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Actualités - BIOGRAPHIES

THÉATRE - Première, ce soir, de « Littoral », en ouverture de l’année de la francophonie - Wajdi Mouawad : L’écriture pour donner un sens à la vie

Coup d’envoi, ce soir, au théâtre Monnot (rue de l’Université Saint-Joseph), des manifestations culturelles de l’année de la francophonie avec Littoral, une pièce de Wajdi Mouawad, un jeune auteur-metteur en scène, libano-canadien, au talent reconnu au Canada et en France. Et qui va devenir, c’est certain, prophète dans son pays... natal. Présentations : La trentaine juvénile, l’allure d’un étudiant, mais le propos grave, Wajdi Mouawad est un homme de théâtre qui ne se la joue pas... hors scène. Aux questions des journalistes venus l’accueillir à son arrivée, il répond longuement, avec sincérité, sans langue de bois, sans manières ni propos de circonstances. Il se raconte tout simplement. Né en 1968 à Deir el-Kamar, Wajdi Mouawad a quitté le Liban à l’âge de 10 ans. «À cause de la guerre, de l’impossibilité d’une scolarité régulière, mes parents ont décidé de partir en France, d’où ils espéraient retourner quelques mois plus tard, une fois les bombardements finis. Mais de trois mois en trois mois, de six mois en six mois, la guerre s’éternisant, le séjour et la situation familiale à Paris devenaient très difficiles. Mon père a alors entrepris des démarches d’émigration vers le Canada, et c’est ainsi que je me suis retrouvé à l’âge de 15 ans au Québec». À 17 ans, il intègre l’école nationale du théâtre à Montréal, en sort, quatre en plus tard, en 1991. Ayant constaté, au cours de ses études théâtrales, qu’il ne pourrait pas devenir comédien à cause de son accent parisien, il fonde, à sa sortie d’université, une troupe, qui donnera vie à ses propres pièces. «Au Québec, la création est extrêmement liée à l’accent et à la langue. À moins de jouer les pièces du répertoire classique, comme Corneille, Molière, Racine, je ne pouvais me produire sur scène. Et moi ce qui m’intéressait, c’était la création. Alors, au lieu de démissionner, j’ai décidé d’écrire, pour participer à la vie du théâtre». C’est ainsi que naît donc, en 1991, le théâtre Ô Parleur, que Wajdi Mouawad a créé avec Isabelle Leblanc. L’objectif de cette compagnie «n’est pas de chercher à dire ce qui n’a jamais été dit. Mais au contraire, de redire ce qui a de tout temps été dit», soulignent ses cofondateurs. Son but est de reformuler, dans des spectacles, «où le sens se dégage par la beauté du récit», les grands thèmes, comme l’amour, la mort, la notion d’humanité que chaque génération a besoin de connaître et de comprendre. D’autant que le théâtre est le vecteur le plus rapide de la parole. «Vous prenez un acteur, vous le mettez sur scène, vous lui fourrez des mots dans la bouche, vous lui rentrez ça dans l’estomac, vous le contaminez de votre propre colère, rage, douleur, ébranlement, et vous lui dites : c’est à ton tour de contaminer ceux qui vont t’écouter. Et cette expérience de la parole collective, ce transfert de la parole en direct est ce qu’il y a de plus explosif. C’est une façon d’être terroriste, de poser des bombes !». La parole directe Cette «nécessité absolue de faire du théâtre» est un des facteurs qui l’ont mené vers l’écriture. Mais la raison profonde, c’est aujourd’hui, avec le recul, que Wajdi Mouawad arrive à la cerner. S’il a choisi d’écrire, c’est pour donner un sens à son parcours, marqué par une guerre, et ponctué de deux exils. «C’est pour essayer de donner des réponses à certaines questions que je me pose. Pour donner un sens à ce que je voyais dans les yeux de mon père. Pour donner un sens à la mort de ma mère, aux raisons qui ont fait que je me suis retrouvé dans un pays où il fait moins vingt degrés... J’écris pour essayer de comprendre pourquoi je suis ici. Et pour faire en sorte que ce qui est arrivé puisse être transformé en beauté, par la grâce d’un mystère qui s’appelle la création». Aujourd’hui, dix-sept ans plus tard, Wajdi Mouawad fait donc le trajet inverse pour venir présenter, sur les planches du Monnot, Littoral, le récit initiatique d’un jeune homme, Wilfrid, qui entreprend un voyage avec la dépouille de son père, pour aller l’enterrer dans sa terre natale. Dans ce pays dévasté par la guerre, le jeune héros va se retrouver confronté à des révélations sur son identité, sur sa filiation, sur la vie, la mort... Cette pièce, qui n’est pas à proprement parler autobiographique, l’est cependant dans un sens large. Puisque l’auteur avoue qu’il fait, aujourd’hui, par sa présence à Beyrouth, le travail de deuil qu’entreprend Wilfrid en voulant ramener la dépouille de son père dans son pays d’origine. «Je sais que d’une certaine façon je viens reconnaître un cadavre. Je me pose des questions, moi, qui n’ai pas choisi de quitter le Liban, face à ceux qui sont restés sans peut-être en avoir fait vraiment le choix. J’ai le sentiment que je viens ici pour constater que je ne suis pas le même Libanais que les Libanais, que je ne suis plus le même Libanais qu’avant». Il n’en reste pas moins que de cette expérience de l’émigration, de cette traversée d’une culture vers une autre, le jeune dramaturge a tiré, en dépit de la souffrance, un enrichissement, une maturité perceptible dans sa pièce métissée de traditions purement québécoises (dans la première partie) et de situations très libanaises (dans la seconde partie). Une cohabitation de sources d’inspiration qui brise – avec la brièveté des nombreuses scènes – la linéarité de ce spectacle de quatre heures. À voir. • Sept représentations sont prévues jusqu’au 11 février, au théâtre Monnot, à 20h 30.
Coup d’envoi, ce soir, au théâtre Monnot (rue de l’Université Saint-Joseph), des manifestations culturelles de l’année de la francophonie avec Littoral, une pièce de Wajdi Mouawad, un jeune auteur-metteur en scène, libano-canadien, au talent reconnu au Canada et en France. Et qui va devenir, c’est certain, prophète dans son pays... natal. Présentations : La trentaine...