Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Hommage - Une promotion de l'Iesav porte le nom du cinéaste Journée de réflexion sur l'oeuvre de Maroun Baghdadi à l'USJ (photos)

En 1991, il recevait à Cannes le prix du jury pour son film Hors la vie. La septième promotion de l’Iesav porte le nom de Maroun Baghdadi. À cette occasion, cet institut de l’USJ a organisé, hier, une journée de réflexion en deux tranches autour de l’œuvre du cinéaste. «Dans son exil, le cinéaste parlait de Beyrouth», dit Aimée Boulos, directrice de l’Iesav. «Cela révèle un état d’esprit : on ne part jamais vraiment», quand on garde ses racines. En matinée, projection au théâtre Monnot de L’homme voilé, film peu connu à Beyrouth. Suivi d’un débat autour du thème : “Maroun Baghdadi l’enfant prodigue”, conduit par MM. Gabriel Boustany et Émile Chahine. «Ce film est une fiction, plus précisément une reconstitution et une manipulation», d’après Gabriel Boustany. Baghdadi, lui, précisait au sujet de ce film, qu’il n’avait pas voulu faire une radioscopie des Libanais de Paris, mais qu’il voyait la capitale française comme si c’était Beyrouth. De fait, L’homme voilé raconte des Libanais qui auraient continué leurs petites guerres en France. Les intervenants ont donc souligné que le cinéaste n’a pas réalisé là un documentaire mais une transposition à Paris d’une réalité beyrouthine. Celle de cette «génération- guérilla» dont traite toute son œuvre. Ainsi, il a installé des cafés, des mosquées, tout un décor libanais en plein cœur de la Ville Lumière. Le cadre est fictif, mais les problèmes réels. Borhane Alaouiyé explique à son tour que «Paris peut être en réalité n’importe quelle ville. Elle est remplaçable. Ce qui ne l’est pas, c’est la ville absente : Beyrouth. Pierre, l’acteur principal qui retourne en France, ne serait autre que Baghdadi ramenant Beyrouth avec lui. L’enfant prodigue». Les acteurs parlent de partir, de retourner au pays, tout le long du film. Est- ce Baghdadi qui exprime son vœu le plus cher ? Certains ont cru pour leur part le retrouver dans la fille qui a souhaité dormir pour oublier son dégoût et son écœurement. Le langage bouge, inquiet, angoissé. À l’unanimité, le film cadre bien dans l’œuvre du cinéaste. Enfin, Antoine Rémy considère que «Baghdadi était un écorché vif à la recherche d’un Beyrouth idéal». Cependant, il n’a pu filmer que Beyrouth en guerre. Beyrouth À 17h, la salle polyvalente de l’Iesav a accueilli les cinéastes Borhane Alaouiyé, Samir Habchi, Assad Fouladcar et Nadim Jarjoura pour une table ronde sur le thème “Beyrouth dans l’œuvre de Baghdadi”. Cette «rencontre cinématographique» s’est déroulée en présence de Mme Soraya Baghdadi, l’épouse du cinéaste disparu. «Nous réalisons aujourd’hui, encore une fois, combien le Liban a la mémoire courte», a souligné d’emblée Bourhane Alaouiyé. «Cela fait six ans seulement que Maroun Baghdadi nous a quittés et déjà nous n’entendons presque plus parler de lui», a-t-il déploré. «Or Baghdadi met le doigt, à travers ses films, sur des choses à retenir, des détails qui mériteraient d’être archivés». Relevant trois mots, «Beyrouth», «génération» et «cinéma», Borhane Alaouiyé s’est ensuite arrêté sur les rapports que Maroun Baghdadi entretenait avec chacun de ces “concepts”. Il portait sur Beyrouth un regard de poète», a-t-il indiqué. «Plus il s’en approchait, plus sa caméra devenait tendre, douce». Il ajoute que Baghdadi appartenait à une génération en plein