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Actualités - ANALYSES

Redressement économique - Le ton est désormais au réalisme - L’opération dissociée cette fois de tout pari sur la paix régionale

On ne le sait que trop : au début des années quatre-vingt-dix, dans la foulée de la conférence de Madrid, le Liban qui sortait d’une guerre intestine de quinze ans plaçait tous ses espoirs de résurrection économique dans un projet de paix régionale qui paraissait tout proche. C’est dans cette perspective que l’on avait fait appel aux lumières chatoyantes du milliardaire. Et lui-même, dupé comme tout un chacun, avait résolument mis le cap sur une relance ultralibérale, misant sur de grands projets et de somptuaires dépenses pour enclencher la croissance. Espérances cruellement déçues et le pays s’est retrouvé endetté jusqu’au cou, son économie littéralement par terre. Avec l’aimable concours , est-il besoin de le souligner, d’une concurrence étrangère sauvage, un véritable racket permis par la passivité forcée d’un État envoûté. Aujourd’hui, après une expérience Hoss également décevante, le ton est au réalisme. Plus question d’avoir les yeux plus gros que le ventre et de parier sur une paix régionale qui commence furieusement à ressembler à une vague utopie. Le mot d’ordre se résume comme suit : retroussons les manches, faisons ce qui peut être fait pour réfréner la course vers l’abîme, dressons des digues pour éviter les raz-de-marée susceptibles d’engloutir définitivement les ressources dont nous disposons encore. Et qui doivent, objectivement, nous permettre de tenir le coup en lançant un chantier de reconstruction limité, émaillé de quelques réformes fiscales et de privatisations qui doivent nous procurer un petit viatique. C’est cette orientation qui marque le budget de l’an 2001 que le gouvernement s’apprête à finaliser en Conseil des ministres avant d’en saisir la Chambre. Mais, comme de bien entendu, rien n’est jamais conçu dans le système établi depuis Taëf sans de menues astuces, des dérives plus ou moins camouflées qu’on espère faire passer comme lettre à la poste. Seulement il se trouve que rien non plus n’échappe à la perspicacité des opposants du cru, grands décortiqueurs des petites phrases sibyllines et des clauses instillées en toutes petites lettres dans ce contrat qu’est le budget général de l’État. Ces pourfendeurs d’injustices, aussitôt le texte du projet rendu public, ont poussé les hauts cris : à les en croire, le gouvernement veut imposer une taxe supplémentaire de 5 000 LL par mois sur tout téléphone fixe ou mobile. Pour financer la fusion de Télé-Liban, de l’Agence nationale d’information et de Radio-Liban. Qui du même coup pourraient rapidement éponger les vertigineux déficits que leurs propres budgets accusent. Les opposants trouvent là une cible de choix. Car, bien évidemment, une telle taxe se révèle aussi impopulaire que la hausse du prix de l’essence (5 000 LL également sur les 20 litres) envisagée naguère pour financer divers projets et à laquelle les dirigeants ont dû renoncer, sous la pression de la rue. D’ailleurs, est-ce nécessaire de le signaler, le thème du rejet de la taxe est si attractif que nombre de loyalistes bon teint, qui ne craignent pas d’être taxés (c’est le mot) de démagogues, n’hésitent pas à hurler à leur tour avec les loups. Et devant cette ruée, le gouvernement commence à préparer la voie d’une glorieuse retraite. Ainsi on peut entendre le principal intéressé, le ministre des Finances Fouad Siniora, souligner benoîtement que tout compte fait, la taxe n’est qu’une proposition comme une autre. Que le Parlement est libre d’accepter ou de rejeter à son gré. En prenant ses responsabilités par rapport au lourd dossier des médias officiels. Mais l’essentiel n’est certainement pas là. Ce qui compte, c’est le budget dans son ensemble, et dans la stratégie qu’il sous-tend. Les haririens soutiennent, sans trop se rendre compte qu’ils désavouent de la sorte leurs propres pratiques antérieures, que «cette fois, les chiffres sont authentiques et transparents». Ils précisent que, grâce sans doute à un exercice d’écritures, «le déficit prévisionnel, qui devait être de 57 %, a pu être ramené à 51 %». Ce qui est déjà beaucoup. Les gouvernementaux promettent cependant qu’on s’en tiendra là et que le déficit effectif ne dépassera pas en fin de parcours le déficit annoncé. Les mêmes sources répètent que l’allégement potentiel de ces pertes se fera par paliers, non d’un seul coup, dans le cadre d’un mystérieux plan général, étalé sur plusieurs années, que le gouvernement compte mettre au point. Bien entendu, les haririens souhaitent que la Chambre adopte très rapidement leur budget, sous prétexte qu’il ne faut pas perdre de temps pour relancer la dynamique économique et sortir le pays du marasme. Bien entendu aussi, les loyalistes d’aujourd’hui reprochent aux loyalistes d’hier, c’est-à-dire à l’équipe de M. Hoss, d’avoir suivi une stratégie qui a paralysé l’économie, pompé les liquidités du marché et tué le commerce ainsi que la pub. L’austérité, les compressions budgétaires, les surtaxations douanières sont supprimées du lexique des nouveaux responsables. Qui s’engagent (comme leurs prédécesseurs du reste !), pour rétablir la confiance, à payer les dettes dues aux entrepreneurs et aux hôpitaux conventionnés. Avec quoi, on se le demande. La réponse la plus évidente est que cela devrait être avec de nouveaux emprunts. Ceci étant, l’un des ministres qui jugent le peuple assez mûr pour qu’on lui dise la vérité, déclare dans un accès de franchise que «les Libanais doivent comprendre qu’il leur faut se serrer la ceinture. Ils ne peuvent en effet compter, à terme, sur aucune assistance étrangère significative, même pas de la part des Arabes». Les haririens pour leur part veulent se montrer rassurants et relativement optimistes. Ils affirment que l’action de leur chef va produire une détente sur le plan financier et économique. Mais se hâtent de souligner que le délai de grâce de huit mois dont parlent volontiers les tenants du régime n’est pas suffisant pour que le changement positif devienne perceptible au niveau de la population. Il reste que selon un député qui a rencontré récemment le chef du gouvernement, ce dernier se montre pour sa part déterminé à aller de l’avant, mais est assez circonspect «car on ne peut ignorer la gravité de la situation économique». Comment agir ou réagir, dans ces conditions ? «En utilisant les crédits, les lignes de prêts, dont le précédent gouvernement n’a pas su faire usage», répond ce parlementaire. Qui croit pouvoir préciser qu’il s’agit là d’un fonds de quelque 1,5 milliard de dollars. Curieusement passé inaperçu jusqu’à présent.
On ne le sait que trop : au début des années quatre-vingt-dix, dans la foulée de la conférence de Madrid, le Liban qui sortait d’une guerre intestine de quinze ans plaçait tous ses espoirs de résurrection économique dans un projet de paix régionale qui paraissait tout proche. C’est dans cette perspective que l’on avait fait appel aux lumières chatoyantes du milliardaire....