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Actualités - REPORTAGES

Education - Les établissements scolaires face à la réforme de l'enseignement Dans l'attente d'une révision des nouveaux programmes (photos)

La réforme scolaire en est à sa seconde année d’application. Au niveau des établissements scolaires, on applaudit certes aux nouveaux programmes, on parle d’évolution et de grand pas en avant de l’enseignement libanais, mais on se pose aussi des questions, on émet certaines réserves sur la possibilité d’application de ces programmes, tels qu’ils ont été présentés par le CNRDP (Centre national pour la recherche et le développement pédagogique). Application qui représente un véritable casse-tête pour certains directeurs d’établissements qui les qualifient d’ambitieux, voire même de prétentieux. L’Orient-Le Jour a mené une enquête auprès de neuf établissements scolaires privés parmi les plus prestigieux du pays afin de déterminer la manière dont ces écoles ont appliqué les nouveaux programmes, ainsi que les problèmes vécus par la direction, les enseignants et les élèves. Une réforme longtemps attendue Il est vrai que le changement s’est fait attendre par tous, grands et petits, et qu’il est difficile de prétendre en quelques mois sortir le système scolaire libanais de l’immobilisme et de la rigidité qui l’ait caractérisé pendant de longues années. Si la majorité des établissements privés importants ont pu œuvrer dans le sens de la réforme scolaire, c’est qu’ils avaient, pour la plupart, anticipé celle-ci, surtout ceux qui appliquent le programme libanais au même titre que le programme français. C’est ainsi que le proviseur du Lycée franco-libanais, M. Noël Roche, «utilise la possibilité d’interpénétration entre les deux programmes, la réforme réduisant ce décalage qui existait auparavant entre les deux systèmes». Désormais, ajoute-t-il, «on passe du par cœur à la méthode». De même, au collège Notre-Dame de Jamhour, le travail de mémoire évolue vers un travail de recherche, les cours magistraux appartenant désormais au passé. Car la réforme scolaire ne prévoit plus d’exiger de l’élève qu’il ingurgite ses cours par cœur, mais qu’il sache chercher et retrouver les informations dont il a besoin, en se servant des nouveaux moyens de communication. Elle lui apprend à analyser les données qu’il reçoit et à effectuer un travail de logique et de raisonnement. Ainsi, le père Richard Abi Saleh, directeur du collège de La Sagesse, défend-il les nouveaux programmes avec force, approuvant la diversité des matières et déclarant qu’ils ont «replacé l’élève dans son siècle». Et d’ajouter que les faux-pas sont chose normale dans toute réforme, et que la critique doit être entreprise de manière positive pour en corriger les erreurs. Pour sa part, le Dr Hicham Nachabeh, doyen de l’enseignement dans les écoles des Makassed, qualifie la réforme «d’important pas en avant, par opposition aux programmes rigides et immuables des années 1930». Ce changement de méthode de travail nécessite la révision complète des méthodes en vigueur. De cela, les directeurs des établissements scolaires sont conscients. Et pour que la transition se fasse de la manière la plus douce possible, des sessions de formation sont organisées par le CNRDP et le secrétariat général des écoles catholiques, à l’intention des enseignants. «Il est vrai que ces sessions ont représenté une surcharge de travail pour les enseignants, explique le père Antoine Nacad, directeur du collège d’Aïntoura, mais cela a été plus simple qu’on ne le pensait, et le passage aux nouvelles méthodes s’est effectué en douceur, surtout au niveau du primaire, où les élèves n’ont eu à subir aucune pression». Cet enthousiasme est partagé au collège des Saints-Cœurs, dont la directrice, sœur Hélène Richa, applaudit à l’évolution, parlant de «réforme qui a mis l’enseignement et l’éducation de toute une génération en chantier, et qu’il est dans notre intérêt de suivre, car elle tient compte des intérêts de l’enfant». Des lacunes Cependant, tout changement, quel qu’il soit, n’est pas facile et les établissements scolaires