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Actualités - BIOGRAPHIES

PORTRAIT D’ARTISTE - Laure Ghorayeb : des dessins en écritures…

À contre-courant. Un terme qui définit, à lui seul, la personnalité et l’œuvre de Laure Ghorayeb. Cette artiste, journaliste (critique d’art au quotidien an-Nahar), épouse du comédien Antoine Kerbage, n’est pas du genre à grossir les rangs des conformistes. Rebelle, mais dans le bon sens, elle combat dans sa vie, dans ses écrits et dans son art, le «prêt à penser», l’hypocrisie sociale et les convenances limitatives. Dans sa dernière exposition, dont le vernissage aura lieu ce soir (18h) à la galerie Janine Rubeiz (Raouché ; imm. Majdalani), elle présente des dessins à l’encre de Chine, qui sont autant de chroniques sociales sur les thèmes qui lui ont toujours été chers : l’attachement à la terre, la mémoire collective, le patrimoine, Deir el-Kamar son village, les faits quotidiens, etc. En grands ou petits formats, de très beaux tableaux construits avec la patience d’une dentellière. Ces compositions qui jouent à emmêler l’écriture au signe voir même à substituer leurs fonctions, sont l’expression de l’amour de Laure Ghorayeb pour les mots et les images. Un double penchant qui remonte à loin. Toute petite, elle copiait les illustrations de ses livres de classe, et essayait de reproduire en dessins les histoires que les vieux racontaient, ou celles qu’elle lisait. «À l’époque, la télévision n’existait pas encore. Nous avions la possibilité d’utiliser notre imagination, dit-elle. Mais en même temps, j’aimais beaucoup écrire : des nouvelles, des poèmes, de petites choses». Des «œuvres secrètes» qu’elle n’aimait pas montrer – «surtout les dessins que je travaillais au fusain avec les doigts» – et qui avaient déjà une facture propre à l’artiste, une expression toute personnelle. Un langage de traits, d’arabesques et de calligraphie ciselé en miniature sur un fond blanc. «Je gribouillais beaucoup, mais je ne savais pas que ça pouvait avoir un sens quelconque». C’est par hasard que Saïd Akl, avec qui elle travaillait au ministère de l’Éducation nationale, dans les années cinquante, tombe sur un de ses dessins. Il l’apprécie et l’encourage à continuer dans ce style. «Il m’a donné plein de conseils pratiques, mais n’a jamais essayé de me faire changer ma manière de dessiner». Improvisation Elle 1960, elle publie Noir… les bleus, son premier recueil de poèmes en français, où elle glisse quelques-uns de ses dessins. C’est à partir de là que le déclic, mais à «contresens», se produit chez Laure Ghorayeb : elle décide de laisser tomber l’écriture pour le dessin. «J’ai toujours improvisé dans ma vie, explique-t-elle. Mon mariage, mes enfants, mon passage du journalisme en langue française à l’arabe (elle a commencé dans la rubrique culturelle du quotidien Le Jour), mes dessins, tout s’est fait de manière spontanée». Justement, ce qui est marquant dans l’œuvre picturale de Laure Ghorayeb, c’est qu’elle n’est pas élaborée consciemment. «Je ne décide pas de tracer telle forme, tel visage. Tout se met en place, tout seul. Et pourtant mon dessin est conçu, dans le sens où c’est une sorte de chronique contemporaine». À partir des mêmes éléments. «J’utilise toujours un mélange inspiré des calligraphies, des arabesques, des écritures anciennes (mayas, aztèques, égyptiennes, cunéiformes, etc.). Et c’est vrai que depuis mes débuts dans les années soixante jusqu’aujourd’hui, les mêmes graphismes, les mêmes visages lunaires reviennent dans mes dessins. C’est comme si ce que je faisais se perpétue dans mon esprit. Comme si je me racontais une histoire qui ne veut pas finir», dit-elle avec émerveillement. Cette sorte d’écriture automatique transposée en images donne des toiles tissées patiemment, par petits traits ajoutés les uns aux autres, qui prennent une première forme miniature, celle-ci s’imbriquant dans un graphisme plus large. Il y a ainsi toujours deux niveaux – si ce n’est plus – de lecture d’une œuvre de Laure Ghorayeb. Tout dépend d’où l’on se place. Le regard de loin offre une vision globale. De près, c’est une histoire qui se déroule au fil des paysages, des personnages et des scènes miniatures, qui s’enchevêtrent. «En fait, le spectateur fait le chemin inverse du mien. Il commence par voir l’aboutissement de mon travail, avant d’entrer dans le détail», souligne Laure Ghorayeb. L’artiste a tenté un moment d’aborder d’autres styles, d’autres techniques, matières et textures (peintures, sculptures, couleurs, etc.), mais elle est toujours revenue vers le dessin, de préférence en noir et blanc, à l’encre. «C’est de l’ordre du mystique, de l’hypnotisme», affirme-t-elle. «Je travaille infiniment petit, et je ne sais pas comment ça va être, jusqu’à ce qu’une fois le dessin achevé, je le vois de loin, alors parfois je suis émerveillée. Et cet émerveillement est mon moteur, ma récompense, mon espoir», conclut celle pour qui le «dessin est une autre sorte d’écriture !».
À contre-courant. Un terme qui définit, à lui seul, la personnalité et l’œuvre de Laure Ghorayeb. Cette artiste, journaliste (critique d’art au quotidien an-Nahar), épouse du comédien Antoine Kerbage, n’est pas du genre à grossir les rangs des conformistes. Rebelle, mais dans le bon sens, elle combat dans sa vie, dans ses écrits et dans son art, le «prêt à penser»,...