Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Education - Les nouveaux programmes scolaires ont un an d'âge Une première évaluation révèle des lacunes (photos)

Les nouveaux programmes scolaires conçus par le Centre pédagogique pour la recherche et le développement (CPRD) ont déjà un an d’âge. Ils ont démarré l’année dernière dans quatre classes différentes : la onzième, la huitième, la cinquième et la seconde. Tout au long de l’année, les enseignants des différentes disciplines ont participé à différentes sessions d’évaluation, de formation et de suivi, animées par des formateurs délégués par le CPRD. En parallèle à ce travail officiel, Mme Fairouz Sarkis, professeur en didactique des mathématiques à la faculté de pédagogie de l’Université libanaise, a pris l’initiative de proposer au centre de recherche de sa faculté de mener une enquête auprès de différentes institutions dans les classes concernées pour une évaluation du travail en cours dans la discipline des mathématiques. Ce n’est pas une enquête au sens très strict du terme, mais plutôt une opération de collecte d’informations, qui a permis de déceler un certain nombre de lacunes que Mme Sarkis estime facilement réparables, à condition que le ministère de l’Éducation s’y prenne à temps. Le travail, qui est le fruit d’une initiative personnelle, a débuté en février de l’année dernière, c’est-à-dire quatre mois après le début de la grande réforme pédagogique conçue et lancée par le CPRD au niveau de l’ensemble des institutions scolaires du pays, qu’elles appartiennent au secteur privé ou au secteur public. L’enquête, qui concerne l’année scolaire 1998-99, a été menée sous la direction de Mme Sarkis par un groupe d’enseignants. Le choix des écoles s’est fait de façon arbitraire. Une seule condition cependant a été retenue : la coopération inconditionnelle de la part des directions des écoles pour faciliter la tâche des enquêteurs. Cette condition a été rendue d’autant plus aisée que l’enquête n’exigeait pas l’identification des établissements faisant l’objet des investigations. L’impact de la réforme sur le comportement professionnel Les informations recueillies concernaient les classes observées, les cycles auxquels elles appartiennent et le nombre des élèves présents aux cours. Les travaux des enquêteurs ne signalent que le secteur auquel les écoles appartiennent – public ou privé. En outre, ils précisent les niveaux des diplômes détenus par les enseignants, une licence en mathématiques ou un autre diplôme universitaire. Sont mentionnées également les sessions de formation et de perfectionnement que les enseignants auraient suivies. Pour les autres aspects, l’enquête a retenu cinq titres : d’abord, la nature des questions posées tout au long du cours observé. Il s’agissait de savoir si les questions étaient fermées ou ouvertes, c’est-à-dire pouvant susciter une réflexion de la part des élèves ou donnant lieu à des réponses stéréotypées. Ensuite, il fallait savoir par qui elles étaient posées, la nature des réponses apportées (résumées ou détaillées), le type de consignes données, ainsi que les interventions de l’enseignant. Mme Sarkis a expliqué à L’Orient-Le Jour qu’elle a tenté de quantifier les observations de l’enquête afin notamment «d’évaluer l’impact de la réforme (du CPRD) sur le comportement professionnel des enseignants et sur les capacités des élèves à suivre le nouveau rythme que les nouveaux programmes leur imposent». Pour Mme Sarkis, l’élève reste au centre de l’ensemble de l’opération pédagogique. Il s’agissait donc, selon elle, d’évaluer le rendement de l’élève à la lumière des nouveaux concepts introduits par la réforme, mais aussi l’adaptation des horaires scolaires à la nouvelle grille des programmes. «Souvent on a tendance à oublier que l’élève reste finalement le but final de tout travail pédagogique et que tous les supports créés ou réformés doivent converger vers cet objectif, d’où cette recherche qui a essentiellement pour objectif de détecter les obstacles, vrais ou artificiels, susceptibles de faire capoter une réforme qui cherche de faire de la classe un lieu de rencontre, d’échanges et de créativité au profit de l’élève», a-t-elle souligné.«C’est ce qui explique la nature des informations que nous avons tenté de collecter. Le plus important était de savoir si, oui ou non, un dialogue était amorcé entre les enseignants et leurs élèves conformément à l’esprit de la réforme. Toute absence de dialogue signifie qu’on a toujours affaire à des enseignants qui n’ont pas encore assimilé le fait qu’ils doivent compter sur une approche réfléchie des problèmes à résoudre et mettre fin à l’ancienne méthode qui consistait à faire retenir aux élèves des formules qu’ils avaient à appliquer sans aucune approche créative». Échantillon et méthode de travail L’échantillon de travail a porté sur 200 heures de cours dans différentes écoles, publiques et privées. L’étude a été menée dans 47 écoles et dans 70 classes. L’observation pouvait s’accompagner parfois d’un enregistrement auditif ou audiovisuel et, dans certains cas, c’est ce dernier enregistrement qui servait de document de base pour le relevé des faits. Sur la fiche des relevés sont signalés les moindres détails du déroulement de la classe : les questions du professeur et des élèves, leur nombre, les commentaires, les réponses, exhaustives ou succinctes, collectives ou individuelles, les répétitions, les commentaires, le nombre des élèves qui ont participé à l’animation du cours, bref tous les détails qui vont permettre de mieux lire le déroulement de la classe conformément aux différents concepts proposés par les initiateurs des nouveaux programmes. Normalement, une évaluation complète des résultats de cette expérience aurait dû attendre l’application totale des