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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le Mouvement du renouveau démocratique, une formation « qui n’a rien à voir avec les partis doctrinaires » - Nassib Lahoud : Le chef de l’État devrait assumer - un rôle de rassembleur

Nassib Lahoud est un homme constant. On l’a déjà dit et répété et il en donne la preuve encore une fois aujourd’hui. Des années durant, il a exprimé haut et fort, sur le même ton ferme mais modéré qui lui est propre, les sentiments des Libanais, leurs aspirations, leurs appréhensions et leurs souffrances. Inlassablement, il a plaidé pour une réforme substantielle de l’État et un assainissement de la vie politique. Son seul regret ? Il l’a confié à L’Orient-Le Jour au moment où la bataille électorale battait son plein dans le Metn : «Ce que je me reproche de ne pas avoir réussi à faire, c’est de créer un groupe de travail, un mouvement politique qui pourrait profiter de la créativité et du dynamisme des jeunes». Un rêve qu’il caresse depuis déjà longtemps et qu’il vient donc de concrétiser en fondant avec un groupe d’hommes politiques et d’intellectuels le Mouvement du renouveau démocratique. Nassib Lahoud, dont les prises de position ont sensibilisé un grand nombre de Libanais qui sont parvenus à le hisser au Parlement en dépit de la farouche guerre menée contre lui, passe ainsi à l’action. Sur un double front : à travers le mouvement qu’il vient de créer et dans le cadre des assises de Kornet Chehwane. L’objectif des deux initiatives est le même. C’est évident : briser un statu quo qui dénature la vie politique au Liban. Entre le Mouvement du renouveau démocratique et les assises de Kornet Chehwane, il y a sans doute de nombreux points communs, dont la volonté d’ouverture sur la communauté mahométane. Il y a surtout celui-ci : tous deux sont nés d’un besoin pressant : celui de tenter de sauver un pays qui va à la dérive et de neutraliser les immixtions étrangères, principale cause du fossé qui s’est creusé entre les Libanais et qui s’élargit de jour en jour. On peut facilement comprendre dès lors pourquoi les deux ont vu le jour presque à la même période. «Tout à fait fortuitement, dit Nassib Lahoud, notre action vient en réponse à un besoin dans le pays et à la demande pressante d’un grand nombre de nos amis et de personnes qui ont collaboré à notre action politique. Nous sentons le besoin d’un travail de groupe qui rendrait une certaine respectabilité à l’action politique et qui en augmenterait l’efficacité. Nous n’avons trouvé cela possible que par l’institution de structures de travail modernes qui nous permettraient et qui permettraient à un large éventail de Libanais de participer à la vie publique à plusieurs niveaux. Nous voulons susciter l’intérêt d’une importante frange de la population qui est restée en marge de la politique : les intellectuels, les hommes d’affaires, les femmes, les jeunes. Nous souhaitons leur fournir des instruments de travail pour une action en commun vers l’établissement d’un projet de société libanaise nouvelle, loin des partis doctrinaires, rigides et rigoureux qui, à mon avis, sont dépassés à l’aube du XXIe siècle. Ces nouveaux moyens d’action permettront aux membres de notre mouvement de travailler ensemble sur des valeurs communes, mais sans perdre leur personnalité dans des structures rigoureuses et rigides». Le noyau d’une force dynamique Le député du Metn croit ferme en le peuple comme une force potentielle de changement et au droit des différentes tranches de la société de forger le présent et l’avenir du pays et non pas de les subir. Son vœu est de rassembler les diverses composantes de cette société, toutes appartenances communautaires confondues, autour de principes qui unifient et ne divisent pas. Avec les assises de Kornet Chehwane, le Renouveau démocratique constitue le noyau fort de ce qui est peut-être appelé à devenir une force dynamique au sein de la société libanaise. Son comité fondateur est constitué de deux anciens ministres et députés, Michel Samaha et Nadim Salem, d’un ancien député, Camille Ziadé, et de deux professeurs d’université, Antoine Haddad et Joseph Bahout. «À travers la réflexion, nous voulons intervenir sur les grands problèmes de l’heure, promouvoir et protéger la souveraineté du Liban et renforcer la démocratie libanaise en lui permettant d’évoluer vers des structures plus modernes qui feront émerger une démocratie participative et égalitaire. Nous voulons aussi défendre les libertés publiques, les droits de l’homme et œuvrer pour une nouvelle économie qui intégrera le Liban dans la modernité et qui permettra le développement de toutes les régions en respectant l’équité et la justice sociale qui nous sont très chères parce qu’elles font partie intégrante de la stabilité politique et sociale du pays. Nous voulons que le Liban puisse également prendre une place de choix dans la région. Nous pensons que le Liban a les moyens de jouer un rôle précurseur dans la modernisation et la démocratisation du monde arabe. Nous voulons faire partie intégrante du monde arabe, mais d’un monde arabe respectueux de la démocratie et de la liberté». Les objectifs fixés par le Mouvement du renouveau démocratique rejoignent sur d’innombrables principes les vœux énoncés dans le mémorandum des assises de Kornet Chehwane, ainsi que les thèses développées par le chef du PSP Walid Joumblatt, relève M. Lahoud. Ce regroupement d’un large parterre de personnalités et de courants politiques, auquel on assiste autour des mêmes idéaux et des mêmes objectifs, ne peut que donner plus de poids au mouvement revendicatif en faveur d’un rétablissement de la souveraineté