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Actualités - INTERVIEWS

Infrastructures - Traboulsi annonce la mise au point d'un plan décennal Le Liban n'a pas d'eau à donner ou à vendre(photos)

Les ressources en eau du Liban peuvent à peine lui assurer une autosuffisance, si tant est qu’elles sont bien gérées et que la totalité des terres agricoles sont irriguées. Le vieux cliché, donc, faisant du Liban un grand réservoir d’eau est bien révolu. En effet, les problèmes ne manquent pas dans ce domaine : une succession d’années plutôt sèches, une gestion des ressources presque inexistante, un grand gaspillage des projets de barrages et de lacs artificiels qui dorment toujours dans les tiroirs… Les besoins en eau du Liban, eux, ne font qu’augmenter : alors que le taux moyen des précipitations est de l’ordre de 800 mm par an (il peut être de 400 mm dans les années sèches), le volume d’eau disponible, après l’évaporation (50 %) et le gaspillage dans les réseaux, n’est que de 2200 millions de mètres cubes. Le pays n’utilise actuellement que 1 500 millions de mètres cubes d’eau, mais il faut compter que seuls 80 mille des quelques 250 mille hectares de terres cultivables sont irrigués, et que les régions ne sont pas toutes équitablement desservies en eau potable. La véritable richesse du pays, ce sont les nappes phréatiques qui constituent un dépôt d’eau principalement alimenté par la fonte des neiges, la nature du sol libanais favorisant le ruissellement de l’eau vers les profondeurs. Par ailleurs, le Liban ne profite pas d’une source d’eau hors de son territoire. Si, en 2015 (comme l’affirment de récentes études), les pays de la région seront confrontés à une pénurie d’eau aiguë, le Liban pourra-t-il satisfaire ses propres besoins en consommation et pourra-t-il faire face à la pression régionale ? A-t-il un dossier prêt pour les prochaines négociations avec Israël où il est prévu que cette question sera soulevée ? M. Sleiman Traboulsi, ministre des Ressources hydrauliques et électriques, a répondu à ces questions au cours d’un entretien accordé à «L’Orient-Le Jour ». Selon lui, il existe un dossier préparé en cas de négociations de paix avec Israël. Ce dossier, «basé sur des données scientifiques bien connues de tous, établit que le Liban n’a ni de l’eau à donner ni même de l’eau à vendre», dit-il. Concernant la succession des années sèches, M. Traboulsi a précisé que les solutions à court terme se limitent à la rationalisation de l’utilisation de l’eau. Mais il a également abordé le sujet du plan décennal mis au point par le ministère et qui prévoit la construction de nombreux barrages du nord au sud du Liban, ainsi que la création de lacs artificiels dans les montagnes. Ce plan est complémentaire aux projets déjà exécutés ou envisagés par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et qui feront l’objet d’un article ultérieur. Le principal bénéficiaire du plan décennal du ministère devrait être l’agriculture. Mais le projet n’a toujours pas été transmis au Parlement bien qu’approuvé en Conseil des ministres. Le ministre Traboulsi commence par résumer la réalité hydraulique du Liban en s’appuyant sur des chiffres. «Le taux moyen de pluviométrie pour une année au Liban est de 800 mm environ», dit M. Traboulsi. «La pluie est distribuée sur 80 jours au cours d’une année moyenne. La période sèche, elle, dure de neuf à dix mois. L’eau de la pluie fait donc un volume de 8 400 millions de mètres cubes par an. La moitié de cette quantité se perd en raison de l’évaporation et de l’absorption par le sol. Il reste les cours d’eau superficiels et souterrains qui se forment à partir des eaux disponibles, dont le volume maximum est d’environ 2 500 millions de mètres cubes». Le volume d’eau disponible pour l’utilisation est donc d’environ 2 200 millions de mètres cubes dans l’année moyenne. Il est distribué de la façon suivante : 800 millions de mètres cubes d’eaux superficielles et environ 600 millions de mètres cubes d’eau souterraine ainsi que 800 millions de mètres cubes qui peuvent être stockés. «Dans