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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le célèbre théoricien livre le fond de sa pensée Constantin Zreik : Pour un nationalisme arabe éclairé

Il semplerait peut-être un peu désuet, aujourd’hui, de parler de nationalisme arabe – du moins du nationalisme tel qu’il avait été conçu dans les années 40, où les questions identitaires se confondaient, de manière un peu archaïque d’ailleurs, avec les questions d’indépendance, de lutte contre Israël, la question palestinienne ensuite, l’islamisme etc. Soixante ans plus tard, Constantin Zreik, un des premiers théoriciens du nationalisme arabe, continue de croire dur comme fer que pour parvenir à cette Oumma unifiée, seule une autocritique sérieuse qui enclencherait une réforme radicale sur le plan social-culturel pourrait sortir les peuples arabes de leur «infantilisme» et les amèneraient à achever leur unité, qui est, selon lui, incontournable. Pour cet idéaliste qui a marqué des générations de penseurs – pour avoir été un des professeurs d’histoire les plus brillants de l’AUB – la «remise en question» que doivent effectuer les peuples arabes passe nécessairement par «un processus de rationalité ultime» et constitue une étape incontournable pour élever leurs pays au rang de «nations civilisées», capables alors de confronter Israël. De l’amertume dans le discours de Constantin Zreik ? Certainement, lui qui a vu défiler devant lui les défaites arabes l’une après l’autre, devant cet «ennemi», lui qui a témoigné, chronologiquement de «la perdition de la cause». Et ce, par manque de réflexion, dit-il, mais aussi «pour avoir été occupés à mener des batailles externes alors que la véritable bataille devait être interne», affirme cet érudit qui a passé sa vie à militer «non politiquement», comme il dit, mais «académiquement», afin de transmettre, aux générations futures, la substance de sa pensée. «Je ne suis pas parvenu à la science par le biais de la politique mais plutôt par le biais de la pensée scientifique et historique qui m’a fait aboutir à mes positions nationalistes», nous confie le professeur Zreik qui estime que son véritable centre d’intérêt reste l’enseignement et la rédaction d’ouvrages historiques, et non pas le militantisme qu’il n’a d’ailleurs jamais adopté. «Servir la cause nationale faisait partie de ma fonction académique. Je me considère avant tout comme un homme intellectuel et les intellectuels sont différents dans leur approche et dans leur vision de la tâche et de la mission qui leur sont confiées». La sienne est celle d’aiguillonner les esprits tout en les prévenant. Il avait d’ailleurs suivi, régulièrement, les défaites subies par les Arabes, l’une après l’autre, en en analysant les causes, les conséquences et les moyens d’en prévenir d’autres. Constantin Zreik reconnaît avoir marqué des générations de nationalistes arabes qui avaient milité en faveur de l’indépendance et de l’unification. Mais cela ne suffisait pas alors car les peuples avaient des demandes et des idéaux propres. Tout comme elles ne suffisent pas aujourd’hui non plus, enchaîne l’érudit, qui note que le nationalisme ne peut être envisagé que dans sa forme arabe globale et doit nécessairement s’accompagner de valeurs humaines et laïques et surtout d’une clarification préalable du sens des différents courants qui «séduisent (aujourd’hui) l’opinion publique arabe». Alors, dit-il, ils ( ces courants ainsi que les Arabes en général) parviendront immanquablement à la conclusion que la nation arabe globale est l’issue véritable. «Pas de futur pour la nation arabe, reprend le professeur, que dans sa forme “arabisante globale”» dont les contours restent, selon lui, et en tant qu’académicien, culturels, presque philosophiques avant de pouvoir s’incarner dans un moule politique ou économique que seuls les gouvernements concernés décideront, après coup. L’autocritique et la réforme sous-entendent le fait pour les peuples arabes de se battre contre le confessionnalisme, le féodalisme et le laxisme hérités du passé, ou ce que le professeur d’histoire émérite appelle «les maladies du monde arabe». Tout en affirmant qu’il n’a pas changé sa «vision», c’est un nationalisme encore plus éclairé que continue de défendre le professeur Zreik tant il est vrai que l’histoire peut servir de leçon. Reste toutefois le problème de la crédibilité même de l’idée «d’unité arabe», qui semble séduire de moins en moins les esprits. Le concept de nation arabo-musulmane, qui avait à l’époque suscité toutes les interrogations que l’on sait, n’en est pas moins chargé aujourd’hui de problématiques. Quelle nation pour quel monde arabe ? Et comment définir cette unité ? Voilà le problème reposé dans toute sa dimension. N’empêche que l’idée du nationalisme arabe tel que prêché par le professeur Zreik reste imprégnée d’un romantisme bien attrayant auquel beaucoup voudraient bien croire.
Il semplerait peut-être un peu désuet, aujourd’hui, de parler de nationalisme arabe – du moins du nationalisme tel qu’il avait été conçu dans les années 40, où les questions identitaires se confondaient, de manière un peu archaïque d’ailleurs, avec les questions d’indépendance, de lutte contre Israël, la question palestinienne ensuite, l’islamisme etc. Soixante ans plus...