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Actualités - REPORTAGES

SERVICES PUBLICS - Trois cents personnes au service de la société - Les sapeurs-pompiers, chevaliers des temps modernes

Les sapeurs-pompiers. Des hommes à votre service. Des hommes de cœur, pleins de courage et d’ardeur, qui méritent le respect. Des bénévoles qui ont le sens du sacrifice, des hommes d’honneur. En Europe comme au Liban, être sapeur-pompier n’est pas chose aisée. Force mentale et physique sont de rigueur dans ce monde strictement hiérarchisé. En France et en Europe, les sapeurs - pompiers sont divisés en deux grandes catégories : les professionnels et les volontaires. Tous suivent une formation initiale de quatre mois, période durant laquelle ils obtiennent les diplômes nécessaires. Qu’en est-il au Liban ? Quel est le véritable rôle de nos sapeurs-pompiers ? Comment s’organisent-ils ? Que revendiquent-ils ? Découvrons ce monde à travers une visite guidée de la grande caserne de La Quarantaine, située tout près du port de Beyrouth, un monde plutôt masculin qui rappelle le fameux «Backdraft», des deux frères Baldwin. Officier dans l’armée de terre, formé aux États-Unis chez les «bérets verts» et ancien chef de nos valeureux commandos, le colonel Mohammed Habli a été nommé, il y a quelques années, à la tête de la brigade des sapeurs-pompiers. «Nos hommes politiques accordent une grande importance à cette brigade. C’est pour cette raison qu’ils ont placé un officier de l’armée de terre à sa tête», explique-t-il. Y a-t-il plusieurs casernes à Beyrouth ? «Il existe trois casernes : une à Bachoura, une autre près du stade municipal et la dernière ici même, celle de La Quarantaine. Celle-ci est la plus importante, c’est ici que tout est décidé». C’est dans cette caserne, sorte de «quartier général», que se trouve le bureau du colonel Habli. En réalité, l’unité dépend de la municipalité de la ville de Beyrouth et il arrive souvent qu’elle prête main forte, hors de la capitale, à la Défense civile libanaise, avec l’accord du mouhafez, M. Yacoub Sarraf. «Du point de vue opérationnel, nous avons une équipe très bien entraînée qui épaule la Défense civile en cas de besoin. Il est souvent arrivé que l’on intervienne dans ce cadre, à Saïda ou à Tripoli par exemple. À Jamhour aussi, lors des bombardements meurtriers de l’aviation israélienne durant lesquels nous avions eu cinq martyrs». Des effectifs réduits Parlons un peu des effectifs. Les trois casernes regroupent à peu près 300 personnes. «Pour ce métier, c’est malheureusement très peu. Il faudrait que nous disposions de 500 personnes pour espérer couvrir toute la capitale, qui représente quand même plus d’un million de personnes». La brigade de La Quarantaine regroupe à peu près 100 pompiers, entre soldats du feu et officiers (une vingtaine). Sont-ils tous professionnels ou plutôt volontaires et bénévoles ? «Tous des professionnels. Ici au Liban, nous n’avons pas de bénévoles. Une fois le pompier admis, cela devient son métier. Par contre la Défense civile possède dans ses rangs des volontaires», assure le colonel Habli. On remarque déjà, ici, que l’organisation du travail des sapeurs-pompiers libanais est un peu différente du système européen, et différente du système français où le bénévolat fait partie intégrante de l’organisation de la brigade. Qu’en est-il des salaires et des primes ? «Les salaires sont les mêmes que ceux d’un fonctionnaire. Il existe un système de prime de temps en temps, des petites augmentations par ci par là, mais c’est assez rare. Ce qui est dommage d’ailleurs. Le métier n’est pas facile ; il y a beaucoup de fatigue morale et physique et, à mon sens, les salaires devraient être un peu plus élevés. On essaye d’en débattre avec les instances étatiques mais vous savez, ce n’est pas évident, on traverse une phase difficile avec la crise économique, la municipalité ne peut pas pour l’instant relever les salaires. Quant aux primes, il n’y en a pas vraiment, là aussi faute de moyens. On est resté encore et malheureusement aux primes d’ordre moral, à des félicitations destinées à motiver la personne». Et comment gère-t-on tout ce monde ? Tout répond à une organisation stricte et une hiérarchie à respecter. C’est simple. La brigade de La Quarantaine est divisée en trois petits groupes qui se relayent. Chaque équipe possède une trentaine d’éléments. À leur tête se trouve un sous-lieutenant, qui est le chef d’équipe. Le sapeur-pompier, s’il a le même salaire, n’a pas