Vie politique - La détente est bien là, mais l’entente est encore loin - Les conciliateurs préparent une visite de Joumblatt à Baabda

C’est l’hiver, et c’est le gel sur le plan politique. Sur vive recommandation des décideurs, et on sait que leurs désirs sont des ordres, une trêve non déclarée est désormais observée entre les jouteurs locaux. Qui justifient tous leur soudaine aménité mutuelle par la nécessité de faire front face aux dangers qui se profilent à l’horizon régional. Plus de déclarations incendiaires en perspective, à moins de brusques sautes d’humeur. On comprend dès lors que les efforts d’apaisement se focalisent tout particulièrement sur le grand spécialiste local des foucades, M. Walid Joumblatt. Pour en émousser la redoutable pugnacité, pour ne pas dire l’agressivité, des loyalistes se démènent actuellement afin de lui préparer une visite-réconciliation à Baabda. On sait que le seigneur de Moukhtara a lui-même mis la main à cette pâte qui lève, en déclarant lors de son week-end tripolitain qu’il est prêt à dialoguer avec le régime. Il est inutile de rappeler que cette ouverture est intervenue en écho à une absolution accordée par les décideurs à «l’enfant prodigue» de la famille taëfiste, par le biais d’un coup de fil lui indiquant qu’il a de nouveau accès au foyer paternel (ou sororal). Dans le même esprit, la fameuse rencontre de Bteghrine, dont M. Joumblatt était la vedette, a tenu à se qualifier elle-même de dialoguiste plutôt que d’opposante. Pour expliquer du même coup pourquoi elle ne s’est pas constituée en front. Mais si la détente est bien là, l’entente est encore loin. Car sur le fond, sur le principe comme sur les constantes, M. Joumblatt souligne clairement qu’il se situe aux antipodes des positions du régime. Il ajoute qu’il existe certes quelques points de convergence mais qu’il y a litige sur bien d’autres. Pour répéter qu’en tout cas, il est tout disposé à en discuter avec le régime. Une position et une proposition qui, au stade actuel, toujours marqué par de vifs ressentiments, ne sourient guère aux partisans les plus zélés du régime. Un ministre connu pour sa fidélité à Baabda, affirme ainsi que «l’on nous parle de dialogue. Mais un tel échange ne s’établit qu’entre deux parties opposées. Or le président de la République n’est l’adversaire d’aucune fraction libanaise. Il est au-dessus de la mêlée. Cela ne veut pas dire qu’il se désintéresse des questions qui suscitent un débat quelconque dans le pays. Bien au contraire, et il en traite à haute fréquence, régulièrement, avec tous les pôles concernés qui lui demandent audience. Il faut cependant être précis : ces échanges de vues ne constituent en aucune façon ce que l’on appelle un dialogue, le terme ne s’appliquant, répétons-le, qu’à des camps adverses». Ce petit cours de sémantique accéléré n’empêche qu’en pratique les modérés du camp prorégime s’activent autant que leurs émules du camp pro-Moukhtara (qui compte de sages ministres), pour une prochaine rencontre entre le président Lahoud et M. Joumblatt. Des retrouvailles que semble du reste annoncer, après une coupure de plusieurs mois, la récente visite à Baabda de M. Élie Ferzli, autre éminent convive de M. Georges Haoui à Bteghrine. Le vice-président de l’Assemblée avait espéré décrocher un portefeuille de poids dans le Cabinet Hariri et on ne lui avait pas donné satisfaction. Il reste, pour conclure, à souligner que la prochaine phase d ‘activité politique locale pourrait être marquée par le thème de l’appel à un congrès national que développe notamment M. Haoui. Paradoxalement, cet appel d’union provoque déjà de vives dissensions. Et promet de relancer le spectacle d’un cirque actuellement en hibernation.