Toutes dents dehors...

2001, l’Odyssée de l’Espèce libanaise : comment organiser le débat entre des demeurés qui manifestent le matin, à l’heure de la production, dans un pays endetté jusqu’au trognon ? Facile, suffit d’inventer un concept politique révolutionnaire. Un concept basé sur la technicité de l’équipement et la poésie du geste. L’équipement, lui, est sommaire : quelques tracts mitonnés avec amour par les James Bond maison et distribués dans certains clubs popu, façon cercle des poètes disparus. Un produit de base, destiné à des Libanais de base, dotés d’une intelligence de base. Par la suite, le matériel devient plus sophistiqué : un jeu complet de 32 dents parfaitement acérées, des ongles dont l’extrémité porte le deuil de la classe politique, enfin un couteau de cuisine, de préférence orné d’hémoglobine confessionnelle à la fièvre affreuse. Armé de ces commodités du dialogue, l’excité renforcera son allure d’un comique de geste à l’effet garanti : bras droit levé, prolongé d’un bâton style maréchal des logis, et un rictus cactus agrémenté d’un discret filet de bave coulant sur un furoncle adulte, lui-même surmonté d’un bébé furoncle qui ne demande qu’à croître et prospérer. À ce stade, on peut dire que l’ahuri fanatisé par le tract bidon est cuit à point. Il devra d’abord attaquer, toutes dents dehors, en visant la carotide de l’ennemi communautaire. Parallèlement, il lui plantera les ongles dans le visage, si possible dans l’œil afin de brouiller sa vision de l’entente nationale. Le couteau de cuisine ne sera utilisé qu’en dernier ressort, juste pour dire que le débat politique est entré dans le vif du sujet. Le talk-show crétin peut enfin démarrer. Comme d’habitude, les intelligents arbitreront. D’ailleurs, à quoi servirait l’intelligence si l’imbécillité n’existait pas ?