les années de sécheresse, le taux de pluviométrie peut atteindre les 400 mm, poursuit M. Traboulsi. Cette année, la situation n’est pas très bonne jusque-là. Mais elle pourrait s’améliorer même si on est déjà en décembre». Il ajoute : «Nous n’avons pas d’autres solutions et à ce problème que par la rationalisation de l’utilisation de l’eau, par des conseils prodigués aux agriculteurs pour une plus grande économie lors de l’irrigation». En ce qui concerne l’eau potable, son utilisation n’est pas pour l’instant affectée mais la quantité d’eau disponible ne semble pas être supérieure à celle des années précédentes. La nature du sol libanais a imposé depuis longtemps un nombre limité de méthodes pour se fournir en ce précieux liquide : utiliser l’eau superficielle ou creuser des puits. «Malheureusement, il n’existait au Liban que quelques grands dépôts d’eau, dont le plus important est le lac artificiel du Qaraoun, constate M. Traboulsi. Mais ce lac est actuellement à son niveau le plus bas, ce qui pourrait affecter l’agriculture de la Békaa-Sud et du Liban-Sud». Quels sont les besoins du Liban en eau ? «Le volume d’eau disponible actuellement est de 2 200 millions de mètres cubes par an, répond M. Traboulsi. Le Liban utilise 1 500 millions de mètres cubes. Mais il ne faut pas perdre de vue que la plus grande partie des terres qui doivent être irriguées ne le sont pas. On a donc besoin de toute la quantité d’eau disponible. Toutefois, il faut construire des barrages pour pouvoir l’exploiter». Prié de faire une comparaison avec les besoins en eau des pays environnants, M. Traboulsi déclare : «La Syrie a construit un grand nombre de barrages pour subvenir à ses besoins en eau, notamment pour l’irrigation de grands espaces cultivés. Mais cette année, leur situation était loin d’être confortable. La situation est également mauvaise en Irak ainsi qu’en Jordanie. L’Égypte a moins de problèmes en raison de l’eau du Nil». Il ajoute : «Cette situation difficielle est donc généralisée à tout le Moyen-Orient. Cela explique la tenue de congrès régionaux et internationaux sur le problème. Nous avons participé à un de ces événements à Turin. Il est nécessaire que les nations et les peuples coopèrent pour une meilleure gestion de l’eau». «Mais ce qui est certain, souligne-t-il, c’est que l’eau du Liban est à peine suffisante pour lui et pour quelques années seulement. Il faut donc adopter toutes les nouvelles techniques pour satisfaire les besoins en eau des habitants». Un gaspillage de plus de 35 % dans les réseaux C’est parce qu’il existe si peu de dépôts d’eau au Liban qu’il est un plan visant à assurer de l’eau toute l’année et pour toutes les régions. «Un plan dont l’exécution devra s’étaler sur neuf ans a été mis au point par l’ancienne l’équipe et complété par la nôtre, précise M. Traboulsi. Dans le cadre de ce plan, nous serons en mesure d’assurer de nouvelles sources d’approvisionnement en eau, de construire des barrages sur une période de cinq ans et de créer des lacs artificiels dans les régions montagneuses». Ce plan mettra-t-il un terme définitif au gaspillage actuel ? «Un des facteurs de gaspillage est naturel, répond-il. Lors de la distribution de l’eau par les offices, il y a un certain taux de perte inévitable qui varie, dans les pays industrialisés, entre 10 et 14%. Les joints des tuyaux laissent échapper une certaine quantité d’eau et ils doivent être réparés continuellement. Chez nous, ce taux est bien plus élevé. Il peut atteindre les 30 à 35%, et même davantage, selon certains rapports, dans quelques offices des eaux». Selon une source du CDR, les réseaux d’eau potable de la capitale avaient des fuites de 80 % durant la période de guerre. Ces fuites ont été réduites à 50 % et l’objectif est d’atteindre les 20 %, ce qui résoudrait grandement le problème de Beyrouth. «Il existe un gaspillage de 600 à 700 millions de mètres cubes d’eau par an au Liban, dit M. Traboulsi. Avec le plan nouvellement élaboré, nous pourrons utiliser des centaines de millions de mètres cubes de plus dans les mois