socialistes français et européens et leur dire que la vie politique au Liban est en train de renaître». À quoi voyez-vous cela ? «Prenez par exemple cette synergie commune entre Walid Joumblatt, Nassib Lahoud, Samir Frangié par exemple... Je vais dire aux socialistes européens : “il faut que vous les entendiez”. Je ne dis pas qu’ils ont raison ou tort, je dis qu’il faut qu’ils soient entendus.» Et quel est le but de votre visite à Damas, où vous avez été invité par le Baas ? «La même chose. Écouter, comprendre, transmettre...» Pas d’intermédiaire entre les pro-rééquilibrage libanais et Damas ? «Non». Personne n’ignore la très profonde amitié qui unit Jacques Chirac à Rafic Hariri. Est-ce que l’on peut dire, cohabitation française de plus en plus difficile, que le PS – et le gouvernement Jospin – jouent la carte de l’opposition libanaise ? Opposition qu’il faut comprendre évidemment dans le sens volonté farouche de rééquilibrage des relations libano-syriennes... «Non je ne crois pas. Je ne suis pas dans cet état d’esprit. Je suis très content des rapports entre le président Chirac et le Premier ministre Hariri. Et nous n’accepterons aucune manipulation, dans un sens comme dans l’autre. Les socialistes français sont ouverts, disponibles et veulent essayer d’être de bons ouvriers de la paix. Quant aux rapports libano-syriens, c’est un problème profond qu’on ne peut pas occulter d’un revers de la main. Je ne dis pas qu’il faille le résoudre d’une façon ou d’une autre, mais c’est très bien d’en parler». Soit. Mais vous n’allez pas prétendre que le fait que vous n’ayez rencontré, au cours de cette visite au Liban, que Walid Joumblatt, Nassib Lahoud et Carlos Eddé, trois infatigables militants d’un rééquilibrage, dans le respect mutuel, des relations Beyrouth-Damas, n’est que hasard pur ? «Non. Ce n’est pas le hasard. Mais notre séjour a été court, et ce sont les responsables politiques que nous voyons le plus naturellement. Ce que nous voulons, c’est entendre le point de vue des amis politiques du PS». C’est une opération marketing, votre visite ici ? Pour dire à tous ceux qui désormais sont persuadés du contraire, que le PS n’est pas pro-israélien. «Ce n’est pas une opération marketing et le PS n’est pas pro-israélien. Le PS est pro-paix dans la région, et il fera tout pour y contribuer». À bon entendeur... Des roses à Sabra et Chatila Une dernière chose enfin : Henri Nallet, Alain Chenal et Joseph Tohmé ont déposé, avant-hier samedi – avant de rencontrer Carlos Eddé puis Nassib Lahoud – dans la fosse commune des camps de Sabra et Chatila une gerbe de roses pour les 1 500 victimes des massacres perpétrés lors de l’invasion israélienne de 1982.
«Je n’ai rien à dire et ce n’est vraiment pas le moment. Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit...». En l’occurence : un des grands dirigeants du Parti socialiste. Dixit Walid Joumblatt, répondant à un journaliste qui le harcelait pour qu’il commente les lazzi dont l’abreuvent, régulièrement, tous les thuriféraires baassisto-PSNS. Walid Joumblatt a décidé...