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Actualités - ANALYSE

La cohésion ministérielle laisse à désirer

On l’a constaté avec le cas Berry : un changement incomplet risque de ne pas être du tout un changement. Quand on prend les mêmes, on recommence. C’est fatal. Et le conflit qui oppose avec persistance au moins deux des ministres, MM. Sleiman Frangié et Hassan Chalak, dégage une bien malencontreuse impression de déjà-vu. Déjà du temps de M. Hariri, M. Frangié se rangeait dans le camp de la contestation, voire de la fronde, intérieure au sein du Cabinet, aux côtés entre autres de M. Farès Boueiz. De nouveau le jeune leader du Nord prend ses distances, sinon avec la politique nouvelle du moins avec l’un de ses symboles, M. Hassan Chalak qui est en charge de la réforme administrative. L’harmonie et la cohésion ministérielles s’en trouvent si troublées qu’un opposant conseille à M. Hoss «de faire le ménage chez lui avant de vouloir nettoyer chez les autres». Et d’ajouter, pour faire bonne mesure, ce vieux dicton bien libanais : «Celui dont la maison est en verre ne lance pas de pierres». Selon cette personnalité radicale «le communiqué publié dimanche par le chef du gouvernement, bien qu’il comporte un passage d’autocritique, omet de reconnaître que la faille la plus grave dont souffre son équipe est son manque d’unité et de discipline. Le président du Conseil a peut-être marqué des points temporaires contre ses adversaires directs ou indirects (car certains partisans du régime lui en veulent encore plus que nous), mais il a perdu du terrain face à ses propres ministres en ne les rappelant pas à l’ordre». En fait cette observation, qui est sans doute de bonne guerre, ne brille pas par sa bonne foi. Pour la simple raison que si en sus de l’aveu des bévues commises, notamment dans les nominations, le président du Conseil avait dû tancer publiquement ses ministres au bout de deux mois, la logique la plus élémentaire lui aurait commandé de mettre la clé sous la porte, de présenter sa démission et de se retirer sur la pointe des pieds. Car il aurait ainsi reconnu son échec en tant que chef, son incapacité à maintenir un minimum d’ordre dans son équipe. Ce qui n’est pas objectivement exact, la dispute Frangié-Hoss n’ayant pas encore pris des proportions assez dramatiques pour provoquer le départ de l’un ou de l’autre et l’implosion du Cabinet. Mais il est politiquement inquiétant pour l’équipe en place que, pour la deuxième fois en deux semaines, le chef de l’État ait dû intervenir en personne publiquement pour la défendre. Et surtout que la deuxième intervention ait été considérée nécessaire malgré le communiqué de M. Hoss, ce qui laisse penser que l’initiative de ce dernier n’a pas du tout atteint ses objectifs de protection du gouvernement, de neutralisation de l’adversaire, de «containement» comme disent les Américains. Malgré les efforts du porte-parole du gouvernement M. Anouar el-Khalil pour donner de la dernière séance du Conseil des ministres une image idyllique, la bonne entente n’y a pas régné, apprend-on de source fiable. MM. Frangié et Chalak n’ont pas réglé leur différend, qui commence à sentir fortement le roussi. En effet, le ministre de l’Agriculture, peut-être pour combattre l’adversaire sur son propre terrain, a préféré saisir du litige un tribunal administratif, le Conseil d’État, plutôt que l’autorité politique compétente, c’est-à-dire le Conseil des ministres. Du jamais vu. Les causes concrètes de la brouille sont classiques : M. Chalak a refusé de donner son aval à la désignation de quelque 50 médecins au ministère de la Santé, intervenue pendant la période transitoire entre l’élection du général Lahoud et le départ du président Hraoui. Cette décision avait été prise par M. Frangié, alors ministre de la Santé. Il avait organisé un concours de recrutement et désigné un jury. La plupart des candidats n’avaient pas obtenu la moyenne requise. On avait organisé un deuxième concours, avec un nouveau jury et les lauréats avaient été engagés. Le Conseil de la Fonction publique (dont M. Chalak avait été président) avait cependant objecté que la procédure était irrégulière, le ministre ayant organisé le deuxième concours sans prendre son avis. Tout cela est certes un peu embrouillé. Sur un plan technique, il est possible que les bonnes règles n’aient pas été suivies. Encore qu’on peut ergoter à perte de vue sur le point de savoir si un organisme administratif peut surclasser le pouvoir d’un ministre. Mais sur le plan constitutionnel l’argument chalakien qu’en période transitoire un ministre ne peut pas prendre de décision paraît peu solide. En effet cet «impeachment» n’intervient que pour les Cabinets démissionnaires, chargés d’expédier simplement les affaires courantes, ce qui n’était pas le cas à l’époque pour le Cabinet Hariri. Toujours est-il, pour en revenir au problème qui se pose à M. Hoss, qu’au cours du Conseil des ministres une prise de bec violente a opposé les deux ministres concernés, le plus jeune d’entre eux se montrant le plus vif et sans doute le plus blessant. Le chef de l’État et le président du Conseil ont dû intervenir pour ramener le calme… Par la suite, dans un geste tout à fait remarqué, M. Frangié a rendu visite à l’opposant en chef M. Rafic Hariri à Koraytem où l’on signalait très rarement son passage quand ils étaient ensemble au gouvernement.
On l’a constaté avec le cas Berry : un changement incomplet risque de ne pas être du tout un changement. Quand on prend les mêmes, on recommence. C’est fatal. Et le conflit qui oppose avec persistance au moins deux des ministres, MM. Sleiman Frangié et Hassan Chalak, dégage une bien malencontreuse impression de déjà-vu. Déjà du temps de M. Hariri, M. Frangié se rangeait...