se retrouvent confrontés à de nombreux problèmes dont le règlement ne dépend pas d’eux, mais du ministère de l’Éducation, en raison des lacunes inhérentes aux nouveaux programmes. Au collège Notre-Dame de Nazareth, si la réforme a été appliquée sans embûches au niveau des petites classes – où la méthode basée sur l’autonomie et le rythme de chacun a été une réelle réussite –, on dénonce la surcharge excessive au niveau du secondaire. «Il y a trop de matières, accuse Mme Gholmyé, directrice du collège, et dans chaque matière, il y a trop de chapitres à travailler. Nous sommes constamment bousculés à notre tour forcés de et bousculer nos élèves». Elle ajoute : «Je plains réellement les élèves du secondaire, de même que leurs professeurs». Des critiques qui sont reprises par Mme Raymonde Abou, directrice du collège Louise Wegmann, qui avoue devoir jongler avec les horaires des élèves de la classe de seconde et sacrifier quelques matières optionnelles pour tenter de boucler le programme. «Et même 39 heures de cours par semaine ne sont pas suffisantes pour préparer nos élèves aux deux bacs, libanais et français. Pourquoi ces programmes n’ont-ils pas été testés au préalable, avant d’être imposés de la sorte ?», demande-t-elle. Au collège des frères du Mont la Salle, le directeur, frère Habib Zraïby, souligne l’impossibilité d’appliquer ces nouveaux programmes dans leur intégralité, à l’heure actuelle, et appelle l’État à combler les lacunes : «Comment appliquer des programmes prévus pour 180 jours de cours, soit 10 mois de scolarité, alors que la loi limite l’année scolaire à 9 mois seulement, du 1er octobre au 30 juin ? Faudrait-il réduire les vacances d’été et risquer de porter atteinte au secteur touristique du pays, ainsi qu’aux traditions bien ancrées de la villégiature ?». Sans compter le manque de temps pour approfondir l’enseignement des langues étrangères et autres matières importantes, comme le fait remarquer le père Antoine Nacad. Ce problème de temps est, de plus, aggravé par le retard considérable dans la parution des manuels scolaires, dont certains n’avaient pas encore été imprimés plus de deux mois après la rentrée des classes, déplore le préfet des classes secondaires au collège Notre-Dame de Jamhour. À ces problèmes vécus par la majorité des établissements scolaires, s’ajoute celui de l’achat d’équipements nouveaux nécessaires à une bonne application de la réforme scolaire. Mais ces équipements, qu’il s’agisse d’ordinateurs ou de matériel technologique, sont très onéreux et ne sont pas à la portée de tous les établissements. Le Dr Nachabeh explique : «Les Makassed sont des établissements scolaires privés, mais à vocation majoritairement caritative, et de nouveaux investissements sont difficiles à assumer». De son côté, M. Roche avoue ne pas avoir encore mis en application la matière de technologie dans les Lycées franco-libanais. Les établissements privés avouent faire de leur mieux pour assurer le succès de cette réforme scolaire, qu’ils appuient au nom de l’évolution et du modernisme. Ils espèrent toutefois que l’immobilisme dont fait preuve le gouvernement, depuis les changements apportés au sein du CNRDP, ne durera pas longtemps. Car ils attendent du ministre de l’Éducation, M. Mohammed Youssef Beydoun, des réponses rapides à leurs interrogations et des solutions aux problèmes quotidiens que vivent les élèves et les enseignants. Il est impensable en effet que dans toutes les écoles du pays, les élèves de la classe de première soient encore dans le flou, ne sachant toujours pas quelles seront les modalités d’évaluation de l’examen officiel, l’année prochaine. Ils ne savent même pas sur quelles matières porteront les épreuves, ni comment elles seront présentées.
La réforme scolaire en est à sa seconde année d’application. Au niveau des établissements scolaires, on applaudit certes aux nouveaux programmes, on parle d’évolution et de grand pas en avant de l’enseignement libanais, mais on se pose aussi des questions, on émet certaines réserves sur la possibilité d’application de ces programmes, tels qu’ils ont été présentés...