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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

Salon du livre - Interview Jean-Marie Laclavetine : la littérature ne mourra pas

Écrivain, traducteur d’italien et membre du comité de lecture des éditions Gallimard depuis dix ans, Jean-Marie Laclavetine est né à Bordeaux en 1954. Depuis 1981, il a écrit 16 romans, essais et nouvelles, et reçu de nombreux prix littéraires. Paru en août dernier, son dernier roman «Première ligne» est à son tour en bonne position sur les listes des prix de cette année. Le héros de Première ligne, Cyril Cordouan, dirige les éditions Fulmen, à Saint-Germain-des-Près. Et se fait un point d’honneur de refuser la grande majorité des manuscrits qu’on lui envoie. Il crée même une Association des écrivains anonymes, pour dissuader les gens d’écrire. Car «pourquoi écrire, quand on n’a pas le couteau sur la gorge ?». Il y a aussi les scènes de ménage entre Cyril et sa femme Anita. Anita dont il est très amoureux, et qui disparaît sans cesse on ne sait où, pour réapparaître toujours. Un jour, il la suit, jusqu’à une maison de Roissy… Le dernier roman de Jean-Marie Laclavetine est délicieux, sous-tendu d’un bout à l’autre d’un humour mordant et d’une ironie assez sarcastique. Pourquoi ce thème ? «Le comité de lecture de Gallimard m’a donné l’occasion de rencontrer beaucoup d’écrivains, publiés ou pas, et d’avoir avec eux des relations souvent très intenses», répond Jean-Marie Laclavetine. «C’est toute cette accumulation d’expériences, de relations, et parfois d’amitiés qui m’a donné envie de parler du livre, et du milieu dans lequel s’élaborent les livres». Un milieu pas toujours rose et souvent impitoyable, que Laclavetine se fait le plaisir de bombarder de piques ironiques. Sans épargner personne. Ni les libraires («Et les libraires, ils font quoi, les libraires ? Ils surveillent leur tiroir-caisse, voilà ce qu’ils font …») ; ni les éditeurs («Être éditeur, c’est avant tout savoir dire non») ; ni la presse et les «hippocritiques» («Quelques demi-mondains qui tapinent pour tous les maquereaux du trottoir littéraire, et qui cherchent de temps en temps à faire pardonner leur servilité et leur inculture en couvrant d’encens un auteur illisible, ou ennuyeux comme la pluie !») ; ni les écrivains («Les intoxiqués du Waterman, les aliénés du clavier, aveuglés par leurs propres jets d’encre»), ni même le…siècle («Bâillonner la littérature. Anéantir les écrivains. Leur maintenir la tête sous l’eau. Au besoin, les ensevelir sous les paillettes. Leur mettre un nez rouge de clown. Le siècle s’y connaît»). Pas tendre mais pas méchant Jean-Marie Laclavetine a été plutôt surpris par les réactions suscitées par Première ligne. «Je m’attendais à des réactions assez “difficiles” de la part de la critique, parce que je n’ai pas été tendre envers eux», affirme-t-il. «Mais en fait, ils l’ont plutôt bien pris, en général, avec plus d’humour que je n’escomptais. Il est vrai que j’ai quand même eu deux ou trois critiques très méchantes, mais je dirais que c’est de bonne guerre», ajoute-t-il dans un sourire. Et d’insister sur l’absence de méchanceté dans son roman. «Mon livre n’a pas été écrit contre un milieu ou contre des personnes précises», précise-t-il. «Mais je ne voulais pas non plus être diplomatique. Je voulais simplement me sentir libre de rire de tout, sans contraintes. De raconter librement des travers de certaines personnes ou de certaines fonctions». Quant au ton ironique qu’il emploie, «c’est mon tempérament, dit-il, et puis le sujet s’y prête, tout comme les gens du métier». La Première ligne , c’est plusieurs choses à la fois. C’est d’abord la clé qui permet d’entrer dans les romans. «J’attache beaucoup d’importance aux premières phrases», note l’auteur. «La plupart du temps, le livre entier (la tonalité, l’histoire) est compris dans ces phrases». Mais la Première ligne , c’est aussi cette idée de hantise. Comme pour le premier verre, chez les alcooliques. Ce premier verre qui un jour a été bu et qui a déclenché une catastrophe. «C’est aussi le premier verre qu’on reprendra un jour et qui nous guette, parce qu’on n’est jamais guéri», ajoute Laclavetine. Enfin et surtout, Première ligne signifie combat. «On dit bien monter en première ligne», explique-t-il. «Dans ce roman, tous les personnages se battent sans arrêt. Avec eux-mêmes, avec l’écriture, avec l’éditeur». En ce qui concerne l’avenir du livre en général, Jean-Marie Laclavetine est «plutôt optimiste. Le livre en tant qu’objet disparaîtra peut-être, et peut-être même rapidement», dit-il, «car les technologies évoluent à une vitesse telle qu’on peut supposer que le support-papier sera dépassé d’ici 10 ou 15 ans, le temps que tout le monde s’adapte. Mais dans le fond», ajoute-t-il, «je crois que cela n’est pas très important. Je fais confiance aux amoureux de la littérature pour s’adapter à tout. Je pense qu’on ne pourra jamais se passer de littérature, donc peu importe la forme qu’elle prendra», poursuit-il. «Elle sera toujours là comme une force vivante. Même si elle connaît des difficultés, même si elle se retranche actuellement dans des foyers de plus en plus restreints, ces foyers-là sont toujours incandescents».
Écrivain, traducteur d’italien et membre du comité de lecture des éditions Gallimard depuis dix ans, Jean-Marie Laclavetine est né à Bordeaux en 1954. Depuis 1981, il a écrit 16 romans, essais et nouvelles, et reçu de nombreux prix littéraires. Paru en août dernier, son dernier roman «Première ligne» est à son tour en bonne position sur les listes des prix de cette...