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Actualités - INTERVIEWS

Exclusif - Le Liban, ma seconde partie, confié à l'Orient Le Jour l'ancien patron du Quai d'Orsay H. De Charette : s'il y a un retrait unilatéral du Sud, chacun devra assumer toutes ses responsabilités (photo)

Ce sont des dirigeants soucieux et même inquiets, qu’a rencontrés ces derniers jours, à Beyrouth et à Damas, l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hervé de Charette. «C’est comme si l’horizon paraissait bouché», a-t-il indiqué à propos de l’évolution du processus de paix au Proche-Orient, dans un entretien accordé au rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour Issa Goraieb ; il a précisé que Libanais et Syriens s’interrogent actuellement, à juste titre, sur les intentions exactes d’Israël. M. de Charette a fait part de la «profonde détermination» du président Assad de Syrie à récupérer l’intégralité du Golan occupé, voyant dans une telle issue «une des clés de tout règlement». En ce qui concerne le Liban, qu’il a décliné comme «sa seconde patrie», l’ancien patron du Quai d’Orsay a évoqué «les responsabilités» que devront prendre les diverses parties concernées, dans l’éventualité d’un retrait unilatéral israélien du Sud de notre pays. C’est en la résidence de son hôte et ami personnel, l’homme d’affaires libanais Fayez Jabado, sise à Jnah, que l’ancien ministre français s’est prêté mardi soir, avec la plus grande courtoisie mais avec une prudente réserve, aux questions de L’Orient-Le Jour. M. de Charette insiste d’ailleurs pour qualifier sa visite de «privée» bien qu’il ait eu des entretiens avec plus d’un haut responsable libanais, avant d’être reçu lundi à Damas par le président syrien Hafez el-Assad : tout cela à la veille d’une tournée dans la région de l’actuel chef de la diplomatie française, M. Hubert Védrine. Cette coïncidence n’en est pas une pour M. de Charette qui se défend, une fois de plus, d’accomplir une quelconque mission : «Je suis venu ici en visite privée, souligne-t-il, et je me suis rendu en Syrie où le président Assad a bien voulu me recevoir ; je lui ai fait part d’un message oral du président Jacques Chirac, et nous avons procédé à un échange de vues sur la situation dans la région». «Comme vous le savez, explique cet homme politique issu des rangs de l’UDF, je suis proche du président de la République et par ailleurs, j’ai beaucoup travaillé avec le président Assad ; cela me donne une certaine liberté d’appréciation et, le cas échéant, une certaine liberté de ton : ce que je perds du côté de la responsabilité, je le gagne du côté de la liberté». De fait, M. de Charette a «beaucoup travaillé» avec les responsables de la région, puisqu’on lui doit en quelque sorte le comité international de surveillance du cessez-le-feu au Liban-Sud, mis sur pied au lendemain de la sanglante opération Raisins de la Colère menée en 1996 par Israël contre notre pays, et qui fut marquée par la tuerie de Cana. Opérant une fiévreuse navette entre Beyrouth, Jérusalem et Damas, M. de Charette avait essuyé maintes rebuffades du côté israélien, et même inspiré des commentaires peu amènes au secrétaire d’État américain de l’époque Warren Christopher, qui l’avait pratiquement accusé de le gêner dans ses propres démarches auprès des divers gouvernements concernés. Mais l’opiniâtreté française s’est finalement avérée payante et les États-Unis ont dû se résigner à partager avec la France la présidence de ce comité qui groupe, en outre, le Liban, Israël et la Syrie. Entre pessimisme et espoirs Trois ans après cependant, le «cessez-le-feu» au Liban-Sud ne reste-t-il pas une vue de l’esprit ; et ledit Comité n’aurait-il donc d’autre fonction en définitive que de compter les coups que se portent sans répit le Hezbollah et l’État hébreu ? – «Absolument pas, de l’avis général ce comité fonctionne bien et il a permis de régler de nombreux problèmes. Ce que nous avions proposé à l’époque, et qui a été accepté, ne représentait pas en effet une solution définitive et exhaustive à la question du Liban-Sud ; chacun avait bien conscience qu’il s’agissait d’une initiative de nature temporaire». Pense-il que la solution, la vraie, est proche ? Croit-il à l’engagement d’Israël de retirer ses troupes du