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Actualités - REPORTAGES

ÉCOLOGIE - Les propriétaires ont lancé, il y a trois ans, un projet de préservation - Les marécages de Ammick noyés - dans la controverse mais protégés des actions néfastes

Un site niché au cœur de la Békaa offre aujourd’hui un spectacle intact de nature paradisiaque et de havre de paix pour de nombreuses espèces d’oiseaux : Ammick. Avec ses 250 hectares de marécages, ce site à l’importance internationalement reconnue constitué traditionnellement, et depuis des temps immémoriaux, une étape obligée pour les oiseaux migrateurs voyageant à travers le monde au gré des saisons. Après des décennies de guerres, de chasse incontrôlée et d’utilisation abusive de l’eau (notamment à des fins d’irrigation), les Skaff, propriétaires d’une grande partie des terrains comprenant les marécages, ont décidé de prendre les choses en main en appliquant un programme de préservation écologique qui, selon les experts en place, porte déjà ses fruits. Afin de présenter leur projet au public et de dissiper ce qu’ils ont appelé «les rumeurs infondées et les critiques», les Skaff ont organisé samedi une tournée pour les journalistes sur leur domaine, les marécages inclus. Le député de la Békaa Élie Skaff, Michel Skaff et d’autres membres de la famille ont été rejoints par Carlos Eddé, Amid, du Bloc national et propriétaire d’un terrain limitrophe de Ammick, et Hassan Husseini, fils de l’ancien président de la Chambre Hussein Husseini. Chris Naylor, un environnementaliste représentant au Liban d’une ONG internationale, À Rocha, qui aide à la préservation du site depuis 1996, a expliqué les objectifs et la progression du projet. Il a notamment précisé que Ammick était reconnue d’importance internationale par la convention de Ramsar (accord pour la préservation des marécages dans le monde), et par des organismes tels que Wetlands International (une ONG qui travaille souvent en coopération avec les Nations unies) et Birdlife. Évoquant les «critiques de politiciens qui soutiennent les agriculteurs et celles de certains environnementalistes», Elie Skaff a dénoncé la dégradation écologique incontrôlée dans le pays et son impact sur les différents aspects de la vie : maladies, pollution, qualité de l’eau… «Nous, en tant que famille et que société, nous sommes conscients de tous ces dangers et du fait que l’environnement est un problème global, et nous tentons de préserver l’écologie sur nos terres», a-t-il dit. «Il est urgent de prendre la décision de préserver l’environnement, sachant que des résultats tangibles ne peuvent être obtenus que dans vingt ans au plus tôt. Qu’on n’évoque pas l’argument de la crise économique, les deux sont liés !» Pour sa part, Michel Skaff a expliqué les objectifs du programme : préserver l’environnement tout en facilitant un développement durable de la région, basé sur une écologie saine. Il a précisé que le projet représentait une initiative strictement personnelle, sans aide financière de l’État. Quelles sont les critiques formulées aujourd’hui contre les Skaff ? Qu’est-il advenu du projet, souvent évoqué, de la classification de Ammick en tant que réserve naturelle? «Mais Ammick est une réserve naturelle», a affirmé Michel Skaff. «C’est un site dont l’importance est internationale. Les marécages sont considérés comme classés dans le cadre de l’accord Ramsar, signé par le gouvernement libanais. Or le Liban ne peut être membre de cette association internationale s’il n’abrite pas de marécages». Cadre juridique inexistant En ce qui concerne la classification libanaise du site comme réserve naturelle, il apparaît surtout que le problème réside dans le manque de cadre juridique concernant les propriétés privées (toutes les autres réserves du pays sont sises sur des terrains publics). Michel Skaff nous a précisé qu’un projet de loi relatif à la préservation des propriétés privées offrant une grande importance écologique avait été préparé, mais qu’il n’avait toujours pas reçu d’écho favorable. «Cette loi est très importante parce qu’elle encouragerait les propriétaires et les investisseurs privés à rejoindre le club de la préservation écologique», a-t-il ajouté. «Nous savons pour notre part que cela nous aiderait à convaincre les propriétaires voisins de notre point de vue et que la préservation écologique de la région s’en trouverait renforcée». Il a par ailleurs fait remarquer que le concept de réserve naturelle a beaucoup évolué en Europe. Il ne s’agit plus, dit-il, d’exproprier