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Actualités - REPORTAGES

Environnement - Le taux des émissions nocives au Liban, dix fois supérieur aux normes mondiales Du plomb dans l'essence, du poison dans l'air (photos)

Le taux maximal de plomb dans l’air mondialement toléré est de 1,5 microgramme par mètre cube. Au Liban, des estimations montrent qu’il serait au moins de 12 à 14, soit dix fois plus. Selon ces mêmes estimations (aucune étude d’envergure n’a pu être menée jusqu’à présent), le taux d’émissions de gaz nocifs dans l’air, provenant des voitures, est dangereusement élevé. En clair, chaque jour nous respirons du poison sur les routes sans le savoir, ou en le sachant mais sans pouvoir rien y faire. Certaines mesures peuvent être prises rapidement et facilement consistant, par exemple, à réduire graduellement l’utilisation de l’essence renfermant du plomb, imposer l’installation d’un pot catalytique (transformateur de gaz dangereux en gaz inoffensifs) sur les voitures nouvelles ou interdire de circulation les voitures en mauvais état. L’État, jusqu’à présent, n’a rien fait ! Dans les pays qui ont adopté des législations et des mesures visant à réduire l’utilisation de l’essence sans plomb en vue de son interdiction, et pour imposer le pot catalytique aux voitures, le taux de plomb et de gaz toxiques dans l’air a été réduit dans une proportion de 90 à 95 %. Farid Chaabane, professeur en génie à l’AUB et chercheur en pollution atmosphérique et auditive, se réfère à une étude menée à Harvard selon laquelle «le niveau de plomb dans l’essence a baissé mondialement dans une proportion de 75 %, de 1975 à 1994, ce qui veut dire que la plupart des pays ont adopté des mesures pour encourager la consommation de l’essence sans plomb». Le Liban est loin d’être en avance dans ce domaine. Et pourtant, le problème, notamment dans le Grand-Beyrouth, est de taille. «Malgré l’absence d’études précises, il est aisé de constater que nous avons un véritable problème de pollution de l’air dans la capitale», constate Naji Kodeih, ingénieur expert au ministère de l’Environnement. «D’une part, le nombre de voitures est très important par rapport aux distances parcourues. Leur qualité et leur âge ne les aident pas beaucoup non plus, la moyenne d’âge étant de 13 ou 14 ans. D’autre part, la grande densité de bâtiments rend l’aération difficile dans la ville. Ensuite, certaines caractéristiques topographiques, géographiques et climatiques, comme l’étroitesse du littoral par rapport aux montagnes, les chocs de températures et le taux d’humidité, créent un climat propice au développement de la pollution». Le plomb est, on l’a vu, l’une des substances polluantes. Pourquoi est-il nocif ? «Le plomb agit sur tout le corps humain, surtout sur les systèmes nerveux et reproductifs, le foie, les reins et le cerveau», explique Georges Asmar, expert. «Des études effectuées au Canada et en Californie ont prouvé que 20 % du plomb respiré restent dans le sang. C’est un poison répandu dans l’air et qu’on peut, pourtant, très facilement supprimer». Un microgramme de plomb pour 6 points de QI M. Chaabane ajoute : «Le plomb dans l’air influe considérablement sur le développement de l’intelligence chez les enfants. L’étude précitée menée à Harvard, montre que pour chaque microgramme supplémentaire par décilitre de sang, le quotient intellectuel de l’enfant baisse de six points». Quant aux autres substances polluantes, elles sont en grande partie réduites par le pot catalytique. «Les substances polluantes, comme l’oxyde de nitrogène (NOx), le monoxyde de carbone (CO) et les hydrocarbures (HC) proviennent d’une combustion incomplète», précise Ghaleb Ali Ahmad, expert. «Le pot catalytique est un appareil qui permet d’obtenir une combustion complète, donc de réduire de 90 % les émissions nocives en transformant le CO en CO2 (gaz carbonique), et le HC en CO2 ou vapeur d’eau». Mais pourquoi le plomb existe-t-il dans l’essence et peut-il être remplacé ? «Le plomb a été ajouté à l’essence quand les moteurs sont devenus plus puissants», explique M. Ali Ahmad. «C’était la façon la moins chère d’obtenir une plus grande combustion. Mais quand les compagnies se sont aperçues que la matière était nocive, elles ont développé des types d’essence presque aussi performants que l’essence avec plomb. Pour l’instant, l’essence sans plomb existe dans les versions à 92 et 95 de teneur d’octane». Selon M. Chaabane, «le plomb a été ajouté à l’essence pour que les soupapes soient mieux synchronisées. Toute