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Actualités - ANALYSE

Administration - Une simple réhabilitation ne suffit pas Quatre conditions pour réformer le domaine politique

On s’aperçoit, un peu tard, qu’on a mis la charrue devant les bœufs. Et qu’il n’est pas possible de réhabiliter vraiment l’Administration si on ne procède pas d’abord à une réforme des mœurs politiques, source d’un clientélisme pesant et obstructionniste. Comme on le voit à travers certains épisodes mettant en vedette, et sur la sellette, des cadres d’offices autonomes convoqués pour interrogatoire. Mais que l’on n’a pu ennuyer longtemps, car ils sont protégés par des pôles influents. Selon un ancien président du Conseil «une vraie amélioration de la qualité de notre vie politique passe nécessairement par les étapes suivantes : – D’abord une loi électorale qui assure un scrutin propre, libre et une vraie représentation des Libanais. Les députés doivent être effectivement dépendants de leur électorat, non des chefs des listes où ils seraient parachutés. Les parlementaires qui ne se préoccuperaient pas de défendre les intérêts de leurs mandants, sauraient alors qu’ils n’ont aucune chance de conserver leur siège aux élections ultérieures. C’est cela la démocratie et non pas des prête-noms qui se contentent de lever la main pour voter comme leur chef de bloc le leur ordonne. Le gouvernement répond de ses actes devant le Parlement et le parlementaire devant l’électeur. Cette règle de base, essentielle, est aujourd’hui malmenée chez nous, la plupart des députés n’étant représentatifs que de la volonté, extérieure ou intérieure, qui les a catapultés dans des listes “principales”. Une fois leur carrière conditionnée par leur bon rendement professionnel, les députés cesseraient de trahir les tendances politiques de leurs électeurs et de se laisser tenter par des magouilles diverses qui leur coûteraient leur mandat. La morale s’en porterait mieux et il y aurait moins de courants corrupteurs venant du domaine politique pour polluer les services publics. – Il faut ensuite cesser pour de bon de sacraliser la tradition qui veut qu’on doive absolument sauver la face de quelqu’un. C’est-à-dire qu’on ne doit pas du tout hésiter, à l’exemple de la France où le procès du sang contaminé implique maintenant trois anciens responsables, de traduire en justice des ministres soupçonnés de fautes graves. Et pour commencer, la Chambre doit faire son métier en retirant sa confiance à tout ministre accusé de corruption, de détournement de fonds, de trafic d’influence ou d’abus de pouvoir. Évidemment, si le gouvernement se solidarise avec l’un de ses membres qui serait inculpé, il devra également être mis en minorité par l’Assemblée et rendre son tablier. On voit ici que ce deuxième point est lié au premier : seuls de véritables parlementaires, élus librement par le peuple, peuvent avoir le réflexe de faire sauter un gouvernement qui aurait démérité. – La troisième condition est prévue dans la Constitution (article 80) depuis bien avant Taëf, depuis 1927 en fait : la mise sur pied d’une Haute Cour pour juger les présidents et les ministres. Cette instance doit se composer de sept parlementaires et de huit magistrats. En 72 ans, on n’a trouvé moyen ni de former ce tribunal d’exception ni de mettre en accusation l’un quelconque des centaines de responsables gouvernementaux qui se sont succédé, à croire qu’ils étaient tous des saints. S’il est vrai que la loi fondamentale ne prévoit de poursuites contre le chef de l’État que pour haute trahison ou violation flagrante de la Constitution (article 60), par contre elle autorise (article 70) la mise en jugement des membres du Cabinet pour avoir failli aux obligations de leurs fonctions, c’est-à-dire pour trop mauvais travail ou pour corruption. L’acte d’accusation doit émaner de l’Assemblée, par un vote à la majorité des deux tiers. Mais jamais aucune motion n’a été déposée pour inculper un responsable ministériel. Alors que l’on a vu, dans quelques rares cas, l’immunité des députés levée et certains d’entre eux aller en prison. – Le quatrième détergent pour nettoyer les écuries d’Augias est la loi sur l’enrichissement illicite qui date des années cinquante mais n’a jamais été appliquée. La nouvelle mouture élaborée par le précédent gouvernement, contestée comme visant essentiellement à autoriser des poursuites contre ceux qui accusent et non contre ceux qui sont accusés, a été mise au placard. Il faut maintenant se mettre en quête d’une législation qui soit à la fois équitable et exécutoire», conclut cette personnalité.
On s’aperçoit, un peu tard, qu’on a mis la charrue devant les bœufs. Et qu’il n’est pas possible de réhabiliter vraiment l’Administration si on ne procède pas d’abord à une réforme des mœurs politiques, source d’un clientélisme pesant et obstructionniste. Comme on le voit à travers certains épisodes mettant en vedette, et sur la sellette, des cadres d’offices autonomes...