de sécheresse. Cela veut dire que nous arriverons à l’autosuffisance, que ce soit pour l’irrigation, l’usage domestique ou l’industrie, évidemment pour une période donnée. En effet, notre approvisionnement en eau ne dépend que des précipitations. Nous ne pouvons profiter d’une eau qui provient d’un autre État, à l’instar de pays voisins comme la Turquie ou la Palestine qui s’alimentent en partie par des sources d’eau voisines». Et comme la Syrie chez nous ? «En effet, comme nous sommes signataires d’accords internationaux sur le sujet, nous ne pouvons pas empêcher les autres de profiter de l’eau qui arrive jusqu’à chez eux», souligne-t-il. Par ailleurs, le plan profitera particulièrement à l’agriculture, notamment à travers l’augmentation des surfaces irriguées. «Nous avons actuellement 80 mille hectares irrigués au Liban, explique M. Traboulsi, alors que la surface effective devrait être de 250 mille hectares. Les barrages et les lacs artificiels, dont la construction a été planifiée selon des critères scientifiques et selon le besoin des régions, devraient parer au problème». Les projets prévus par ce plan vont s’étendre de Nahr al Qabir (extrême nord) à Naqoura (extrême sud). Quel devrait être le coût du projet ? «Nous avons estimé que le coût de ce projet devrait atteindre les 1 300 ou 1 400 milliards de livres libanaises», précise M. Traboulsi. «Mais les appels d’offres sont toujours en cours et ce chiffre pourrait baisser selon la compagnie qui va se charger du projet. Nous savons notamment que les Russes et les Bulgares ont beaucoup de compétences dans ce domaine et leurs offres pourraient être moins chères». Un dossier pour les négociations Ce plan répond donc à une nouvelle politique, selon le ministre des Ressources hydrauliques et électriques : veiller à ce que la plus grande partie de l’eau de pluie ne se retrouve pas dans la mer, à ce qu’elle soit stockée dans les endroits convenables pour être utilisée dans les mois de sécheresse. «À partir de l’an 2015 environ, poursuit-il, nous nous retrouverons dans une situation un peu délicate en ce qui concerne l’approvisionnement en eau, à l’instar des autres pays de la région. Il nous faut donc rationaliser l’utilisation de l’eau et employer des techniques modernes. Il est déconseillé par exemple d’irriguer à grande eau : il faudrait s’habituer aux techniques d’arrosage ou du goutte à goutte». La préparation de ce plan décennal coïncide-t-elle avec la reprise des négociations entre Israël d’une part et la Syrie et le Liban d’autre part ? Le Liban a-t-il un dossier sur l’eau au cas où la question serait soulevée au cours des négociations ? Le Liban peut-il se permettre de céder ou de vendre une partie de son eau ? «Il est évident que le Liban a un dossier sur l’eau, s’empresse de répondre M. Traboulsi. Nous ne pouvons pas prévoir sous quel angle la question pourrait être abordée. Mais tout ce que nous pouvons dire maintenant, c’est que nos ressources ne nous permettent ni de donner ni même de vendre de l’eau». Il poursuit : «Ce dossier ne peut être traité que de façon scientifique. Les données sont précises et tout le monde les connaît. Toutes les organisations internationales ont leur bureau au Liban et rien de tout cela ne leur échappe. Quand nous déclarons donc que la quantité d’eau ne couvre même pas les besoins du Liban si toutes les terres doivent être irriguées, nous nous basons sur des données scientifiques et exactes». Entre-temps, le plan décennal attend toujours son heure à l’ombre des conflits régionaux et du spectre du changement climatique. En attendant, les grands perdants restent les agriculteurs qui supportent des pertes considérables d’année en année.
Les ressources en eau du Liban peuvent à peine lui assurer une autosuffisance, si tant est qu’elles sont bien gérées et que la totalité des terres agricoles sont irriguées. Le vieux cliché, donc, faisant du Liban un grand réservoir d’eau est bien révolu. En effet, les problèmes ne manquent pas dans ce domaine : une succession d’années plutôt sèches, une gestion des ressources...