nouveaux programmes dans toutes les classes des différents cycles. C’est ce qu’ont d’ailleurs fait remarquer des responsables du CPRD à qui on a posé la question de savoir si une première évaluation a été effectuée par leurs services. Mais l’étude de Mme Sarkis, financée par le Centre de recherche de la faculté de pédagogie, permet, d’ores et déjà, de dégager un certain nombre de remarques, que la suite de la recherche va, soit confirmer, soit modifier. L’une des charnières de la réforme lancée par le CPRD est le travail de groupe en salle de cours : les classes sont ainsi réparties en sous-groupes, sous la responsabilité de rapporteurs. Une façon d’inciter les élèves à trouver collectivement les réponses aux questions que leurs professeurs auraient suscitées. Le dialogue enseignant-élève n’a pas été développé Les premières constatations relevées par les enquêteurs montrent que sur un ensemble de 12 écoles, ayant des classes variant entre 21 et 26 élèves, le taux de participation des élèves à l’animation du cours a été dans le meilleur des cas de 11 élèves sur 21 et dans l’autre extrême de 3/26. Lorsqu’il a été demandé aux élèves d’expliquer une idée, deux seulement, sur l’ensemble des 12 classes concernées, ont pu répondre. Les enquêteurs ont constaté que, dans ces classes, «toutes les questions sont fermées et toutes les réponses sont succinctes», c’est-à-dire que le dialogue entre l’enseignant et les élèves n’a pas été très développé. Invitée à commenter l’ensemble des résultats en sa possession, Mme Sarkis commence par faire remarquer que «les groupes de travail prévus dans le cadre des nouveaux programmes scolaires ne sont pas en train de fonctionner de façon satisfaisante, cette lacune se faisant davantage remarquer dans le public que dans le privé». «Tous les chiffres relevés indiquent que le rôle principal reste à l’enseignant. Cela se remarque au niveau des questions qui, toutes, sont simples, n’invitant pas à la réflexion», selon elle. Pour illustrer ses propos, elle cite tous les cas des classes où les enquêteurs ont relevé plus de réponses collectives que de réponses individuelles : «Plus les réponses collectives sont nombreuses, plus elles approchent du genre table de multiplication retenue par l’ensemble de la classe, une mémorisation simple qui ne fait pas de la place à l’initiative individuelle créative», explique-t-elle encore. Elle signale aussi que la collecte des informations a révélé que «les questions écrites continuent à être posées de façon à amener l’élève à compter plus sur sa mémoire que sur sa réflexion». Ce qui est vrai pour les interrogations orales l’est aussi pour l’écrit : les questions sont toujours envisagées sous l’angle du test de connaissance et non comme un élément révélateur d’une certaine capacité à la déduction et à la découverte. Enfin, l’étude a révélé que les heures imparties au programme des mathématiques sont insuffisantes : bien que les manuels diffèrent d’une école à l’autre, l’enquête s’est fondée sur le nombre de pages qui restaient encore à étudier dans chaque manuel scolaire. D’ailleurs, c’est cette course contre la montre qui a obligé tous les enseignants à passer outre à toutes les directives qui leur ont été données pour rendre leurs classes plus animées et leurs élèves plus coopératifs. C’était ou bien le programme ou bien l’animation : à la lumière des résultats obtenus, il semble que les deux ont pâti de la bousculade de cette première année. De plus, d’après certains enseignants, il semble que la situation pour les mathématiques est de loin moins dramatique que celle observée dans les cours de langue par exemple. Si 20 % du programme des mathématiques dans les classes concernées n’ont pas été achevés pour cette première année expérimentale, un professeur de littérature française en classe de seconde révèle que, «sur les 8 thèmes qu’il avait à travailler au courant de l’année, il n’a pu en achever que quatre». Pour réussir cet «exploit», d’après ses propres termes, il a sacrifié un certain nombre de sous-thèmes, chaque thème principal en comportant quatre. Tant que leurs travaux sont sanctionnés par des examens scolaires, les choses peuvent ne pas être très graves pour les élèves concernés. Mais le jour où ces élèves vont être confrontés à des examens officiels, ils risquent de subir des épreuves qu’ils n’auront pas travaillées en classe, et alors la situation sera des plus difficiles. Il faut encore rappeler que les constatations des enquêteurs ne sont que partielles, qu’elles ne donnent pas une image complète du panorama. Mais elles servent certainement comme indicateurs. Pour Mme Sarkis, le ministère de l’Éducation pourrait, pour certaines difficultés, comme par exemple la non-conformité du nombre d’heures par rapport au programme établi, anticiper les choses, soit en ajoutant le nombre des heures consacrées aux différentes disciplines, soit réduire le nombre des chapitres à travailler. «C’est une initiative qui serait salutaire pour tous, car elle permettrait de sauver l’année en cours, qui concerne cette fois-ci un nombre double d’élèves par rapport à l’année précédente», explique-t-elle. Reste à dire enfin que la responsable du projet est heureuse de voir que «certains des enseignants qui ont eu la possibilité de se revoir donnant leurs cours ont très bien réagi et n’ont pas hésité à repenser leur méthode de travail, pour leur honneur et pour la grande joie de leurs élèves».
Les nouveaux programmes scolaires conçus par le Centre pédagogique pour la recherche et le développement (CPRD) ont déjà un an d’âge. Ils ont démarré l’année dernière dans quatre classes différentes : la onzième, la huitième, la cinquième et la seconde. Tout au long de l’année, les enseignants des différentes disciplines ont participé à différentes sessions...