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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Colloque - Mutations sociales et adaptation aux innovations Les politiques pour la jeunesse au Liban(photo)

La Commission nationale libanaise de l’Unesco organise, dans le cadre de son programme Most (Management of Social Transformations), un colloque au Liban, aujourd’hui samedi 27 novembre 1999 de 9h à 16 au palais de l’Unesco, sur le thème : “Les politiques pour la jeunesse au Liban face aux mutations sociales”. Nous publions ci-après un extrait, rédigé pour L’Orient-Le Jour, de l’exposé introductif du projet dont la coordination est assurée par les professeurs Antoine Messarra et Fahmia Charafeddine. Y a-t-il une politique ou des politiques pour la jeunesse, distinctes des politiques générales concernant les divers secteurs de la vie publique? Une triple tentation affecte les recherches sur la jeunesse, dans les cas où les travaux se veulent pragmatiques et opérationnels: – la tentation de réduire la jeunesse à une tranche d’âge de la société; – celle de considérer les jeunes, non pas dans la particularité de leurs conditions, mais en tant que simples bénéficiaires ou victimes des politiques et actions générales conçues à l’échelle globale; – celle, la plus courante, de réduire les problèmes de la jeunesse à des questions de sport et de compétitions sportives, d’où la création, presque partout, de commissariats ou de ministères de la jeunesse et des sports. Certes, les jeunes sont partie intégrante de la société globale et il faudra, en cette qualité, les associer à tous les projets sans exception, même ceux apparemment destinés aux plus âgés ou exigeant une spécialisation particulière ou un haut niveau de qualification. Mais les conditions particulières de la jeunesse, surtout dans des pays en développement et ceux en reconstruction physique et mentale après des années de guerre, d’après-guerre et d’après-paix, exigent des politiques spécifiques, en plus de celles plus générales qui se répercutent sur l’ensemble de la société. Trois perspectives nouvelles Le problème des politiques pour la jeunesse se posera avec plus d’acuité à l’avenir. Trois considérations générales justifient le besoin et la nécessité de recherches et d’actions sur les politiques pour la jeunesse : 1. Le décalage de plus en plus grand entre l’âge de la maturité biologique et l’âge de la maturité sociale : la médecine et l’alimentation avancent l’âge de la maturité biologique, mais les exigences de spécialisation et de formation professionnelle font reculer l’âge de la maturité sociale, c’est-à-dire l’âge auquel le jeune homme peut exercer une profession, fonder un foyer et assumer des responsabilités familiales et sociales. Il en découle un risque de prolongation de l’adolescence, un no man’s land mal défini entre la période de la dépendance protégée de l’enfance et le monde indépendant de l’adulte où l’individu est relativement libéré de la tutelle de ses parents. Lorsque la jeunesse n’a plus de fonction sociale particulière, il n’existe que deux moyens de combler l’intervalle entre la période de l’enfance et la période de la vie adulte : soit retarder la fin de la première, soit avancer le début de l’autre. De ces deux palliatifs théoriquement possibles, c’est le premier qui est adopté de préférence, celui qui tend à prolonger jusqu’à un âge de plus en plus tardif le rôle social traditionnellement associé à l’enfance. C’est ainsi que les jeunes demeurent plus longtemps des enfants au sens socioculturel du terme. 2. Le recul de l’âge du mariage : ce recul, dû à l’extension de la période de formation et aux difficultés de fonder un foyer indépendant, entraîne des perturbations dans les rapports socio-familiaux et les systèmes de valeurs. 3. Le décalage entre les souhaits des jeunes et ceux du marché de l’emploi et de la société : la raison en est qu’il y a une mutation des spécialisations et création permanente de nouvelles spécialisations et de spécialisations dérivées. Le monde de l’emploi change à un rythme vertigineux. Autrefois, celui qui apprenait l’art dentaire, la menuiserie ou la mécanique des voitures, l’apprenait pour toute sa vie et pouvait exercer sa profession durant plus d’un quart de siècle d’après les connaissances acquises. Aujourd’hui, celui qui apprend un métier dans les meilleurs instituts techniques et universités, l’apprend pour cinq ans et moins. Avec les nouvelles technologies, il lui faudra non seulement être en permanence au courant des innovations, mais surtout réapprendre en permanence, au risque de se retrouver sans emploi. Au conflit générationnel que nous connaissons s’ajoute donc une confrontation du bagage culturel acquis par le jeune à l’école et à l’université avec les changements qui l’attendent à la fin de ses études. Les élèves et étudiants qui poursuivent actuellement leurs études vont exercer des professions, et probablement des professions multiples, entre les années 2000 et 2050. Observer avec réalisme le monde du travail, imaginer ce que sera le monde entre les années 2000 et 2050, c’est se pencher davantage et de plus en plus sur les aptitudes, toutes les aptitudes, des élèves et des étudiants, afin de mieux les préparer à affronter tous les aléas de la vie de demain. La