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Actualités - REPORTAGES

Ethique Fraudes et délits scientifiques(photo)

Dans la revue britannique Nature a été soulevée, il y a quelques mois, une question pour le moins déconcertante : les grandes fraudes scientifiques du XXe siècle et, en particulier, l’affaire des «enzymes de défense». Cette découverte de l’Allemand Ernst Aberhalden, biochimiste, avait soulevé l’enthousiasme international durant plus de cinquante ans, en inventant des tests chimiques utiles et simples d’utilisation, considérés aujourd’hui proches d’une formidable supercherie... Le cas s’est répété, toujours au cours de ce siècle, avec une autre découverte controversée, celle du Pr Bernard Biham à propos du gène «mangeur de graisses». Ces deux exemples de fraude scientifique incitent la très sérieuse revue britannique à poser la question suivante: «Comment se mettre à l’abri de semblables tricheries?». Deux généticiens, William Broad et Nicholas Wade, dans un ouvrage intitulé «La Souris truquée» (trad. en français aux Ed. du Seuil, série «Science ouverte»), partent en guerre contre ces fraudes et tirent les leçons qui s’imposent de ces grandes supercheries de laboratoire... Ernst Aberhalden, un chercheur allemand né en Suisse, travaillant dans l’équipe du Pr Emil Fischer, à Berlin, entreprend la synthèse et l’isolation de nombreuses protéines, sans que ces travaux ne suscitent le moindre intérêt. Ulcéré, le chercheur songe à une formidable revanche. Peu avant la Première Guerre mondiale, en 1909, il publie dans la presse scientifique un compte rendu sur ce qu’il nomme «les enzymes de protection» et proclame leur application dans la détection de grossesse, de sarcomes, de carcinomes, de syphilis et de schizophrénie. Cinq ans plus tard, 450 publications de spécialistes vantent, par des termes dithyrambiques, les travaux de ce chercheur savant! Sa théorie, telle qu’il l’explique, implique la présence de molécules étrangères, détectées dans le plasma des humains et des animaux. Pour se défendre, l’organisme produit des enzymes qui digèrent et rendent inactives ces molécules. À partir de là, le test de dépistage est simplifié: un échantillon de sang prélevé chez le malade, mélangé à un peu de la protéine testée. Si le plasma va développer des enzymes de défense, la protéine se trouve émincée en peptides. Sinon, elle reste intacte. Une pause est respectée, puis le mélange est filtré. S’il contient des peptides, le test est déclaré positif. Mille études de recherche Malgré le fait que cette expérience ne put jamais être reproduite, le corps scientifique défendit farouchement les thèses d’Aberhalden et ceci jusqu’au début des années 1960! Le chercheur tiendra la présidence de l’Académie allemande des sciences pendant quinze ans, il écrivit des dizaines d’ouvrages et sera au centre de plus de 1000 études et articles de recherche à travers le monde! Trois chercheurs seulement oseront défier Aberhalden, l’un Allemand, les autres Américains (Leonor Michaelis, Donald Van Slyke et Florence Hutton) mais sans succès. Ils ont beau proclamer que les «enzymes de protection» n’ont jamais été retrouvées dans le sérum et qu’elles constituent un mythe, personne ne voulait les croire... Comment expliquer le secret de semblable duperie? On sait aujourd’hui que les proches collaborateurs d’Aberhalden, très fidèles et aveuglement dévoués, défendaient la fiabilité des tests dans un très large nombre de laboratoires. C’est du moins ce que William Broad et Nicholas Wade révèlent dans leur ouvrage. Ensuite, le chercheur lui-même rendait le protocole du test de plus en plus difficile, tout en élargissant son champ d’application: sang, urine. Mais à la mort du savant, en 1950, et avec le développement de l’immunologie, tout intérêt pour ses travaux s’est évanoui. Au milieu des années 60, les enzymes de protection étaient de la très vieille histoire... L’effet de la mode De l’avis de certains chercheurs actuels, la médecine ne peut être à l’abri de semblables agissements. De surcroît, la recherche actuelle est souvent pervertie par l’effet de mode. Les chercheurs sont nombreux à travailler sur les mêmes sujets, sans que personne ne pense à vérifier le travail de l’autre. Il devient donc possible de bâtir une théorie ou quelconque notion fantasque sans que personne ne se donne la peine de contrôler son bien-fondé. Happée au passage, la rumeur d’une éventuelle découverte va mobiliser pays et foules, jusqu’au jour où quelqu’un aura le courage de crier, comme dans le conte d’Andersen sur le roi: «Mais il n’y a rien derrière cette découverte».
Dans la revue britannique Nature a été soulevée, il y a quelques mois, une question pour le moins déconcertante : les grandes fraudes scientifiques du XXe siècle et, en particulier, l’affaire des «enzymes de défense». Cette découverte de l’Allemand Ernst Aberhalden, biochimiste, avait soulevé l’enthousiasme international durant plus de cinquante ans, en inventant des tests...