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Actualités - REPORTAGES

Société - Dislocation du noyau familial, enfants abandonnés, pauvreté Quand les parents démissionnent, les orphelinats prennent le relais(photos)

Dislocation du noyau familial, divorce, pauvreté, relations illégitimes… Autant de facteurs qui font que chaque année un nombre croissant d’enfants orphelins ou délaissés est recueilli dans des institutions charitables. Comment vivent ces enfants victimes d’une société en crise ? Quelles sont les principales institutions et associations qui les encadrent et les prennent en charge ? De quelle manière et dans quelles conditions cette mission est-elle assumée par les responsables des orphelinats ou des associations qui s’occupent des enfants délaissés ? Autant de questions auxquelles nous avons tenté d’apporter quelques éléments de réponse dans le cadre de l’enquête menée sur ce plan. Au couvent Saydet el-Nour à Faytroun, le calme et l’ordre règnent. C’est pendant la guerre que l’orphelinat a été ouvert, plus précisément en 1979, période durant laquelle les religieuses accueillaient des déplacés. Une trentaine de filles, ayant entre 5 et 17 ans, vivent aujourd’hui dans ce couvent. Les unes sont orphelines, les autres ont des problèmes familiaux (parents séparés ou divorcés, père grièvement blessé pendant la guerre, mère hystérique…). Ces filles, parmi lesquelles s’est instauré un véritable esprit de famille, font leurs études dans une école officielle proche du couvent. Une fois le brevet complémentaire acquis, elles quittent l’orphelinat et choisissent une formation technique, tout en restant sous la tutelle de l’institut. «L’Association des sœurs de Nazareth assure tous les frais ; des personnes de charité nous secondent, de sorte que les parents et les proches des enfants ne paient rien en échange des services que nous leur offrons», signale sœur Hélène, directrice de l’orphelinat. Ces filles retournent chez elles un week-end sur deux et quittent le couvent durant les vacances d’été. «Quelques-unes affirment être plus heureuses au couvent où elles jouissent de sécurité et de chaleur humaine. Ne désirant pas être confrontées à leurs problèmes familiaux , elles demandent à rester chez nous, même en fin de semaine», affirme-t-elle. À l’orphelinat Saint-Vincent de Paul d’Achrafieh, le nombre d’enfants accueillis se limite actuellement à 30. Il était par le passé beaucoup plus élevé. Tout a commencé dans cet orphelinat le matin du 8 septembre 1948, quand quatre religieuses françaises de Saint-Vincent-de-Paul, venues en mission au Liban, trouvèrent un nourrisson placé sur une poutre de bois devant la petite fondation des Filles de la Charité dans le centre-ville. Les religieuses prirent ce nouveau-né en charge, et comme c’était une fille, elles l’appelèrent «Cécile la Poutre». Saint-Vincent-de-Paul est alors devenu, depuis, un asile pour tout enfant orphelin ou abandonné. «Filles et garçons font chez nous l’école maternelle et sont ensuite transférés à une autre institution charitable», souligne sœur Joseph, directrice de l’orphelinat. «Ces enfants ne sont pas tous orphelins. Les uns sont issus de familles nécessiteuses, d’autres ont des parents séparés ou divorcés, d’autres encore ont leur père ou leur mère décédé, et ceux-là sont tous pris en charge par l’Office du développement social», a-t-elle précisé. L’Orphelinat islamique L’Orphelinat islamique est sans doute le plus grand au Liban. Cet institut ainsi que la fondation Saint-Vincent-de-Paul sont les seuls orphelinats légalement reconnus dans le pays. Trente-deux branches établies dans plusieurs régions relèvent de cet institut humanitaire. Ce dernier a commencé à assurer les premiers services sociaux après la Première Guerre mondiale qui a engendré maints problèmes physiques, psychiques et sociaux. Dans leur centre principal à Barbir, 1 800 garçons et filles, âgés