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Actualités - CHRONOLOGIES

JUSTICE - Les incidents de Denniyé devant la Cour de justice - Entre les 24 inculpés et les proches des victimes, le ton monte et les soldats évacuent la salle…

Il y un an et douze jours, le Liban était sur le point de basculer dans la tourmente et hier, le Palais de justice a failli être le théâtre d’une vengeance sanglante. Séparés par un cordon de sécurité, les parents des victimes des événements de Denniyé et les coupables présumés se sont fait face et ont échangé des insultes et des menaces d’une rare violence. Sans l’intervention des unités de la Moukafaha, qui ont fait évacuer momentanément la salle, la situation aurait pu dégénérer, les haines étant encore vivaces et le fossé immense. L’audience d’ouverture du procès des 73 inculpés dans l’affaire Denniyé devant la Cour de justice a été levée dans un sentiment général de soulagement, tant la tension était grande et les esprits échauffés. Les procès ont cette particularité de rouvrir les blessures mal cicatrisées. Hier, pour l’ouverture du procès des 73 inculpés (dont seulement 24 sont arrêtés) dans l’affaire Denniyé, deux Liban se sont affrontés, le premier veut appliquer la loi et s’intégrer au monde moderne et le second souhaite revenir à l’âge d’or de l’islam et appliquer la charia. Deux sociétés contraintes à coexister, chacune rêvant toutefois de briser l’autre. L’avantage apparent va bien sûr au premier Liban, représenté par les 5 membres de la Cour de justice (présidée par Mounir Honein formée des magistrats Ralph Riachi, Ahmed Moallem, Ghassan Abou Alwane et Afif Chamseddine), par les représentants du parquet ( le procureur Addoum et Mme Kaddoura) et par les forces de l’ordre très présentes sur les lieux. Mais derrière le silence forcé des inculpés, de leurs proches et des familles des victimes, il y a un monde de rancœur qui ne demande qu’à s’exprimer. Autorisations spéciales, mesures de sécurité, fouille minutieuse et chiens policiers, rien n’est éparqué pour assurer l’ordre pendant l’audience. Et le déploiement de soldats autour du Palais de justice n’est pas sans rappeler les grands moments des procès impliquant le chef des FL dissoutes et celui des islamistes qui avaient tué cheikh Nizar Halabi. Cheikhs barbus et femmes en noir L’immense salle du tribunal semble soudain plus petite, tant il y a du monde sur les bancs. D’un côté, des cheikhs barbus et enturbannés et proches ou compagnons des inculpés, de l’autre les parents des victimes, vêtus de noir, essentiellement les familles des 11 militaires tués au cours des affrontements de Denniyé. L’atmosphère est dramatique et les deux camps se regardent avec une animosité tellement vive qu’elle en devient palpable. Mais c’est surtout lorsque les 24 inculpés arrêtés sont introduits que l’on frôle la catastrophe. Le box des accusés ayant été agrandi pour les contenir, ils entrent, barbus et souriants, et s’installent sans la moindre gêne, regardant presque avec amusement la salle. La mère du caporal Hafez Hadchiti, tué au cours des affrontements, ne peut pas contenir sa colère : «Au lieu de regarder la foule, vous devriez avoir honte et baisser les yeux». Les inculpés rient franchement et toisent la vieille dame vêtue de noir, du fichu aux chaussures. Haniyé ne se contrôle plus et bientôt, les autres femmes présentes dans les rangs de la partie civile se mettent à leur tour à crier leur colère. Les inculpés réagissent et hurlent des menaces à ceux qui sont déjà leurs victimes. La situation menace de dégénérer, les inculpés bougent et essayent de se lever, sous une pluie d’invectives. Les proches des victimes veulent se précipiter sur le box et en découdre avec les inculpés. Tout se passe si vite que les soldats de la Moukafaha ne réagissent pas immédiatement. Mais en quelques minutes, ils isolent le box du reste de la salle pour éviter les contacts entre les inculpés et la partie civile. Puis ils se déploient dans l’allée principale afin d’empêcher les proches des inculpés d’intervenir et demandent ensuite aux parents des victimes de sortir. L’audience semble compromise et dans la salle, tout le monde est sous le choc : tant de haine, tant de divergences et tant de frustrations… Le Liban semble à ce moment-là ne plus abriter que des groupes qui n’ont rien de commun. Qu’il semble soudain difficile de rendre justice face à un tel déchaînement de passions. D’ailleurs, les incidents de Denniyé, en dépit de l’acte d’accusation établi par le juge Hatem Madi, restent un mystère. S’agissait-il réellement d’un vaste complot visant à renverser le régime pour le remplacer par une république islamique, comme l’affirme l’accusation qui a requis 37 peines capitales, dont 24 pour des personnes arrêtées ? Ou n’est-ce au contraire qu’une réaction désordonnée contre un déploiement massif de la troupe dans une région défavorisée, où l’État n’est présent qu’à travers ses soldats ? Le procès devrait permettre de répondre à ces questions et une fois de plus, tous les yeux sont tournés vers la Cour de justice qui doit dire le droit tout en essayant de ménager les susceptibilités confessionnelles et d’éviter tout dérapage. Déjà, dans les bancs réservés aux avocats, les défenseurs des inculpés occupent toutes les places, certains ayant l’air carrément islamistes et d’autres plus neutres, alors que ceux de la partie civile sont relégués aux rangs arrière. La première audience commence par un cafouillis, la cour et les avocats plus ou moins dépassés par le nombre des dossiers : 73 inculpés dont 24 arrêtés, 27 en fuite, 11 libérés sous caution et 11 prévenus en liberté conditionnelle. Les 24 personnes arrêtées sont généralement originaires de Tripoli et ont entre 20 et 39 ans. Certains arborent le bonnet blanc des islamistes, d’autres un bonnet noir et d’autres enfin sont tête nue. Les personnes en fuite, dont le fameux Abou Mahjane et le président de l’association Al Hidaya wal ihsane Dahi al Islam Chahhal, seront jugées par défaut. Quant aux autres, qui ne se sont pas présentées devant la cour, elles seront notifiées une nouvelle fois et si elles ne se présentent pas à la prochaine audience, elles seront aussi jugées par défaut et considérées comme en fuite. C’est dire que le rendez-vous du 3 février risque d’être mouvementé.
Il y un an et douze jours, le Liban était sur le point de basculer dans la tourmente et hier, le Palais de justice a failli être le théâtre d’une vengeance sanglante. Séparés par un cordon de sécurité, les parents des victimes des événements de Denniyé et les coupables présumés se sont fait face et ont échangé des insultes et des menaces d’une rare violence. Sans...