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Actualités - OPINIONS

Deux est le premier nombre après l’unité. Dans un système où l’on ne divise que pour régner, toute rupture de l’unicité du discours est périlleuse. Une vérité officielle et par conséquent infaillible ne peut souffrir de critique, si timide soit-elle et si bien intentionnée qu’elle se prétende. Et cependant, l’appel au dialogue est aujourd’hui à la mode. Un tel miracle mérite analyse. Par quel prodige, en effet, il devient de bon ton d’exalter ouvertement, et à tous les niveaux, un dialogue hier encore irrecevable ? Les oreilles de ces messieurs se seraient-elles brusquement ouvertes ? Ou quelque démon serait-il venu ébranler leur vindicte ? Rassurons-nous : il n’en est rien. Il s’agit simplement de la mise en place d’une thérapeutique pratiquée par beaucoup de psychiatres qui invitent leurs patients les plus agités à crier jusqu’à épuisement dans une salle vide : c’est le dialogue «intra-muros» dont l’effet-défouloir est confirmé par quantité de survivants. Mais il y en a d’autres : l’un des procédés les plus courants consiste à brancher son vis-à-vis sur un robotiseur qui lui fait dire avec le ton de la conviction ce que l’on veut entendre, à savoir des approbations laudatives rythmées, appuyées de sourires admiratifs et de mouvements de tête respectueux : c’est le dialogue «unifilaire» dont le succès est paraît-il saisissant. Il y a encore le dialogue bien connu dit dialogue de sourds, mais revu et corrigé pour que la surdité soit unilatérale, et qui s’adresse assurément à bon entendeur. Il faut mentionner aussi le dialogue «marteau-pilon» qui suppose le matraquage de l’interlocuteur, compte non tenu de ce que celui-ci peut dire, au moyen de l’une des deux répliques suivantes alternativement déclamées avec politesse : ou bien «vous avez raison mais les circonstances ne sont pas propices», ou bien «vous avez tort, ce que vous prétendez est inexact». Et cela invariablement jusqu’à ce que lassitude s’ensuive. L’entretien, dans ce cas, est qualifié de positif et les parties se déclarent en parfait accord sur tous les points. Il y a, bien sûr, le «dialogue-duel» où les protagonistes s’envoient des flèches truquées par télévision ou journaux interposés. Ce procédé est sans conséquence ; il s’adresse à la clientèle respective des duellistes qui, de toute façon, saisissent l’occasion pour rivaliser d’obséquiosité à l’égard de leur commun patron. La liste est encore longue de ces différentes méthodes, mais on ne peut être exhaustif. Deux nouvelles variétés récemment tombées du ciel méritent d’être signalées : le dialogue dialoguant et le dialogue tranchant. Bien que citées en très haut lieu, elles n’ont pas encore fait leurs preuves. Mais le seul, le vrai, le plus authentique de tous les dialogues qui nous sont proposés c’est, on s’en doute bien, le dialogue pour rire.
Deux est le premier nombre après l’unité. Dans un système où l’on ne divise que pour régner, toute rupture de l’unicité du discours est périlleuse. Une vérité officielle et par conséquent infaillible ne peut souffrir de critique, si timide soit-elle et si bien intentionnée qu’elle se prétende. Et cependant, l’appel au dialogue est aujourd’hui à la mode. Un tel...