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Actualités - OPINION

Tribune Le recours à la société civile

Au fur et à mesure que les échéances internes et surtout régionales s’accumulent, la vie politique perd de sa substance et se vide de contenu. Tel est l’étonnant paradoxe que le Liban vit aujourd’hui. Tout autour, l’agitation est à son comble : la Syrie met de l’ordre dans ses affaires intérieures, comme en témoignent les récents incidents de Lattaquié, les Palestiniens du Refus reprennent langue avec Arafat, Barak fait intervenir les Turcs pour relancer la négociation, le roi Abdallah accélère ses efforts de médiation, Kadhafi tente de réintégrer, au prix d’importantes concessions, les rangs de la communauté internationale, Bouteflika – qui vient d’amorcer un processus de réconciliation nationale – rencontre les Israéliens en Espagne, etc. Pendant ce temps, nos hommes politiques sont ailleurs. Ils ont d’autres priorités et d’autres centres d’intérêt. À commencer par la pluie qui a permis aux opposants et aux loyalistes de s’affronter sur un nouveau registre, tout à fait inédit, celui des égouts de la capitale. Une fois ce sujet épuisé, ils auront tout le loisir de revenir au thème du découpage électoral qui donne lieu à d’âpres discussions basées, pour l’essentiel, sur des rumeurs dont l’origine n’est jamais précisée, ou au projet de levée de l’immunité parlementaire de M. Habib Hakim, ou aussi à la répartition des fréquences entre les stations de télévision, ou encore au projet de loi sur la décentralisation administrative, etc. La situation a quelque chose d’irréel. Il n’y a plus de lien entre la réalité politique et les priorités définies par nos représentants loyalistes et opposants. Toutes les querelles en cours ne portent que sur des questions de détail concernant la gestion des affaires publiques. À aucun moment, les problèmes fondamentaux dans lesquels le pays se débat ne semble affleurer à la conscience de nos hommes politiques. Est-ce parce qu’ils estiment ne rien pouvoir faire, les grandes décisions relevant de la Syrie ? Ou bien y a-t-il, plus simplement, une perte de contact avec le réel – au sens clinique du terme –, les adversaires n’étant plus intéressés chacun que par la «réalité» de l’autre, à tel point que la réalité objective ne sert plus que de toile de fond à leurs querelles ? Cette réduction de la vie politique à un échange continu de coups ne laisse aucune place au débat politique. L’avenir du pays ne semble intéresser personne. À quelques rares exceptions, la classe politique semble s’être résignée, pour parodier Marx, à «ne se poser que les problèmes qu’elle peut résoudre», en l’occurrence pas grand-chose. Faut-il pour autant accepter cet état de fait, ou bien faut-il rechercher les moyens de sortir de cette apesanteur dans laquelle baigne la vie politique ? Et dans ce cas, quelles sont les forces qui pourraient pallier la carence de la société politique et prendre l’initiative de lancer un véritable débat national sur les questions concernant l’avenir du pays ? Dans l’état actuel des choses, le recours aux institutions de la société civile apparaît indispensable. Les universités, la presse, les associations culturelles, sociales et écologiques, les syndicats et les ordres professionnels doivent assumer leurs responsabilités. Il ne s’agit pas de les engager dans les dédales de la politique, mais de les appeler à prendre position sur les questions nationales dont dépend aujourd’hui l’avenir. La démission de la classe politique ne doit plus servir à justifier l’impuissance de la société civile. Car en l’absence de réaction, le Liban, dans les valeurs qu’il représente, risque de disparaître, victime d’une rupture de l’Histoire.
Au fur et à mesure que les échéances internes et surtout régionales s’accumulent, la vie politique perd de sa substance et se vide de contenu. Tel est l’étonnant paradoxe que le Liban vit aujourd’hui. Tout autour, l’agitation est à son comble : la Syrie met de l’ordre dans ses affaires intérieures, comme en témoignent les récents incidents de Lattaquié, les...