Liban-Sud en juillet de l’an 2000 ? Et quels scénarios pourrait-on imaginer dans l’éventualité d’un retrait unilatéral, c’est-à-dire opéré sans accord préalable avec la Syrie ? – «Nous n’en sommes pas encore à imaginer des scénarios, mais à essayer de bien prendre la dimension des espoirs. La période qui a suivi l’élection d’Ehud Barak a été marquée par de grands espoirs, et je vous rappelle que le président Assad a fait des déclarations jugées positives, et même élogieuses, par l’opinion internationale. Aujourd’hui, je crois qu’il existe un pessimisme assez sombre, somme si l’horizon paraissait bouché, mais je pense qu’il faut se méfier de tout pessimisme excessif. Si le volet syro-libanais de la négociation de paix est aujourd’hui en difficulté, c’est parce que Beyrouth et Damas s ’interrogent sur la portée exacte des intentions israéliennes. Je pense donc que la première chose à faire est de clarifier et les positions et les propositions ; je n’en demeure pas moins convaincu que le processus de paix est à nouveau possible et ouvert, à condition que chacun y mette du sien». À ce sujet, M. de Charette signale que le président Assad lui a exprimé «sa profonde détermination» à obtenir la restitution de la totalité des territoires syriens occupés du Golan : «Ce point est très important, ajoute-t-il en souscrivant au caractère légitime des revendications syriennes, et c’est là une des clés de tout règlement de paix». L’ancien chef de la diplomatie française a-t-il pu constater, à Damas comme à Beyrouth, des inquiétudes quant aux menaces que pourrait receler un retrait unilatéral israélien du Liban-Sud ? – «Mais enfin, ce n’est pas une menace que d’appliquer la résolution 425 du Conseil de sécurité de l’Onu», répond-il dans un premier temps ; mais le ministre ne tarde pas à admettre la nécessité d’un «environnement favorable» préalablement à tout retrait, en raison des «grands risques d’instabilité dans la région» que comporterait un tel retrait.. Quant aux échéances internes qu’implique un éventuel retrait unilatéral, la plus délicate étant la position future du Hezbollah, M. de Charette commence là aussi par soutenir que «c’est une affaire libanaise» ; mais à l’évocation des prolongements extra-libanais de l’affaire, le jugement se fait plus nuancé : «La situation doit être considérée par l’ensemble des parties ; quand ce cas se présentera, chacun devra prendre la totalité de ses responsabilités …». A-t-il trouvé les dirigeants libanais conscients de la gravité de ces échéances et des responsabilités qui en découlent ? «Bien évidemment», répond-il, soulignant par ailleurs le vœu de tous les amis du Liban «de voir ce pays s’épanouir et se développer dans un climat de confiance». À ce propos, l’ancien chef du Quai d’Orsay se dit «sidéré» par les changements intervenus, en l’espace de quelques années, dans la ville de Beyrouth où ont pratiquement disparu toutes les cicatrices de la guerre ; et il tient à souligner que de ce voyage qu’il accomplit, «l’essentiel est le plaisir que j’ai à me retrouver au Liban, pays qui est pour moi une seconde patrie». Pour ce qui est enfin de l’offre, formulée il y a trois ans par la France, de participer à une éventuelle force de maintien de la paix à la frontière libano-israélienne, M. de Charette affirme que cette disponibilité française n’a pas varié d’un iota, «pour autant qu’un tel dispositif soit nécessaire et que les parties concernées y donnent leur accord». Quant aux réticences des États-Unis face aux initiatives européennes dans leur chasse gardée proche-orientale, sa réponse fuse : «Croyez-moi, il n’y aura pas d’aboutissement du processus de paix sans le concours de l’Europe». Concours surtout financier, comme le souhaite sans doute Washington ?. «Certes pas mais à partir du moment où la paix sera là, il serait très important que l’Europe s’organise pour soutenir l’effort de développement de la région».
Ce sont des dirigeants soucieux et même inquiets, qu’a rencontrés ces derniers jours, à Beyrouth et à Damas, l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hervé de Charette. «C’est comme si l’horizon paraissait bouché», a-t-il indiqué à propos de l’évolution du processus de paix au Proche-Orient, dans un entretien accordé au rédacteur en chef de...