du tout les mêmes horaires qu’un fonctionnaire. Il travaille 24 heures et se repose 48 heures. Et tous suivent le même régime ; ici, on ne fait pas de différence. «Même les officiers sont de garde», précise le colonel Habli. Rendez – vous à 8 heures du matin. On fait l’appel et on est de garde jusqu’au lendemain. Le tout sous la surveillance d’un lieutenant, ressponsable de la caserne, qui veille au bon déroulement des opérations ou bien sur du colonel présent qui prend toutes les décisions finales. À La Quarantaine par exemple, c’est le lieutenant Abdel Rahmane Baba qui gère les activités de la brigade. Il faut savoir que chaque membre de l’équipe a une tâche bien définie. Les plus hauts gradés surveillent. Certains se trouvent dans ce qu’on appelle la «salle d’opération». C’est là que tout ce passe. «La personne qui subit au constate un sinistre appelle le 175, on décroche, on localise le lieu du sinistre, tout en évaluant la distance par rapport aux trois casernes de Beyrouth. Si l’incendie se trouve du côté de Bachoura, on envoie immédiatement un fax avec tous les détails. Là-bas, ils, interviennent instantanément», affirme un officier. Il faut préciser que tout cela se passe en quelques secondes. Il n’y a pas de temps à perdre dans ce genre de situation. «Nous sommes malheureusement souvent retardés par les embouteillages et les bouchons sur les différents axes routiers. Il faudrait que les gens comprennent un peu mieux la difficulté de notre métier. Certains, en voiture, ne s’écartent pas assez vite pour nous laisser passer. C’est quand même la moindre des choses et cela répond à un minimum de civisme», affirme le lieutenant Baba. Dans la salle d’opération, on aperçoit une sorte de barre de fer de couleur rouge : il s’agit d’un petit ascenseur par lequel passe l’ordre de mission. En bas, c’est le chef d’équipe qui le récupère. Chaque caserne possède ce genre d’ascenseur manuel, très pratique et efficace. Un entraînement de « commando » Les sapeurs-pompiers suivent une formation des plus difficiles. «De nos jours, nos hommes sont astreints à un entraînement spécial. Cela fait un an et quelques mois que j’ai été nommé à la tête de la brigade et je peux vous assurer que tous les pompiers sont tous en très bonne forme physique». C’est vrai. D’ailleurs, pour être accepté comme sapeur-pompier il faut avoir une condition physique impeccable mais aussi d’une force mentale à toute épreuve. «En ce moment par exemple, sous une pluie battante ils sont en train d’effectuer une marche forcée du côté de la corniche de Manara». Ils sont toujours en activité, il n’y a quasiment pas de répit. Si : entre 12 heures et 14 heures. Il faut bien se nourrir tout de même ! Entre les exercices physiques imposés, la course à pied, le marathon, l’escalade à l’aide de cordes et les différents matchs de football, de volley-ball et de basket organisés par la brigade, nos pompiers quittent la caserne complètement «blindés». Ils suivent aussi des cours techniques et théoriques sur différents sujets, liés à l’extinction d’un feu de forêt par exemple ou sur l’utilisation du matériel. Il faut savoir que nos pompiers, et ceux du monde entier d’ailleurs, n’interviennent pas seulement en cas d’incendie. Leur champ d’action est bien plus large : ils sont appelés en cas d’inondations, de grave accident de la circulation, mais aussi de noyade ou d’accidents maritimes. D’ailleurs, ils possèdent une équipe de plongeurs entraînés pour faire face à ce genre de situation. De plus, ils ont fabriqué leur propre pommade, très efficace contre les brûlures. Cette recette est en fait une tradition qu’ils essayent de perpétuer. Un matériel vieux de plus de vingt ans Les locaux sont spacieux. L’ordre y règne. La propreté est de rigueur. Comme les militaires, les pompiers doivent être disciplinés. Pas question d’en faire à sa tête. Le tout s’organise sur deux grands étages. Au niveau supérieur, se trouvent les bureaux, la salle d’opération, le grand dortoir, une cuisine équipée et une salle de repos avec télévision, à écran plat s’il vous plaît. Chaque membre de l’équipe possède un casque, un survêtement, mais malheureusement, et chose étonnante, pas de tenue ignifuge digne de ce nom. On remarque des casiers numérotés. L’étage est relié au rez-de chaussé par le fameux poteau glissant que l’on voit dans les films et qui sert à gagner du temps. En bas, se trouvent toutes sortes de machines et de véhicules. Il existe trois sortes de camions. Chacun a un rôle