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Actualités - REPORTAGES

Familles politiques - Le dialogue pour convaincre Sami Amine Gemayel : accomplir un devoir de citoyen(photo)

Ils ont reçu la politique en héritage comme d’autres l’argent ou l’amour. Fils ou petit-fils de responsables, ils se retrouvent pris dans la tourmente publique sans avoir eu réellement leur mot à dire. Même si les structures libanaises ne sont pas totalement tribales, tout le monde – et en particulier leurs familles – attendent d’eux qu’ils reprennent le flambeau. Chez eux, il ne s’agit pas d’ambition personnelle, mais d’une sorte de fatalité. Ils doivent «préserver le legs familial». Certains assument dans un esprit d’ouverture, d’autres ont un désir de revanche et d’autres encore choisissent de vivre leurs passions, même si la politique n’est jamais bien loin. N’est-ce pas normal puisqu’ils sont «tombés dans cette marmite» à leur naissance ? Après Michel René Moawad, la parole aujourd’hui est à Sami Amine Gemayel. (1) Il vient d’une famille dont l’histoire est intimement liée à celle du Liban moderne et il ne l’oublie jamais. À dix-neuf ans, Sami Amine Gemayel – rencontré il y a dix jours – pense qu’il a une responsabilité vis-à-vis de son pays et il veut à tout prix être à la hauteur. Malgré son air juvénile, il a déjà l’habileté des politiciens chevronnés et le charisme de l’homme qui a du charme et qui sait en user. Mais cela ne l’empêche pas de rougir comme un gamin lorsqu’on relève sa ressemblance avec son père, ressemblance qu’il cultive par ailleurs, dans la coiffure en arrière et dans certains gestes. Sami Gemayel a passé sa petite enfance au palais de Baabda, son père étant à l’époque le président de la République. «J’étais trop jeune pour garder aujourd’hui des souvenirs consistants, dit-il. Car j’avais huit ans quand ma famille a dû quitter le pays». Un mélange de révolte et de colère De huit à quatorze ans, Sami a vécu en France. Il ne se rendait pas alors vraiment compte de ce qui s’était passé. Ce qu’il savait c’est qu’il éprouvait un mélange de révolte et de colère de voir sa famille contrainte à l’exil, sans en comprendre la raison véritable. Dès qu’il atteint l’âge de 15 ans, ses parents décident de le renvoyer au Liban. «Avec mon accord, précise-t-il. J’avais envie de rentrer, car je n’ai jamais envisagé l’hypothèse de m’éterniser à l’étranger, mais en même temps, cela commençait à aller mieux pour moi en France…» Sami est donc rentré à Beyrouth et c’est alors qu’il a commencé à se forger une opinion propre sur les événements, sur le rôle de sa famille et sur ce qu’il attend de la vie. «J’ai vécu seul pendant quelques années, mes parents, mon frère et ma sœur étant restés en France». Au début, cela a été un peu dur pour lui, cela ne se passait pas bien à l’école, mais petit à petit, il a appris à se prendre totalement en charge. «J’étais entièrement responsable de moi-même, ma famille étant absente, je n’avais de comptes à rendre à personne». Le jeune Sami a trouvé cette expérience exaltante et même plus tard, lorsque son frère, sa mère et sa sœur sont rentrés au pays, il a continué à être autonome, cultivant un esprit d’indépendance poussé. Sami est d’ailleurs assez fier d’affirmer qu’il s’est forgé ses convictions tout seul et il a d’ailleurs des idées très arrêtées sur l’évolution de la situation au Liban. Il garde un excellent souvenir de ses classes secondaires au Lycée franco-libanais. «J’y ai rencontré des gens très bien, très cultivés qui sont devenus mes amis et qui continuent à l’être». Fier d’appartenir à cette famille Sami Gemayel précise qu’il ne s’est jamais vanté d’être le fils ou le petit-fils de... Au contraire, il décline rarement son identité à ses interlocuteurs. «Non pas que j’en ai honte ; au contraire, j’en suis fier, mais je ne vois pas pourquoi je le dirais d’emblée». À peine sorti de l’adolescence, le jeune homme semble très déterminé. On sent très vite qu’il a beaucoup réfléchi sur tout ce qui a pu être reproché à sa famille et s’il se déclare ouvert au dialogue, il cherche surtout à convaincre ses interlocuteurs des conclusions auxquelles il a abouti. «Ma famille a certes commis des erreurs, dit-il, mais je trouve que la campagne menée contre elle a été trop dure et injuste, amplifiant les faits et parfois les déformant.» En somme, il est fier d’appartenir à cette famille et, à aucun moment, il a souhaité ne pas en faire partie. Il précise toutefois qu’il jette sur les événements un regard critique par souci d’objectivité. «J’assume le bon et le mauvais», dit-il en relevant les mèches qui s’aventurent sur son front. Comment explique-t-il la diminution alarmante du poids