Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

DROITS DE L’HOMME - Sit-in contre la peine de mort organisé par les Droits humains - Faux bourreaux, faux pendus place du Musée

«Dieu, si la vue de ces mannequins étendus sur le sol me cause un tel effet, que ferais-je si mon fils y était vraiment ?», s’écrie une femme en pleurs, comme hypnotisée par le spectacle. Elle, c’est la mère éplorée d’un condamné à mort dont elle est certaine de l’innocence. Les mannequins, ce sont des simulacres de pendus avec de vraies potences tenues par de faux bourreaux masqués : en un mot, une image frappante mise en scène par l’association des Droits humains, au cours d’un sit-in place du Musée, qui a rassemblé quelque 200 personnes venues crier leur refus de la peine de mort, à un moment où huit exécutions capitales ont été annoncées, «après les fêtes». Huit potences et huit faux pendus, les automobilistes, nombreux à ce carrefour embouteillé, n’en croyaient pas leurs yeux… «On ne punit pas un crime par un autre». Cette idée revenait tel un leitmotiv dans la bouche de tous les participants au sit-in. Ceux-ci étaient soit des adhérents aux Droits humains ou à d’autres ONG, soit des parents de condamnés à mort, soit encore des citoyens venus confirmer leur opposition à la peine capitale qu’ils n’hésitent pas à qualifier de «meurtre». «Pour qu’on ne se transforme pas en un État de la mort», «Il faut traiter les causes du premier crime, non pas en commettre un second», «Ne tue pas», lisait-on sur des banderoles noires et de petits tracts portés par des manifestants. Ce sit-in n’est pas une initiative isolée. Les Droits humains mènent campagne depuis des années contre la peine de mort. Dans une lettre adressée au président de la République, M. Walid Slaïby, chargé de la campagne au sein des Droits humains, résume ainsi les réclamations de l’association : geler l’exécution de toutes les condamnations à mort en attendant l’adoption d’un code pénal modifié, annuler la loi 302 votée le 31 mars 1994 qui a empêché les juges d’invoquer des circonstances atténuantes, et, en dernière étape, l’annulation de la peine de mort dans le cadre d’un nouveau code pénal et son remplacement par une politique de réhabilitation du coupable. Une note adressée aux présidents de la République et du Conseil, et au ministre de la Justice Nabil el-Jisr a été remise à ce dernier. Le ministre s’est joint d’ailleurs à la foule. «Après la guerre, la loi libanaise a fait la différence entre deux types de crimes : prémédité et involontaire», a précisé M. Jisr. «Dans les cas des meurtres avec préméditation, il était possible au juge d’évaluer les circonstances du drame. Après 1991, le climat d’après-guerre a poussé certains à penser qu’il serait préférable de rendre la procédure plus sévère. Mais nous avons présenté un projet pour rétablir l’ancienne loi». Le ministre s’est engagé à faire parvenir la note à ses destinataires. « Mon fils est innocent ! » Si la plupart des personnes présentes au sit-in venaient exprimer leur conviction, certaines vivaient plus intensément le problème. Et pour cause. Elles tremblaient déjà à l’idée de l’exécution des peines capitales, leurs enfants faisant partie du lot. Souvent, elles dénoncent «l’injustice de la décision». Riad el-Rayès est certain de l’innocence de son fils, «et les preuves sont éclatantes». Celui-ci est écroué depuis dix ans pour un meurtre qu’il n’aurait pas commis, selon son père. M. Rayess était-il défavorable à la peine de mort avant même la condamnation de son fils ? «Dieu seul peut décider d’ôter la vie à un être qu’il a lui-même créé ; comment peut-on condamner une personne à mourir ?», dit-il. Le fils de Leila Mansour a été emprisonné pour avoir causé la mort d’un homme lors un accident de voiture. «Il a été accusé d’un crime prémédité dont il est innocent», martèle-t-elle. Elle s’écrie, révoltée : «Condamner à mort, c’est punir un crime par un crime plus grand ! Après les 14 dernières exécutions, les meurtres ont-ils cessé ? La violence ne fait qu’entraîner la violence. Comment les gens réagiront-ils à ces exécutions capitales ?». Le père Élie Nasr, aumônier général des prisons, décrit l’état des condamnés à mort, «qui vivent des moments très durs, notamment ceux dont les noms ont été publiés dans la presse». Il explique que «l’Église ne tolère pas les exécutions capitales sauf dans des cas extrêmes». Il ajoute : «La plupart de ces criminels sont des enfants de la guerre qui n’ont connu que la violence. À mon avis, il faudrait remplacer la peine capitale par la prison à perpétuité et la réhabilitation des prisonniers. Il faudrait bâtir des écoles pour fermer les prisons». Face à tous ces arguments, un homme qui s’est présenté comme un «citoyen qui veut donner son opinion» a défendu un point de vue adverse. «Celui qui a tué et violé une fillette de sept ans ne mérite-t-il pas la mort ? Faut-il le laisser courir ? Comment dissuaderait-on les autres ?», s’est-il écrié. À cela, des militants des Droits humains ont rétorqué que des études ont prouvé l’inefficacité de la peine capitale en tant qu’exemple. Rappelons que dix-sept personnes ont été exécutées depuis l’adoption de la loi de 1994. En mars dernier, l’ancien Premier ministre, M. Sélim Hoss, avait refusé de signer le décret d’exécution de deux condamnés en raison de ses «convictions personnelles».
«Dieu, si la vue de ces mannequins étendus sur le sol me cause un tel effet, que ferais-je si mon fils y était vraiment ?», s’écrie une femme en pleurs, comme hypnotisée par le spectacle. Elle, c’est la mère éplorée d’un condamné à mort dont elle est certaine de l’innocence. Les mannequins, ce sont des simulacres de pendus avec de vraies potences tenues par de faux...