spécifique. Le premier, le plus connu de tous, sert dans les missions pour éteindre les incendies à l’aide de gros tuyaux longs de plus de deux cent mètres ou d’un canon pivotant, placé sur le toit du véhicule et qui a une porté de 50 à 60 mètres. Ce camion peut embarquer plus de 6 pompiers. Quatre sont exigés : le conducteur, le chef d’équipe qui surveille la bonne tenue de l’opération et deux autres membres qui s’occupent d’éteindre l’incendie. L’un ouvre la pompe et l’autre arrose. En fait, le nombre de personnes peut varier suivant la gravité du sinistre. Il y a un minimum requis mais pas un nombre précis. Le camion, appelé «pompe tonne» en France, abrite en outre des bonbonnes d’oxygène, des masques à gaz et une grande caisse à outils. On remarque aussi sur le côté du conducteur, toute une série d’aiguilles, de poignées et de boutons destinés à surveiller entre autres, la pression de l’eau, de l’oxygène… Le véhicule transporte plus de 3 000 litres d’eau. Le second camion, plus petit, est conçu pour les interventions en cas d’accident de la circulation. Entièrement équipé, il transporte tout le matériel demandé pour faire face à n’importe quel type d’accident de voiture. Ainsi, on y trouve d’énormes pinces et «holmatro», capables de percer et d’écarter toutes sortes de ferrailles. Trois à quatre personnes peuvent y prendre place. À l’arrière de ce mini-camion, il y a une réserve de 200 litres d’eau, des projecteurs, des cales pour bloquer les véhicules accidentés et des dalles pour les soulever. Le troisième véhicule, celui qu’on trouve le plus en «matchbox» chez les marchands de jouets, n’est autre que cet énorme engin doté d’une échelle haute de plus de 25 mètres destinée à sauver toute personne coincée dans un immeuble en flamme. «Le problème, c’est que ces véhicules datent de plus de vingt ans. Ils se font vieux et nous espérons pouvoir les remplacer. Malheureusement, nous n’en avons pas les moyens. Ce que j’aimerais dire, c’est qu’il faudrait faire des efforts et des sacrifices pour nos hommes. Le matériel, les appareils commencent à dater, ils ne sont pas équipés pour faire face au feu et c’est dommage parce qu’ici, contrairement à l’Europe, nous n’avons peut-être pas l’argent, mais nous avons des hommes de cœur, courageux et qui n’ont pas peur du danger. En Europe, ils ont le plus beau matériel mais pas forcément des hommes aussi courageux que les nôtres», estime le colonel Habli. «Avec de nouvelles tenues, un matériel neuf, je suis certain que le rendement sera meilleur. Pour l’instant, nous travaillons avec les moyens du bord. Cela nous réussit, grâce à Dieu mais jusqu’à quand ?», conclut-il. Attention ! Exercice de répétition Alerte rouge ! Alerte rouge ! La sirène retentit dans tout le bâtiment. On a signalé à la chambre des opérations qu’un feu fait rage dans le secteur, près de la caserne. Alerte maximale. La brigade entre en action. Tous arrêtent leurs activités sur le champ et se dirigent chacun à son poste. L’équipe se dépêche, il n’y a pas une seconde à perdre. À l’étage, les derniers pompiers se jettent l’un après l’autre sur le poteau métallique et gagnent leur camion. Celui-ci démarre à toute vitesse, sirène retentissante. Arrivés à destination, tous se concentrent sur leur tâche. Une erreur peut être fatale. On ne plaisante pas avec le feu. Avec calme, courage et sang-froid, chacun s’applique au maximum. On écarte toute personne susceptible d’être touchée par le feu, on boucle le secteur et pendant que le chef d’équipe surveille, un membre active la pompe. Son coéquipier arrose méthodiquement les flammes, sous les regards admiratifs et curieux des jeunes élèves venus assister à la répétition. Une fois le feu maîtrisé – il faut s’assurer qu’il est parfaitement éteint –, on range soigneusement le matériel et on prévient le QG que la mission est accomplie. Les pompiers des trois casernes de Beyrouth répètent très souvent cet exercice de simulation devenu pour eux une simple formalité. Et encore une fois, hommage à ces soldats du feu qui nous protègent de ce cataclysme naturel, un mélange explosif de lumière, de flamme et de chaleur.
Les sapeurs-pompiers. Des hommes à votre service. Des hommes de cœur, pleins de courage et d’ardeur, qui méritent le respect. Des bénévoles qui ont le sens du sacrifice, des hommes d’honneur. En Europe comme au Liban, être sapeur-pompier n’est pas chose aisée. Force mentale et physique sont de rigueur dans ce monde strictement hiérarchisé. En France et en Europe, les...