jeunesse représente justement le groupe d’âge (13 à 25 ans environ) le plus touché par les mutations sociales, et qui va l’être de plus en plus à l’avenir, suite à l’accélération encore plus rapide du changement. C’est aussi la tranche d’âge la plus négligée dans les recherches qui se proposent la détermination de politiques d’avenir. Les perturbations touchant la jeunesse sont encore plus denses au Liban et dans les autres pays arabes. Les jeunes Libanais vivent sur le tas ces mutations, du fait que l’école et l’université ne sont pas encore des lieux qui développent toutes les aptitudes et surtout les mécanismes d’adaptation et d’innovation. Gérer le changement pacifique Une société qui cherche autant que possible à prévoir et à gérer le changement doit développer les études et les actions sur la jeunesse. Plus particulièrement au Liban, il faut craindre que, sans un effort concerté et conscient, les leçons de la guerre interne ne parviennent pas aux nouvelles générations. Comment faire en sorte que la guerre de 1975-1990 au Liban soit la dernière des guerres civiles ou, si l’on veut, des guerres internes de l’histoire du Liban ? Comment bâtir une mémoire collective nourrie de cette amère mais profitable expérience? Une mémoire bâtie sur une contrition nationale capable de nous réveiller une fois pour toutes sur toutes les implications des divisions internes et de l’exploitation que peuvent en faire des parties étrangères, comme sur les avantages permanents de la solidarité? Nous sommes tous concernés par de telles préoccupations, mais surtout la génération de Libanais nés après 1985, qui n’ont pas vécu les angoisses et les horreurs de la guerre. Les deux décennies prochaines (2000-2020) représentent une période cruciale pour édifier la culture du Pacte de coexistence. Multiplicité des acteurs Toute politique n’émane pas exclusivement du pouvoir central. Elle émane aussi de la société civile et associe de nombreux acteurs. La constatation est encore plus vraie en ce qui concerne les politiques pour la jeunesse où les familles, les établissements d’enseignement et de formation, les mouvements associatifs, les organisations religieuses et les acteurs économiques sont directement engagés dans la conception, l’initiative et l’exécution. Les politiques pour la jeunesse, quand elles émanent exclusivement du pouvoir central, comportent les risques du dirigisme idéologique et de la mobilisation politique. Les politiques démocratiques pour la jeunesse émergent de la concertation, de l’échange, de l’écoute et de l’investigation de terrain portant sur les stratégies formalisées et sur les pratiques, comportements, valeurs et actions émanant de toutes les composantes de la société. Les composantes et axes prioritaires de travail, dans une perspective d’élaboration de politiques pour la jeunesse au Liban sont : les changements valoriels, les processus de socialisation, les adaptations à l’emploi, les jeunes dans la démographie et l’économie, la jeunesse urbaine et la jeunesse rurale, la marginalité et la violence, les rapports socio-familiaux, la participation politique, l’engagement et l’éducation citoyenne dans une perspective de démocratisation et d’insertion sociale, l’apprentissage au leadership, les mouvements de jeunesse, la protection de l’enfance et de la jeunesse… L’état des lieux Le programme de recherche et d’action sur le thème : “La génération de la relève” (1989-1999), entrepris par le Bureau pédagogique des Saints-Cœurs avec le soutien du Centre de recherches pour le développement international, (CRDI-Ottawa), la Mission pontificale et le Service culturel et de coopération scientifique et technique à l’ambassade de France au Liban, a comporté trois dimensions : la recherche sur les aspirations et attentes des jeunes, la détermination des besoins et priorités, et des applications de terrain qui ont touché chaque années plus de 15 000 jeunes de tout le Liban1. En outre, le rapport du Programme des Nations unies pour le développement comporte les données essentielles pour dresser des politiques d’avenir2. La publication hebdomadaire Nahar al-Shabâb représente un engagement en faveur de la jeunesse libanaise. Dans cette lignée de travaux s’inscrit le programme, en coopération avec la Commission nationale de l’Unesco et le programme MOST de l’Unesco (Management of Social Transformations), le colloque sur «Les politiques pour la jeunesse face aux mutations sociales dans le monde arabe : Le cas du Liban». 1. Louise-Marie Chidiac, Abdo Kahi, Antoine Messarra (dir.), La génération de la relève (Une pédagogie nouvelle pour la jeunesse libanaise de notre temps), Beyrouth, publications du Bureau pédagogique des Saints-Cœurs, librairie Orientale, 1989-1995, 4 vol. parus et un 5e en préparation. 2. The National human development report Lebanon, Youth and development, United nations development programme (UNDP), 1998, 142 p.
La Commission nationale libanaise de l’Unesco organise, dans le cadre de son programme Most (Management of Social Transformations), un colloque au Liban, aujourd’hui samedi 27 novembre 1999 de 9h à 16 au palais de l’Unesco, sur le thème : “Les politiques pour la jeunesse au Liban face aux mutations sociales”. Nous publions ci-après un extrait, rédigé pour L’Orient-Le Jour, de...