voiture peut être équipée d’un pot catalytique même si cela nécessite un petit réajustement quand les soupapes sont un peu déstabilisées, ce qui ne présente aucun danger ni aucune difficulté». Il s’inscrit en faux contre la thèse selon laquelle les voitures non munies de pots catalytiques ne peuvent rouler avec de l’essence sans plomb. «Toutes les voitures peuvent consommer ce genre d’essence», dit-il. «Par contre, l’inverse n’est pas vrai. Les voitures munies d’un pot catalytique ne peuvent fonctionner si l’essence contient du plomb. Ce dernier adhère à la paroi de platine de l’appareil et finit par la boucher». Mais tout le monde ne partage pas son avis. «Il n’est pas conseillé d’utiliser de l’essence sans plomb sans pot catalytique parce que la voiture dégagera plus d’hydrocarbure, une substance dangereuse», affirme M. Kodeih. Motiver par le facteur économique Quoi qu’il en soit, le pot catalytique n’est aujourd’hui pas facile (sinon impossible) à trouver au Liban. En principe, les voitures importées d’Europe et des États Unis devraient en être munies. M. Asmar dénonce la pratique consistant à démonter cet appareil à l’arrivée de la voiture au Liban. «Sous prétexte qu’il réduit la puissance de la voiture, on conseille au client de s’en débarrasser», dit-il. «Bien sûr, si celui-ci ravitaille sa voiture en essence avec plomb, le pot catalytique se bouche et la voiture se dérègle. Il faut non seulement garder le pot catalytique, s’il y en a un, mais l’imposer dorénavant». Il faut préciser que même les voitures nouvelles importées arrivent le plus souvent sans pot catalytique, celui-ci coûtant cher. S’il faut du temps et un dispositif spécial de surveillance pour rendre obligatoire l’installation du pot catalytique, en revanche l’opération visant à réduire le plomb dans l’air peut être entamée tout de suite. Cela ne peut se faire, cependant, sans l’adoption par le gouvernement d’une stratégie et d’une politique adéquates, selon M. Kodeih. «C’est un domaine qui concerne plusieurs ministères», dit-il. «Il faut prendre des mesures qui se complètent afin que chaque ministère assume ses responsabilités. Ensuite, c’est le gouvernement qui doit prendre de telles décisions, car il est le seul à pouvoir avoir une conception globale des intérêts du pays». M. Kodeih est d’ailleurs l’un des auteurs d’une étude au ministère de l’Environnement pour la lutte contre la pollution atmosphérique. Une partie de cette étude porte sur le trafic. M. Kodeih propose une mesure qui fait l’unanimité des experts interrogés : réduire le prix de l’essence sans plomb par rapport aux autres types d’essence, afin de motiver les automobilistes à l’employer. «Si on explique aux gens que l’essence sans plomb est meilleure pour leur santé et qu’ils peuvent, en plus, faire des économies en l’utilisant, ils seront facilement convaincus», dit M. Ali Ahmad. «Si la proportion actuelle de 15 % d’automobilistes qui roulent sans plomb augmente de façon significative, on se dirigera vers une interdiction de l’essence avec plomb. Cette opération ne coûtera rien à l’État». M. Chaabane fait état de contacts établis entre les chercheurs, les écologistes et les responsables, sans résultats. «Quand le projet de budget pour 1999 a été mis au point, nous nous attendions à ce que les augmentations du prix de l’essence privilégient l’essence sans plomb par rapport au reste», précise-t-il. «Mais nous avons constaté que tous nos conseils n’avaient servi à rien. L’augmentation a été de 2000 livres pour tous les types d’essence». Il faut mentionner aussi les voitures qui fument et que les forces de l’ordre pourraient facilement repérer et arrêter. Certains véhicules âgés brûlent de l’huile, ce qui est très polluant. On peut également mentionner le fuel, extrêmement polluant, utilisé pour les bus, les camions et les véhicules des forces de l’ordre, et dont la fumée noire empeste l’atmosphère. Cet air vicié, nous le respirons tous, y compris les dirigeants du pays. Ne vaut-il pas la peine de commencer à prendre les mesures les plus urgentes afin de lutter contre ce véritable fléau ? Entre-temps, chacun pourrait commencer par changer ses habitudes.
Le taux maximal de plomb dans l’air mondialement toléré est de 1,5 microgramme par mètre cube. Au Liban, des estimations montrent qu’il serait au moins de 12 à 14, soit dix fois plus. Selon ces mêmes estimations (aucune étude d’envergure n’a pu être menée jusqu’à présent), le taux d’émissions de gaz nocifs dans l’air, provenant des voitures, est dangereusement...