et d’un assainissement de la vie politique. Il lui confère aussi plus de crédibilité et de légitimité qu’il puise autant dans la nature même de ses revendications que dans la variété des courants et des personnalités politiques qui le forment. Encore faut-il que l’État soit sensible à ces éléments et qu’il réagisse en conséquence. Selon le député du Metn, l’intérêt du mémorandum de Kornet Chehwane réside aussi dans le fait qu’il élimine tous les doutes qui pouvaient subsister sur les buts finaux de l’action du patriarche maronite : «Aux musulmans, nous disons que nous ne voulons pas remettre en question les réformes ou les équilibres politiques qui ont été le résultat des réformes agréées à Taëf. Aux Syriens, nous disons que notre souci de rétablir une souveraineté nationale véritable n’est pas incompatible avec des relations privilégiées que nous désirons avec Damas. Aux Arabes, nous disons que nos relations privilégiées avec la Syrie et notre désir de souveraineté ne sont pas un obstacle à notre apport, que nous voulons grandissant, à l’élaboration d’un projet arabe moderne et à notre adhésion totale à la défense des droits arabes dans le cadre du conflit arabo-israélien. Tels sont les grands messages de la rencontre de Kornet Chehwane. Nous espérons qu’ils seront reçus avec toute la bonne foi dont nous avons fait preuve en les établissant». Gare aux idées préconçues Pense-t-il que l’État qui s’est jusqu’à présent abstenu de commenter l’action engagée à Kornet Chehwane fera écho à l’appel qui lui a été lancé ? «Le document de Kornet Chehwane offre une réflexion profonde sur les problèmes du Liban tant sur le plan politique local que sur le plan des relations libano-syriennes ou encore en ce qui concerne les rapports entre le Liban et le monde arabe et la position du Liban par rapport au conflit arabo-israélien. Il faut comprendre que les problèmes qui se posent ne peuvent pas être réglés si l’on se fige derrière des idées préconçues et dans un refus total d’engager un dialogue sur la réforme et le changement. Le changement doit se faire et doit être respectueux de la légalité constitutionnelle, mais il doit être le fruit d’un dialogue approfondi entre les Libanais», insiste M. Lahoud. «L’État, renchérit-il, ne pourra jamais surmonter les problèmes graves qui affectent le pays sur les plans politique, économique ou régional, sans engager un dialogue, qui, seul, est capable de nous sortir du marasme multiple dans lequel nous nous débattons». Indirectement, il presse le chef de l’État de parrainer ce dialogue que d’aucuns jugent indispensable pour une normalisation politique : «J’espère que le président jouera le rôle naturel qui lui incombe, conformément à la Constitution, et qui est un rôle de rassembleur». Sans porter de jugement sur les alliés de la Syrie, comme le chef du Parlement Nabih Berry, selon qui on peut parler de tout sauf de la présence syrienne au Liban, le député souligne que le dossier des relations libano-syriennes, politiques et économiques, ne peut pas être occulté, «dans l’intérêt des deux pays». «L’ingérence de la Syrie dans les affaires intérieures du Liban est un problème qui doit être résolu. Il est incompatible avec le désir de tous les Libanais d’être souverains dans leur pays», affirme M. Lahoud en insistant sur le fait qu’un assainissement des relations libano-syriennes – dans un sens d’un rééquilibrage fondamental, bien sûr – encourage l’établissement d’un «partenariat stratégique entre le Liban et la Syrie, ouvert sur l’avenir». Leur force, Nassib Lahoud et tous ceux qui tiennent le même discours la tiennent de leur persévérance : «Nous espérons convaincre les alliés de la Syrie et la Syrie elle-même que la consolidation des relations libano-syriennes passe forcément par l’assainissement des rapports entre les deux pays. Le statu quo actuel ne fait que les envenimer». Ils la puisent aussi dans leur cohérence et dans la solidité de leur engagement. «Le fait que nous ayons pu élaborer avec plusieurs formations politiques – qui gardent chacune sa personnalité propre – et personnages indépendants un document de travail qui reflète notre position est la preuve que les discussions ouvertes et de bonne foi peuvent aboutir à une vision commune des problèmes locaux et régionaux. Il était important de prouver que même entre des formations politiques qui ne s’entendaient pas nécessairement dans le passé, il est parfaitement possible d’établir un document en commun. Cela devrait encourager toutes les parties à miser sur le dialogue». Et de souligner dans le même temps que «le succès d’un projet de reprise économique passe nécessairement par la normalisation du climat politique qui passe à son tour par un dialogue sérieux et ouvert entre les Libanais d’abord, mais aussi entre l’État libanais et l’État syrien». M. Lahoud dément les informations selon lesquelles les participants à la rencontre de Kornet Chehwane envisagent d’établir des contacts avec la Syrie pour la rendre réceptive aux principes qu’ils défendent : «Nous n’encourageons pas un dialogue entre des fractions libanaises et la Syrie». Selon lui, un contact pareil doit être établi entre les deux États. Cette semaine, les participants aux assises de Kornet Chehwane vont se réunir de nouveau pour décider du suivi qu’ils vont donneur à leur action.
Nassib Lahoud est un homme constant. On l’a déjà dit et répété et il en donne la preuve encore une fois aujourd’hui. Des années durant, il a exprimé haut et fort, sur le même ton ferme mais modéré qui lui est propre, les sentiments des Libanais, leurs aspirations, leurs appréhensions et leurs souffrances. Inlassablement, il a plaidé pour une réforme substantielle de...