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Actualités - CHRONOLOGIES

CONCERT - À l’Assembly Hall-AUB - Abdel Rahman el-Bacha : le clavier, c’est son royaume...

C’est avec infiniment de plaisir qu’on retrouve un de nos plus brillants prince du clavier. Servi par un programme éblouissant, à haute voltige pianistique et une technique imparable et au-dessus de tout éloge, Abdel Rahman el-Bacha a admirablement «officié» à l’Assembly Hall et à l’auditorium de l’Usek à Kaslik. Au menu, des pages vertigineuses de virtuosité, de bravoure, frémissantes de sensibilité, belles à couper le souffle; des pages de J.S. Bach, Frederic Chopin, Serge Rachmaninoff et Igor Stravinsky. Toujours cette touche de compositeurs russes au lyrisme emporté, échevelé… Ouverture à la française de la grande partita en si mineur du Kantor. Se succèdent dans leur architecture fine, leurs notes limpides, leurs rythmes vifs, leurs mélodies claires, leurs contrepointes savantes, leurs accords croisés, une courante, une gavotte, un passepied, une sarabande, une bourrée, une gigue et... un écho ! Écho qu’on retient dans ses notes d’orgue comme un rayon de lumière qui nous restitue à la vie et aux grands espaces dans une expression où tout est simplicité et élévation. Narration oscillant entre majesté et esprit ludique en une écriture musicale fine, dentelée, élancée comme ces flèches des cathédrales qui fendent le brouillard en une pointe coruscante au petit matin... Échos aussi du plus génial et mélancolique des exilés polonais avec la sonate n°3 en si mineur op 58 dans ses somptueux quatre mouvements. La voix de Frederic Chopin a sous les doigts d’Abdel Rahman el-Bacha le plus bel et le plus fervent des intreprètes. Lyrisme impétueux, nostalgie poignante, chromatisme à la velocité du vent, mélodies sinueuses et charnues comme des orchidées sur leurs corolles ployées, accords en grappes opulentes et magnifiques, voilà une sonate incontournable, qui après quelques phrases sereines, se précipite en grandes enjambées dans les volutes d’une fiévreuse inquiétude. Bercée par une mélodie aux tristesses veloutées et douces, s’offrant des moments de frileuse rêverie, à la fois torrentielle et puissante vers l’apothéose de la fin, cette œuvre ardue est un authentique morceau d’anthologie dans le répertoire pianistique et qu’on écoute dans une version admirablement maîtrisée et toute en subtiles nuances. Après l’entracte, tempête slave sur l’auditoire délicieusement pris dans l’orage des passions et des distorsions des rythmes avec les dix redoutables et célèbres préludes (op 23) de Serge Rachmaninoff. Redoutables à cause de leur effroyable difficulté technique et célèbres tant elles sont en vedette pour leur expression de virtuosité et d’envoûtante richesse sonore. Sans oublier que Rachmaninoff a fait ses études de piano avec son cousin Siloti, ancien élève de Liszt. Peut-être est-ce là l’inspiration «singulière» du musicien, la clef de ces pièces à la fois tourmentées et diaphanes, démesurées, fougueuse, tumultueuses, dures parfois comme un diamant pur... Toujours dans le plus pur des sillages de l’âme russe, trois mouvements de Petroucha du révolutionnaire Igor Strawinsky, Picasso de la musique. Des vacances passées en Ukraine dans la propriété de Catherine Gabrielovna Nossenko, la sœur aînée de sa mère, «femme despotique» qui avait travaillé le chant, surgissent, sans nul doute, ces images sonores aux sonorités saisissantes et nouvelles. C’est là que l’auteur du Sacre du printemps découvre à la foire de Yanolisti les tréteaux des bateleurs et les concours de danses. Un jour de carnaval, la représentation d’un théâtre forain, trois marionnettes vont s’animer, le pantin Petrouchka, un Maure vindicatif et une ballerine coquette. Dotés de sentiments humains par un magicien, ces fantoches vont vivre et souffrir comme des êtres animés. Fantaisie et couleurs locales russes sont au rendez-vous dans ces superbes images sonores alertes, vivantes, absolument enchanteresses. Magie de musique plutôt que magie de scène avec le génial Strawinsky qui offre là aux auditeurs une occasion en or d’ «écouter-voir» un conte presque improvisé jailli de l’imagination fertile et dorée d’un enfant ébloui par le monde du «spectacle» populaire. Pour un public relativement peu nombreux (on ne rate pourtant pas une prestation d’Abdel Rahman el-Bacha !) et pour une fois absolument attentif et respectueux du récital (pas d’applaudissements intempestifs et déplacés mais beaucoup de toussottements !), une «standing ovation» était de mise avec un rappel généreusement honoré par un onzième prélude de Rachmaninoff. Savoureux prolongement nacré d’un moment musical exceptionnel.
C’est avec infiniment de plaisir qu’on retrouve un de nos plus brillants prince du clavier. Servi par un programme éblouissant, à haute voltige pianistique et une technique imparable et au-dessus de tout éloge, Abdel Rahman el-Bacha a admirablement «officié» à l’Assembly Hall et à l’auditorium de l’Usek à Kaslik. Au menu, des pages vertigineuses de virtuosité, de...