Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - « Lettres d’une mère à son fils », dernière ce soir au Monnot, 20h30 - Pièges d’amour en papier

Un grand écrivain face aux lettres que lui écrivait presque quotidiennement sa mère, bouchère de Guéret, petite ville insipide française, voilà qui laisse perplexe. Or la correspondance de Marcel Jouhandeau et de sa mère, commencée le jour du départ de l’écrivain pour Paris et interrompue par la mort de la vieille dame, a surpris ceux qui l’ont redécouverte. D’abord le fils (lire l’encadré), puis l’éditeur (Jean Paulhan de Gallimard) et enfin les comédiens (Madeleine Renaud et Marcel Maréchal). En écoutant ces derniers lire et interpréter ces lettres, le public découvre, et il est à ce titre le dernier maillon de la chaîne de l’étonnement, une écriture toute simple, sans prétention, celle d’une provinciale sans grande éducation, sans doute mariée jeune à un homme qui ne lui laisse que peu de liberté et avec lequel elle s’ennuie profondément. Marie Jouhandeau aime son fils désespérément, passionnément : elle prend soin d’elle pour lui, prend du poids, s’achète des vêtements et lui demande de faire de même pour elle. Décompte obsessionnel Au rythme des séparations et des retrouvailles (Marcel Jouhandeau, devenu professeur à Paris, venait la retrouver à chaque vacances scolaires), elle échafaude des projets de promenade, brique sa chambre et écrit : «Nous nous retrouvons toujours jeunes tous les deux». Sans équivoque. Des sentiments d’une force incroyable qui la poussera à confier à son fils qu’elle a brûlé leurs lettres «pour cacher (leurs) affaires» de son mari. Elle tient une sorte de journal détaillé à l’excès de sa vie à Guéret, si détaillé qu’on a l’impression qu’elle y enferme son fils, forcé de s’imaginer les roses pousser, les lapins grandir, le soleil se coucher et les vieux mourir. Le décompte obsessionnel des jours qui les séparent ou les rapprochent est à lui seul la preuve de cet amour démesuré d’une mère à son fils unique («À mon avis, tu es parfait», lui écrit-elle), à qui elle a dédié sa vie. Ne lui écrit-elle pas à propos de son jardin qu’elle ratisse jusqu’à l’épuisement : «Je voudrais que tu aies de beaux chemins pour pouvoir passer» ? Amour castrateur Les «Lettres d’une mère à son fils» sont donc à prendre seulement pour ce qu’elles sont : des pensées, des constatations remplies de bon sens et de poésie délicate («La vie est un séjour, on la quitte sans le savoir»), qui n’ont d’intérêt que par l’amour insensé avec lequel elles ont toutes été écrites. C’est lui, cet amour castrateur, presque incestueux, qui donne à Marie Jouhandeau, la «petite bouchère», une petite place dans le monde des écrivains du quotidien. Marcel Maréchal est impeccable dans sa diction, dans ses attitudes et dans son interprétation du fils rouvrant de vieilles caisses débordant de liasses de papiers bleus noués en paquets avec un ruban de la même couleur. Comme le public, il écoute avec une émotion à peine contenue la voix enregistrée de cette incroyable comédienne, Madeleine Renaud, qui donne la réplique comme si elle était sur scène avec lui. Dernière représentation ce soir au Monnot, 20h30.
Un grand écrivain face aux lettres que lui écrivait presque quotidiennement sa mère, bouchère de Guéret, petite ville insipide française, voilà qui laisse perplexe. Or la correspondance de Marcel Jouhandeau et de sa mère, commencée le jour du départ de l’écrivain pour Paris et interrompue par la mort de la vieille dame, a surpris ceux qui l’ont redécouverte. D’abord...