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Actualités - ANALYSES

La situation - Un débat qui en cache un autre, plus vaste - Le Liban partagé entre la relance économique et les hameaux de Chebaa

Retour à la case départ. Ou presque. Le contexte n’est certes pas le même, mais au moins sur le plan de la forme, le débat actuel sur l’opportunité de la poursuite des opérations du Hezbollah au Liban-Sud n’est pas sans rappeler quelque peu la polémique du début des années 70 sur l’action palestinienne armée à partir du Arkoub. Avec, évidemment, des différences fondamentales. Le clivage, cette fois-ci, n’est plus islamo-chrétien. Et les motivations des détracteurs des opérations militaires ne sont plus, comme par le passé, d’ordre politique, en rapport avec les équilibres communautaires. Elles sont plutôt liées aux impératifs du redressement économico-financier. Les développements des derniers jours ont permis à la situation de se décanter et aux positions en présence d’émerger à la surface. Face au marasme actuel et à l’aggravation du problème épineux de la dette publique, le Premier ministre – appuyé en cela par divers milieux parlementaires et certains pôles du pouvoir – s’est fixé pour objectif prioritaire de redorer le blason du Liban dans les milieux d’affaires internationaux en vue d’attirer les investissements étrangers. Ce qui implique nécessairement d’éviter «toute provocation» à la frontière avec Israël, comme l’a souligné M. Hariri, sans détour, à Paris, devant les chefs d’entreprise français. Le vice-Premier ministre et certains députés du Liban-Sud ont abondé ces derniers jours dans le même sens, multipliant les déclarations dont il ressort qu’après le retrait de mai dernier, il est temps désormais de plancher sérieusement sur le grave dossier de la crise socio-économique. Pour le Hezbollah, par contre, les calculs régionaux (et idéologiques) priment sur toute sorte de considération, qu’elle soit économique ou autre. Et pour cause : la situation de conflit permanent avec l’État hébreu représente pour le parti intégriste un véritable terreau qui nourrit et développe, en partie à tout le moins, son existence, sa raison d’être et son action. Le retrait israélien de la zone de sécurité en mai dernier a tari dans une certaine mesure cette manne d’or. La situation ambiguë d’une poignée de hameaux à Chebaa – contrôlés par les Syriens avant la guerre de 1967 et dont le cas était en suspens depuis les années 60 – a constitué pour le Hezbollah (et aussi pour Damas) le prétexte inespéré pour maintenir un fer au feu. Du coup, la fiction de Chebaa est devenue, faute de mieux, le nouveau leitmotiv qui alimente le terreau des intégristes. Et de leurs alliés régionaux. Le débat qui a éclaté au grand jour cette semaine au sujet de l’attitude à adopter concernant Chebaa en cache, en réalité, un autre, beaucoup plus vaste : celui relatif à l’opportunité d’un déploiement de l’armée dans l’ancienne bande frontalière. En marge de sa récente visite à Paris, M. Rafic Hariri a souligné à ce sujet, dans des interviews à des télévisions étrangères, que si l’État n’a pas déployé la troupe dans l’ex-zone de sécurité, c’est essentiellement dans le but d’amener Israël à «retourner à la table des négociations». Mais M. Hariri a omis d’achever sa phrase et de préciser qui, du Liban ou de la Syrie, mettra à profit ce nouvel abcès de fixation au Liban-Sud pour pousser l’État hébreu à la table des pourparlers. Car en réalité, le Liban n’a plus rien à discuter avec Israël. Du moins pour ce qui a trait aux fermes de Chebaa. Le problème de ces hameaux doit être réglé, en effet, non pas dans le cadre de pourparlers libano-israéliens, mais plutôt par la conclusion d’un accord officiel, sous l’égide de l’Onu, entre les deux États libanais et syrien, puisque cette zone était sous contrôle syrien jusqu’en juin 1967. Reste le dossier des réfugiés palestiniens. Certains cercles proches du pouvoir soulignent en privé que la décision du régime de laisser se créer un climat d’instabilité à peine larvée au Liban-Sud constitue au stade actuel la seule carte de pression dont dispose encore Beyrouth pour tenter de court-circuiter les projets d’implantation et d’obtenir un règlement acceptable du problème des réfugiés palestiniens établis dans le pays. Mais la grande question qui se pose à ce propos est, une fois de plus, de savoir qui sera en mesure de monnayer, le cas échéant, cette carte de pression le jour où les négociations de paix avec Israël seront relancées. Le gouvernement libanais bénéficiera-t-il d’une marge de manœuvre sur ce plan ? N’est-ce pas plutôt Damas qui s’arrangera pour exploiter le climat actuel au Sud comme instrument de marchandage avec Israël ou les États-Unis, sans se soucier nécessairement de considérations purement libanaises ? Dans une certaine mesure, le débat qui se précise de jour en jour au sujet de la situation nouvelle dans la zone méridionale illustre en filigrane un ancien clivage libanais portant sur la nature des rapports de Beyrouth avec son environnement régional. Dans ce cadre, le manque de cohérence de la position officielle actuelle concernant le Sud cache mal l’absence d’autonomie de décision du pouvoir central. Sans compter les graves failles qui ébranlent encore les fondements de l’équilibre socio-communautaire du pays.
Retour à la case départ. Ou presque. Le contexte n’est certes pas le même, mais au moins sur le plan de la forme, le débat actuel sur l’opportunité de la poursuite des opérations du Hezbollah au Liban-Sud n’est pas sans rappeler quelque peu la polémique du début des années 70 sur l’action palestinienne armée à partir du Arkoub. Avec, évidemment, des différences...