et du rôle du parti Kataëb fondé par son grand père ? «C’est une évolution normale qui n’est nullement le résultat de l’échec de ce parti. Les Kataëb ont toujours été là pour défendre le pays et son intégrité ainsi que les droits des minorités. Aujourd’hui, ces principes n’étant pas respectés, le rôle du parti s’en est ressenti. Il est normal que les Kataëb ne puissent s’épanouir alors que le pays est sous occupation. Il est clair que nous avons commis des erreurs, mais elles ne sont pas les seules responsables de la situation actuelle». Il précise qu’il n’est pas membre du parti, «nos demandes d’adhésion ayant été refusées. Maintenant, la direction semble plus ouverte, nous étudions la possibilité de travailler de l’intérieur». Sami Gemayel raconte un incident qui à ses yeux est significatif. «Lors de la commémoration de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 425, l’an dernier, avec un groupe de camarades, nous voulions organiser une marche silencieuse vers le siège de l’Escwa pour rappeler l’existence de la 520 (appelant au retrait de toutes les troupes étrangères du Liban). Nous avions accroché des badges portant l’inscription liberté. Les forces de l’ordre ont saisi ma voiture. Quand ils ont appris mon identité, ils sont devenus très gentils et m’ont rendu mes papiers sans m’inquiéter». Si les forces de l’ordre obéissaient à des troupes d’occupation n’auraient-elles pas dû au contraire l’arrêter ? «Non, parce que les médias se seraient alors chargés de l’affaire», répond-il avec assurance. La politique est ingrate D’ailleurs, le jeune Sami se sent aujourd’hui surveillé, mais il ne s’en inquiète pas outre mesure. «De toute façon, je ne veux pas faire de la politique. Je n’aime pas celle-ci, car elle a été trop ingrate avec nous». Ses projets de marche silencieuse ne constituent-ils pas le début d’une carrière politique ? «Pas du tout, déclare-t-il avec véhémence. J’accomplis là mon devoir de citoyen». Sami est catégorique : «Je ne veux pas faire de la politique, en tout cas pas pour l’instant. Dans ce domaine, c’est mon frère (Pierre) qui a des choses à dire et il le fait. Je me contente simplement de militer pour la démocratie et la politique». Ne risque-t-on pas de revivre entre lui et son frère la situation de rivalité qui existait entre son père Amine et son frère Bachir ? «Cette rivalité a été façonnée par leurs ennemis, affirme Sami. Je trouve d’ailleurs scandaleux de s’immiscer entre deux frères surtout dans des situations aussi délicates». Quelle peut être sa place future alors que, dans sa famille, son frère aîné et éventuellement son cousin Nadim ont la priorité ? «Je ne considère nullement qu’il y a un fauteuil à occuper. Je ne suis pas intéressé par cette façon de voir les choses. J’estime simplement avoir un devoir à accomplir envers mon pays en tant que citoyen libanais. Pour le reste, il ne faut pas oublier que nul ne naît grand homme. On ne s’impose pas, ce sont les gens qui choisissent par qui ils souhaitent se faire représenter ou qui ils vont suivre. Soit une personne est aimée soit elle ne l’est pas. Il n’en est pas ainsi dans ma famille seulement, mais partout, c’est la règle. Par ailleurs, je considère qu’il y a de la place pour tout le monde. D’autant que le pays est encore à construire et tous les efforts sont nécessaires pour y parvenir». C’est dans ce cadre que Sami Gemayel place ses tentatives de conception d’un nouveau système politique. «Pendant les quatre ans passés au Liban, j’ai beaucoup réfléchi et avec des amis, nous avons formulé des idées pour de nouvelles lois électorales, mais on ne nous a jamais donné l’occasion d’exprimer notre vision du futur. Au Liban, on ne donne pas la parole aux jeunes, on n’ouvre pas la voie aux nouvelles idées. Nous avons déjà rédigé la moitié de notre projet et nous espérons pouvoir le publier en livret». À l’âge où l’on s’occupe surtout de filles, de sorties ou de voitures, Sami Gemayel, lui, se sent investi d’une mission. On a l’impression qu’il bouge beaucoup et qu’il veut à tout prix faire bouger les choses et bien qu’il affirme s’entendre parfaitement avec ses parents, c’est le plus souvent de sa propre initiative qu’il agit. Apparemment, ce jeune homme ne se laissera pas mener par les événements… (1) Voir L’Orient-Le Jour du 16 novembre 1999.
Ils ont reçu la politique en héritage comme d’autres l’argent ou l’amour. Fils ou petit-fils de responsables, ils se retrouvent pris dans la tourmente publique sans avoir eu réellement leur mot à dire. Même si les structures libanaises ne sont pas totalement tribales, tout le monde – et en particulier leurs familles – attendent d’eux qu’ils reprennent le flambeau. Chez eux, il...