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Actualités - BOOK REVIEWS

Vient de paraître - « Hindiyya, mystique et criminelle » de Bernard Heyberger

Le troublant et fascinant portrait d’une femme peu ordinaire... Une vie ballotée entre sainteté et turpitude, élévation et déchéance, spiritualité et abjection, mysticisme et criminalité. Volney l’avait déjà citée dans son voyage en Orient. Les bruits les plus fous la devancent. Jalal Khoury, dramaturge libanais d’une insatiable curiosité culturelle, l’avait, il y a à peine quelque temps, «théâtralement» jetée sous les feux de l’actualité et de la rampe en en faisant son héroïne. Flamboyante et décharnée, cette héroïne a régné sans partage et sans mesure, en despote absolue, sur les sœurs de Bkerké n’hésitant pas à infliger à certaines des châtiments meurtriers... Personnage «exhumé» des archives des couvents, «Hindiyya» Ujaymi fait aujourd’hui l’objet d’un livre (gros comme un pavé !) où recherches fournies, richement documentées, et parcours d’une vie surprenante et en dents de scie se côtoient mystérieusement. Sous la plume de Bernard Heyberger (qui ne cède jamais aux phrases fleuries et encore moins à une poésie dite éthérée ou religieuse), maître de conférences en histoire à l’Université de Haute-Alsace (Mulhouse), auteur des Chrétiens du Proche-Orient au temps de la réforme catholique (Syrie, Liban, Palestine XVII-XVIIIe siècles – École française de Rome 1995), et dans la collection historique dirigée par Alain Corbin et Jean-Claude Schmitt, paraît aux éditions Aubier Hindiyya, mystique et criminelle (456 pages). Si La religieuse de Diderot avait eu pour cadre le Liban, l’héroïne en aurait été Hindiyya. Née à Alep en 1720, cette chrétienne maronite manifeste très tôt les signes d’une vocation exceptionnelle : visions et miracles suscitent l’émoi de ses proches et de ses confesseurs, qui l’incitent à entrer dans une communauté religieuse. Hindiyya oppose à ce projet une conviction inébranlable. Elle se sent appelée à fonder son propre Ordre, voué au Sacré-Cœur de Jésus, et y parvient en 1750, lorsqu’elle devient la supérieure du couvent de Bkerké, sur les hauteurs de Jounieh, dans la montagne libanaise. Alors que les théologiens romains condamnent la «sainteté» de Hindiyya, un véritable culte se développe autour d’elle. Mais, à l’extérieur du couvent, rien ou presque ne filtre des incidents étranges qui s’y produisent : rumeurs d’empoisonnement et accusations de sorcellerie se multiplient... Un véritable théâtre de l’horreur s’orchestre autour de Hindiyya, qui culmine, en 1777, avec le meurtre d’une religieuse longuement torturée. Un envoyé du Vatican découvre les faits et mène l’enquête. Après plusieurs rebondissements, l’Ordre du Sacré-Cœur est aboli et Hindiyya exilée; elle meurt, captive, vingt ans plus tard. Ce livre, mêlant avec doigté une vie tumultueuse et captivante, faits et troubles passés au tamis des documents historiques disponibles et analyse percutante d’un personnage et des situations hors normes, rouvre enfin «l’affaire Hindiyya», refoulée par la mémoire collective depuis deux siècles. Tout en écrivant un chapitre inédit de l’histoire du Liban, il offre un éclairage inattendu sur le catholicisme du XVIIIe siècle. Sur le portait saisissant et singulier de cette dévote de la bourgeoisie d’Alep, cette religieuse au tempérament dominateur et brûlant d’un amour divin incendiaire, vient se greffer l’étude de tout un contexte socio-historique où sainteté féminine et pratiques religieuses sont soumises à des interrogations en profondeur.
Le troublant et fascinant portrait d’une femme peu ordinaire... Une vie ballotée entre sainteté et turpitude, élévation et déchéance, spiritualité et abjection, mysticisme et criminalité. Volney l’avait déjà citée dans son voyage en Orient. Les bruits les plus fous la devancent. Jalal Khoury, dramaturge libanais d’une insatiable curiosité culturelle, l’avait, il y a...