changement. «Qu’il ait été à Paris ou à Beyrouth, il a toujours vécu au cœur des choses, il s’est toujours trouvé au cœur du séisme ; jamais en zone d’écho», a-t-il insisté. «Tout comme Beyrouth, il a été perturbé, blessé ; il a vibré, il a eu peur. Nous avons perdu Baghdadi au moment où il allait donner le meilleur de lui-même», a-t-il conclu. «Son art était arrivé à maturité». S’appuyant pour sa part sur trois films, Beyrouth ya Beyrouth, Petites guerres et Hors la vie, Nadim Jarjoura a noté que «pour Baghdadi, il existait deux villes : la ville géographique et la ville vivante, qui a une âme, qui vit les événements, qui réagit. Dans ses films, il nous ballotte entre fiction et réalité», a-t-il relevé. «Nous sommes tantôt perdus, sans réponses ; tantôt meurtris et vidés, comme Beyrouth». Critiques Évoquant les critiques acerbes que déclenchait chaque film de Maroun Baghdadi, Assad Fouladcar a rappelé les accusations excessives et violentes – notamment de traîtrise et d’espionnage –, qu’avait subies le cinéaste. «Cela dépassait l’art et devenait dangereux», a-t-il indiqué. Sans pouvoir donner d’explications à ces réactions, il a dénoncé «cette attitude dictatoriale qu’ont les artistes les uns envers les autres et qui ne devrait pas exister. Chacun a sa vision des choses et sa manière de travailler», a-t-il poursuivi. Quant à l’œuvre de Baghdadi, il a relevé que chacun de ses films était une nouvelle étape. «Lorsque nous avons appris sa mort, nous avons été très choqués parce que nous étions convaincus qu’il n’en était qu’à ses débuts», a-t-il ajouté. «Beaucoup restait à venir». Enfin, Samir Habchi a rendu hommage à l’honnêteté, à la droiture et à l’intégrité de l’artiste disparu. Reprenant l’idée d’Alaouiyé, il a fait remarquer que le cinéma constituerait un bon départ pour la constitution d’une mémoire artistique. «Un film est comme une sculpture, qui fige une réalité, en gardant l’essentiel», a-t-il dit. «Ce sont ces sculptures qui constituent la mémoire d’une société, d’un pays. Et c’est aussi tout ce qu’il nous reste de nos artistes». En clôture de la Journée Maroun Baghdadi, Mme Aimée Boulos a déclaré que «cette première initiative sera suivie de plusieurs autres. Nous projetons d’organiser un “Festival Maroun Baghdadi”, afin de permettre à la jeunesse de découvrir ce cinéaste qu’elle connaît peu et mal, car toujours à travers des cassettes-vidéo qui enlèvent à la netteté et à la beauté du film», a-t-elle annoncé. Signalons que ce soir, l’Iesav organise une cérémonie de remise de distinctions aux diplômés méritants de la «Promotion Maroun Baghdadi». À cette occasion, les trophées «Prix Aimée Boulos» seront remis par Mme Soraya Baghdadi. Des extraits des films de diplôme seront ensuite projetés, ainsi que le court-métrage Un souffle réalisé par Sybèle Samhoun. Baghdadi : filmographie 1975 : Beyrouth ya Beyrouth 1982 : Petites guerres 1987 : L’homme voilé 1988-1990 : Trois épisodes pour des séries télévisées françaises (Liban, pays du miel et de l’encens ; Marat ; L’épouvantail) 1991 : Hors la vie, primé à Cannes 1992 : La fille de l’air.
En 1991, il recevait à Cannes le prix du jury pour son film Hors la vie. La septième promotion de l’Iesav porte le nom de Maroun Baghdadi. À cette occasion, cet institut de l’USJ a organisé, hier, une journée de réflexion en deux tranches autour de l’œuvre du cinéaste. «Dans son exil, le cinéaste parlait de Beyrouth», dit Aimée Boulos, directrice de l’Iesav. «Cela révèle...