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Actualités - INTERVIEWS

Michel Samaha : Un test pour le gouvernement

«Si le gouvernement n’arrive pas à effectuer cette opération chirurgicale, il ne pourra pas passer à des réalisations plus importantes», constate amèrement l’ancien ministre de l’Information Michel Samaha, en se prononçant, à son tour, sur le projet de réforme initié par le ministre Ghazi Aridi. «C’est un test symbolique», que le gouvernement doit passer avec succès à moins de se voir confronté à une catastrophe économique qui s’annonce déjà, considère M. Samaha. Si, de son temps, lorsqu’il était en charge de ce même ministère, Michel Samaha n’a pas pu mettre en route les réformes requises, «la mentalité ambiante n’étant pas assez mûre pour ce type de conversion», il n’en reste pas moins qu’une refonte totale de ce ministère – qui devrait paver la voie à d’autres mutations – est devenue aujourd’hui urgente, d’après lui, voire même incontournable. Interrogé sur les risques d’une politisation du projet de réforme entamé par Aridi, qui se voit déjà boycotté par plusieurs responsables politiques, Michel Samaha rétorque qu’il n’y a plus lieu de se payer le luxe des tergiversations politiciennes alors que le pays ploie sous le fardeau d’une crise économique. Rappelons à ce titre que, selon des sources proches du président Berry, ce dernier aurait exigé du ministre de l’Information de cadrer tous les contractuels au sein du ministère afin de leur garantir un transfert sécurisé vers d’autres ministères. Rappelant les mises en garde du président de la Banque mondiale James Wolfenshon qui avait affirmé que le Liban ne pouvait plus vivre au-dessus de ses moyens, Michel Samaha revient à la charge : «Nous ne pouvons plus traiter avec les deniers publics de manière luxueuse. Nous ne pouvons plus nous permettre de dépenser capricieusement sur nos intérêts confessionnels en puisant dans les caisses publiques comme bon nous semble». Et d’ajouter : «Il n’est pas permis non plus, après 11 ans de période transitoire, d’attendre de construire un État de droit qui puisse nous sortir de l’héritage confessionnel qui a terni l’administration». Un problème inadmissible Que propose le ministre concrètement pour entamer cette réforme et qu’avait-il fait du temps où il était en charge ? «J’avais mis en place un comité (…) qui avait entrepris des entrevues personnelles avec les fonctionnaires afin d’effectuer une évaluation». «Deux cent cinquante personnes ont été licenciées après avoir été indemnisées . Et le travail c’était arrêté là, à cause de l’ambiance confessionnelle qui prévalait, et de la politisation à outrance du dossier». Ces licenciements avaient, certes, provoqué des réactions de part et d’autre, mais la décision devait être prise, commente le ministre. Sans se prononcer ouvertement sur l’option du licenciement comme solution que devrait envisager l’actuel ministre en charge, Michel Samaha rappelle que le problème du surplus d’effectifs employés au ministère est inadmissible. «L’Ani emploie presque autant de fonctionnaires que l’ensemble des correspondants de l’AFP dans le monde, dit-il. À Radio-Liban, il y a un nombre suffisant pour faire fonctionner 5 grandes radios». Même chose au centre de documentation et de publication, où la plupart des fonctionnaires «ne servent à rien, alors qu’au niveau des trois organes, ce dont nous avons le plus besoin, ce sont des experts et des personnes spécialisées», souligne l’ancien responsable. Mais encore, la question fondamentale est de savoir de quelle information il s’agit. Et que pense Michel Samaha de la suppression du ministère de l’Information à moyen ou à long terme ? «Le ministre Aridi a lancé son projet. Il faut en profiter pour opérer un saut qualificatif en définissant une nouvelle vision du rôle des autorités et de l’information dite officielle». Là, M. Samaha rejoint l’avis de Ghazi Aridi et sa conception d’une information nationale qui se substituerait à l’information officielle. «Ces institutions, commente Michel Samaha en parlant de Radio-Liban et de l’Ani, doivent sortir du cadre du ministère et rejoindre le concept de service public, où ils seront gérés concurremment avec Télé-Liban, à la manière d’une société privée». Indépendance financière, et administrative, mais aussi autonomie totale du point de vue de leur décision politique. Selon la conception de l’ancien ministre, «ces organes devront être chargés de transmettre l’information officielle certes, mais surtout couvrir avec une indépendance totale les nouvelles en provenance de tous bords, afin de refléter le pluralisme politique culturel et économique dans le pays». Cela implique la réhabilitation de la fonction véritable du Conseil supérieur de l’audiovisuel libanais (CSA) qui serait l’organe régulateur, en lieu et place du ministère de l’Information, poursuit M. Samaha. Un soutien de la France L’idée est de «restructurer» désormais en fonction d’un service public et non plus d’un ministère. Restructurer les moyens d’informations, qui ne sont plus les moyens officiels, mais des services publics «qui sont en mesure de couvrir les points d’intérêts libanais, et de communiquer, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur, la vocation du Liban», souligne l’ancien ministre. Ce dernier plaide en faveur d’un soutien logistique de la part de la France, qui pourrait porter assistance au domaine de l’audiovisuel dans le cadre du protocole déjà mis en exécution, dont 30 millions de dollars ont été versés pour Télé-Liban. Radio-Liban et l’Ani pourraient à ce titre bénéficier de l’expérience de Radio-France et de l’AFP en terme de réorganisation, de redéfinition des fonctions techniques, de la description des postes, du fonctionnement financier, etc. Quant à Télé-Liban, l’état des lieux n’est pas plus encourageant, et tout est à refaire, estime l’ancien ministre. Les raisons de cet échec cuisant ? Une télé qui a pleinement subi la guerre, dit-il. «Il y avait pratiquement deux télévisions qui fonctionnaient sur un seul budget, et un personnel qui reflétait tout le hachis confessionnel et partisan». Et d’ajouter : «C’était devenu presque un dépotoir qui était administré par des personnes qui ne se rendaient même pas compte qu’elles disposaient des deniers publics sans chercher à les rentabiliser». Quelle solution préconise-t-il pour sortir TL de l’impasse ? Sur ce point, son avis ne diffère pas trop des nombreux experts qui ont préconisé une restructuration de fond en comble de notre télé nationale. «Il faut la défaire et la refaire. Il faut payer le prix une fois pour toutes et opérer une restructuration moderne pour en faire une opération financière rentable. Si on étudie le plan financier de la restructuration, cela nous coûterait sûrement moins que ce qu’elle nous coûterait sur trois ou quatre ans si elle est laissée telle qu’elle est». Pour l’ancien ministre, les choix sont limités. Si on ne commence pas à faire les chirurgies nécessaires, «on ne bouclera pas les douze mois» . Michel Samaha est catégorique : il s’agit d’une option purement symbolique qui devrait aboutir à des décisions de plus grandes envergures, telles que les privatisations. «Mais il faut bien commencer par là».
«Si le gouvernement n’arrive pas à effectuer cette opération chirurgicale, il ne pourra pas passer à des réalisations plus importantes», constate amèrement l’ancien ministre de l’Information Michel Samaha, en se prononçant, à son tour, sur le projet de réforme initié par le ministre Ghazi Aridi. «C’est un test symbolique», que le gouvernement doit passer avec...