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Actualités - CHRONOLOGIE

L'étrange tribu des festivaliers

Lunettes noires et badges sont les signes distinctifs du festivalier cannois qui, à bout de souffle après un marathon de douze jours de folie, cache ses yeux rougis par une «overdose» de grands et de petits écrans (d’ordinateur) pour les trimards de la presse, ou par l’abus des lumières stroboscopiques pour les fêtards de la Croisette. Du journaliste arménien à l’acheteur coréen, du producteur américain au vendeur de vidéo X, plus de 30 000 festivaliers dûment «badgés» sont descendus sur la Côte pour la grande messe annuelle du 7e Art. Mais avec l’invasion des badauds, touristes et bandes de jeunes fascinés par les paillettes, la population de Cannes passe de 70 000 à 200 000. Quidam cinéphile ou «soiriste» , les tribus cannoises se croisent parfois tôt le matin : certains, hagards et éblouis par le soleil, émergent d’une boîte, d’autres se dirigent d’un pas pressé, sac de la Semaine internationale de la critique en bandoulière vers la première projection de presse de 8h30 dans le grand auditorium Lumière. À cette heure matinale, le festivalier est le roi d’une Croisette vide et calme avant la ruée. Seuls s’affairent les plagistes, qui installent matelas et parasols, et les colleurs d’affiches. À l’approche du bunker, le Palais des festivals, il est pourtant interpellé par les cinéphiles passionnés qui tous les jours sont là «font la manche» pour les billets si convoités. Les happy few sont «encartés» selon une stricte hiérarchie avec des castes définies selon la couleur de leur badge-sésame : la blanche (soiriste) est le top, suivie de la rose avec une pastille jaune, puis de la rose sans pastille, de la bleue... La blanche donne accès à l’orchestre du grand Auditorium, 2 300 fauteuils, les plus confortables pour continuer une nuit écourtée ou reconstituer sa force de travail quand d’interminables plans séquences plongent le critique dans une douce léthargie. « Party » très privée dans de somptueuses villas Cette année, la durée moyenne des films est de 2h10, la palme de la longueur revenant à L’Empereur et l’Assassin de Chen Kaige, et la palme du court (ou des courts) aux Contes de Kish, trois films pour 1h12. Parfois – c’est la hantise de tout réalisateur, producteur ou distributeur qui a un film en compétition – les fauteuils claquent, signe que l’exode commence. Aucun film n’a enregistré cette année de désertion massive. Le festivalier slalome en vespa, en vélo, en rollers mais le plus souvent à pied, du bunker au Martinez, quartier général de Canal+. Les badauds se partagent entre deux pôles, le plateau de Nulle Part Ailleurs, et les paparazzi leur escabeau. Les photographes badgés (smoking et chaussures noires obligatoires) ont des places numérotées réservées. Les cinéphages les plus assidus enchaînent jusqu’à six films par jour. En revanche, la tribu des «soiristes» se contente bien souvent de la projection de 19h30, la plus prisée, avant de courir à l’une des fêtes géantes les plus célèbres marches du monde (24) où, dès le matin, les mamies installent leur pliant du Palm Beach, à l’une des «party» très privées dans une somptueuse villa, ou à celles qui se donnent tous les soirs sur les plages des palaces le long de la Croisette. Là encore il faut montrer patte blanche pour franchir les barrières métalliques et la muraille des cerbères, en forme d’armoires à glace qui montent la garde. Pour certains, les étoiles de Cannes sont celles qu’ils voient en dormant sur la plage.
Lunettes noires et badges sont les signes distinctifs du festivalier cannois qui, à bout de souffle après un marathon de douze jours de folie, cache ses yeux rougis par une «overdose» de grands et de petits écrans (d’ordinateur) pour les trimards de la presse, ou par l’abus des lumières stroboscopiques pour les fêtards de la Croisette. Du journaliste arménien à...