Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINIONS

Une réconciliation - avec l’Histoire ?

En reprenant le chemin de Rome, Jean-Paul II nous invite-t-il à prendre quant à nous le chemin de Damas ? Celui, cependant, d’une Syrie nouvelle à qui le pèlerinage du pape a fait retrouver, dans une joie au-delà de toute attente, une autre elle-même ? En effet, l’espace d’un rêve devenu réalité, la Syrie semblait avoir sorti son âme ancienne des vieux buffets de l’oubli, comme pour nous proposer de réécrire l’Histoire. Une explosion d’images folles, de monuments, de villes mortes qui revenaient à la vie des confins de leurs déserts... Une avalanche de prières oubliées qui se récitaient soudain avec ferveur, avec beauté, proclamant que c’est bien le même Allah Unique et Miséricordieux que les paroles divines du Coran célèbrent – versets récités après versets –, dans ses révélations successives. Et le même amour de la même Marie mère de Dieu dont le Saint-Père offre une icône hodigitria (et byzantine de surcroît) à placer au Mausolée de Saint-Jean Baptiste, le Nabi-Yehià, conservé au centre de la Mosquée Omeyyade. Ne faut-il pas croire que la Syrie enorgueillie soudain par sa culture plurielle, et comme heureuse de se retrouver libérale et tolérante, s’associait tout entière au pardon réciproque que proclamait le Saint-Père, dans son homélie de la Mosquée ? Et que, plus à l’écoute des exhortations papales que certains Libanais, elle ne risque de spolier le Liban de sa qualité de «pays message», donc de sa raison d’être, s’il hésite et tergiverse plus longtemps à en porter le flambeau? L’Histoire s’écrit souvent avec de bien curieuses coïncidences. Mais était-ce une coïncidence que le drapeau libanais, absent tout au long du pèlerinage papal, n’ait flotté, haut et fier, qu’à Kuneitra où le Saint-Père, perdu dans la contemplation des cimetières chrétiens vidés et désacralisés, leurs croix brisées, apprit, au moment même, la mort d’un nouveau-né tué par balles israéliennes ? Sa prière, à l’autel d’une cathédrale détruite, résumait ainsi toutes les larmes qui, dans une même souffrance mais aussi un même espoir, unissaient les cimetières du Golan aux villages torturés du Liban-Sud. Coïncidence encore ? Le journaliste Nizar Nayouf, incarcéré depuis une infinité d’années, pour crime de défense des libertés d’expression et des droits de l’homme, venait d’être enfin ramené chez lui à Lattaquié avant que le pape ne quitte la terre syrienne. Dans la semaine – autre coïncidence, autre hasard ? – la presse libanaise, et peut-être aussi syrienne, avait publié et commenté un manifeste émanant des dirigeants – en exil – du mouvement des Frères musulmans qui marquait un retour aussi dramatique qu’inattendu des islamistes syriens. Un pacte d’honneur prônant l’instauration d’un régime pleinement libéral et démocratique, le respect des droits de l’homme et des libertés du citoyen, l’alternance au pouvoir par des élections libres ouvertes à tous les partis. Il n’appartiendra plus, désormais, aux Libanais seuls de dire à la Syrie qu’elle ne peut pas être, tout à la fois, elle-même et son contraire. L’Histoire qui s’écrit toujours à l’encre rouge – et souvent à l’encre rouge du sang des autres – ne se referme plus, une fois les pages du destin ouvertes comme des écluses. Il faut encourager la Syrie à continuer d’être fière – comme l’a proclamé, devant le Saint-Père, Bachar el-Assad, le jeune maître de Damas – d’avoir donné à Rome sept ou huit papes et trois ou quatre empereurs. Sans oublier tous les saint Jean Damascène, saint Ignace d’Antioche, saint Siméon le Stylite, plus un patriarche et pape de Constantinople, saint Jean Chrysostome. L’Histoire continuera d’accueillir les saints, surtout martyrs, tel le plus récent, saint Joseph (Haddad) de Damas, mais aussi ceux aux prières miraculeuses. Elle offrira une moindre hospitalité aux rêves de nouveaux Césars, moins encore aux fantasmes de leurs esclaves. Que le message soit entendu au Liban d’abord, s’il faut le répéter ailleurs.
En reprenant le chemin de Rome, Jean-Paul II nous invite-t-il à prendre quant à nous le chemin de Damas ? Celui, cependant, d’une Syrie nouvelle à qui le pèlerinage du pape a fait retrouver, dans une joie au-delà de toute attente, une autre elle-même ? En effet, l’espace d’un rêve devenu réalité, la Syrie semblait avoir sorti son âme ancienne des vieux buffets de...