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Actualités - REPORTAGES

CORRESPONDANCE - Hier pour les enfants, aujourd’hui pour les adultes - Le retour du livre en relief -

Et soudain, la forêt enchantée dresse ses arbres au milieu des pages, la respiration de la Belle au bois dormant soulève le papier. Chaussé de ses bottes de sept lieues, le Petit Poucet enjambe les chapitres… On pensait que ces livres qui s’animaient par le simple jeu d’une languette appartenaient au souvenir d’enfance du siècle dernier et qu’ils étaient bel et bien détrônés par les moult consoles des jeux électroniques. S’il est vrai qu’ils ne sont pas à portée de main sur les rayons des librairies, ils restent pourtant très prisés par leurs aficionados. Et ils sont plus nombreux qu’on ne le pense ceux qui sont fascinés par ces ouvrages. Leur tranche d’âge ? Plutôt 40 ans que 7 ans. C’est ce que révèle une importante exposition intitulée «Pop-Ups Books», organisée conjointement par la Brooklyn Public Library et deux autres associations s’intéressant à ces publications. Elle donne à voir plus de cent spécimens du genre. Il s’agit de titres prisés par les collectionneurs adultes de ces lectures qui bougent. La librairie a sorti pour la circonstance un ouvrage-tribut à Coney Island qui s’est vendu comme des petits pains. D’autres visions en relief : Elvis Presley qui se met debout avec son orchestre et des histoires de phobie, notamment la dentophie, où l’on voit surgir toubib à l’air pas très doux, brandissant une immense fraise. Pour contrer le linéaire du Web Le merveilleux tient aussi une place de choix, car on a peine à occulter l’enfant qui sommeille dans chaque adulte. Pour pouvoir admirer les merveilles du château, tout en tours et dômes de La Cité d’émeraude, on fournit au lecteur une paire de lunettes qui font voir les choses en vert. Il y a également un livre développant des sculptures en papier iridescent, qui font émerger d’une tornade un ballon flottant paisiblement dans le ciel. Les gourmets et les amateurs du petit verre n’ont pas été oubliés. On a concocté pour eux des mets et des cocktails, que l’on a envie de saisir entre les mains tant ils sont appétissants. Pourquoi cet engouement pour l’imagerie tridimensionnelle ? Les sociologues répondent que son aspect élaboré et fait main exerce une grande attraction, car elle s’oppose à l’effet du plat et du linéaire rencontré à longueur de journée sur le Web. Le rapport tactile avec le papier serait la source d’une grande charge émotionnelle. Quant au contour découpé du dessin, il déclencherait tout un jeu de symbole, propre à l’introspection. Créé au XIIIe siècle À noter que l’exécution des livres en relief est une affaire délicate et minutieuse. Leurs créateurs sont des ingénieurs du papier qui allient à leur inspiration un mécanisme des plus inventifs. Parfois, un ouvrage, tel L’histoire de l’art en Occident, est fait de 600 pièces assemblées et collées à la main. Cette dernière opération est exécutée dans des ateliers établis dans les Andes et en Équateur. L’impression se fait généralement en Colombie. Chaque titre est traduit en 32 langues et distribué dans cent pays. Autre fait saillant : le marché a changé, car le lecteur est devenu plus exigeant. Auparavant, il suffisait de réaliser un livre en relief pour qu’il se vende facilement. Aujourd’hui, le public demande de la qualité, tant du point de vue du fond que de la forme. Cette conception haut de gamme a accru la popularité de cette littérature. On découvre pareillement à travers l’exposition de la Brooklyn Public Library l’évolution du livre mouvant qui remonte au XIIIe siècle. Le procédé avait été mis au point par un poète mystique catalan, Ramon Llull, qui avait dessiné, découpé, empilé et assemblé des cercles reproduisant le tracé des étoiles.
Et soudain, la forêt enchantée dresse ses arbres au milieu des pages, la respiration de la Belle au bois dormant soulève le papier. Chaussé de ses bottes de sept lieues, le Petit Poucet enjambe les chapitres… On pensait que ces livres qui s’animaient par le simple jeu d’une languette appartenaient au souvenir d’enfance du siècle dernier et qu’ils étaient bel et bien détrônés...