des terres et de les fermer au public, mais au contraire d’y instaurer un développement durable. Par ailleurs, dans ces pays, les initiatives privées en matière d’environnement sont encouragées. «C’est le modèle européen d’aujourd’hui. Or il faut qu’au Liban, nous décidions quel modèle il nous siérait de suivre», a poursuivi Michel Skaff. «Si les propriétaires sont eux-mêmes conscients des problèmes environnementaux et soucieux d’y remédier, s’ils décident d’agir et qu’ils coopèrent avec des organismes internationaux, avec les Nations unies et avec le ministère, que peut-on encore leur reprocher ?» Concernant le cadre juridique relatif à un éventuel classement dans un territoire privé, il est aujourd’hui inexistant. Mais des informations du ministère de l’Environnement font état d’un projet de loi sur les réserves naturelles qui a été envoyé au Conseil des ministres. Dans ce texte, le cas des terrains privés est évoqué : si (et seulement si) l’État obtient le consentement des propriétaires de 75 % du terrain, celui-ci est mis à la disposition du gouvernement durant 25 ans, après quoi il est restitué à ses propriétaires initiaux. Mais ce texte n’a pas encore été adopté. Responsable d’un retard de financement ? Une autre critique a été adressée aux Skaff : un financement du Fonds français de l’environnement mondial (FFEM), destiné à la réserve de Tyr et au projet de Ammick, aurait été retardé par des problèmes liés au second site. Une critique que Élie Skaff a catégoriquement rejetée. «On a évoqué à notre propos des querelles familiales totalement inexistantes en réalité», a-t-il dit. «Nous ne sommes pas responsables du retard dans le financement et nous n’avons jamais demandé à être associés à d’autres personnes dans cette affaire». En effet, Ludovic Cocogne, du bureau de l’Agence française de développement à Beyrouth, confirme que les difficultés qui ont entravé la mise en place de l’aide étaient administratives. C’est ce bureau qui assure la coordination des projets du FFEM au Liban. «J’ai souhaité visiter le site puisque le FFEM est actuellement en discussion avec le ministère de l’Environnement et le Pnud pour une convention de financement visant à protéger la biodiversité et les zones humides, notamment à Tyr et à Ammick», a-t-il précisé. Interrogé sur le retard dans la signature de cette convention, M. Cocogne a déclaré : «Nous avons fait face à des problèmes de pure forme. Il n’y a pas d’obstacle de fond et certainement pas de divergence sur les objectifs. Comme plusieurs organismes sont concernés, ce programme novateur est devenu fort complexe, surtout qu’il porte sur tout le pourtour de la Méditerranée et concerne donc d’autres pays». M. Cocogne a estimé que la signature de la convention ne saurait plus tarder, devant intervenir dans les semaines à venir, probablement en février ou en mars. «Cette convention aidera à fixer le cadre institutionnel de l’assistance aux initiatives privées, sans les remplacer pour autant», a-t-il dit. «Cette assistance sera surtout utile pour la mise en place d’un cadre juridique, d’une unité de gestion des projets…». Il a ajouté à propos de Ammick : «Heureusement que les promoteurs privés ne nous ont pas attendus pour commencer à agir, et qu’ils ont déjà accompli des réalisations». Quant au budget total, un don, il a précisé qu’il était de trois millions de francs pour l’ensemble. Enfin, Élie Skaff a fait état de critiques d’ordre politique formulées à son encontre. «Pourquoi un projet lié à l’environnement ? Pourquoi ne pas consacrer ces terres aux agriculteurs ?», lui a-t-on demandé. Mais c’est un débat sur le véritable intérêt national qu’on devrait engager aujourd’hui, comme l’a fait remarquer le député de la Békaa. En tout état de cause, force est de constater que le travail effectué sur le site est apparemment remarquable. Ne faudrait-il pas reconnaître aux propriétaires de Ammick que, à une époque où tant de propriétaires terriens ont choisi d’exploiter leurs terres en détruisant leurs ressources par des carrières sauvages ou des constructions anarchiques, ils ont opté, eux, pour la voie avant-gardiste de l’écologie et de la préservation ?
Un site niché au cœur de la Békaa offre aujourd’hui un spectacle intact de nature paradisiaque et de havre de paix pour de nombreuses espèces d’oiseaux : Ammick. Avec ses 250 hectares de marécages, ce site à l’importance internationalement reconnue constitué traditionnellement, et depuis des temps immémoriaux, une étape obligée pour les oiseaux migrateurs voyageant à...