de 5 à 18 ans, sont répartis dans 6 bâtiments. L’orphelinat est mixte jusqu’à l’âge de 9 ans, mais les dortoirs sont séparés. «Nous recueillons toute personne nécessiteuse, peu importe sa nationalité», affirme Mlle Wafa’ el-Baba, directrice-adjointe de l’orphelinat. Selon les chiffres de l’année dernière, il y a dans cet orphelinat 310 Palestiniens, 125 Syriens, 26 Égyptiens, 18 Turcs, 6 Jordaniens, 2 Somaliens, 1 Libyen, 1 Pakistanais, ainsi que des Maghrébins et des Irakiens. Le financement de l’institution est à 35 % assuré par le ministère des Affaires sociales; le reste est couvert par les dons de bienfaiteurs libanais et de quelques étrangers. «Les enfants, bien habillés, bien coiffés et toujours propres sont envoyés en autocar dans des écoles officielles. Deux centres techniques, bâtis à l’orphelinat même, permettent aux filles de suivre des cours de formation professionnelle dans les domaines de la coiffure, de la couture, en sus du métier de jardinière d’enfants… Quant aux garçons, ils suivent une formation en céramique, menuiserie, forgeage, électricité…», explique Mlle el-Baba. Et d’ajouter: «Chaque vendredi, les orphelins sont emmenés au «palais des enfants», qui est un centre dépendant de notre institution. Une bibliothèque, des clubs de dessin, de lecture, de cinéma et de théâtre permettent à chacun d’y trouver son compte. Nous leur organisons également des sorties et des excursions, car il est indispensable que l’enfant se déplace, qu’il change de cadre, marche dans la rue et rencontre des gens; sinon il se sentirait enfermé dans une prison et tenterait de s’enfuir». À 18 ans, les garçons, ayant acquis un savoir-faire manuel leur permettant de s’insérer dans le monde du travail, quittent l’orphelinat pour aller vivre dans un foyer loué par l’institut. Quant aux filles, elles continuent à vivre à l’orphelinat jusqu’à ce qu’elles se marient. «Plus de 40 orphelines se sont déjà mariées dans notre fondation. Le prétendant se présente au centre avec ses parents et demande la fille qu’il aime en mariage. Comme tous les parents, on essaie de s’informer autant que possible sur sa famille, son milieu, son travail… Le consentement de la fille est nécessaire», affirme Mlle el-Baba, en ajoutant que la direction de l’orphelinat offre à la fiancée le trousseau complet, la chambre à coucher etc. Échec scolaire Le directeur de l’orphelinat Saint-Charbel de Harissa, le père Augustin Azar (également enseignant de psychologie à l’Université Saint-Esprit de Kaslik), fournit, quant à lui, les précisions suivantes: «Durant la guerre, on accueillait plus de 400 garçons chaque année. Actuellement, ils ne sont que 150, dont l’âge varie entre 4 et 14 ans». Cet institut social est composé d’une école primaire gratuite, d’une école technique et d’un orphelinat. L’ODS (Office du développement social) assure le financement, et la participation des responsables de ces enfants reste symbolique. L’école technique a été conçue à l’orphelinat afin de recueillir ceux qui ont du mal à trouver leur place à l’école, puisque, selon le père Augustin, la plupart des enfants ont un retard scolaire grave. «La majorité de ces garçons redouble, voire triple plusieurs classes. À l’âge de 15, 16 ou même 17 ans, ils sont encore en école primaire !», dit-il, en ajoutant que l’éclatement de la famille et le bouleversement psychologique que vit l’enfant sont le plus souvent à la base de cet échec scolaire. «Si les problèmes psychologiques difficiles dont souffrent ces garçons se développent et nourrissent en eux la violence envers la société, sont-ils alors condamnés à devenir des adultes agressifs et antisociaux ?», s’interroge le père Augustin qui souligne que cela ne lui paraît pas inéluctable, à en juger par ses observations et ses contacts directs avec ces garçons en difficulté. «Une bonne éducation, répondant à l’ensemble des besoins de l’enfant, oriente et transforme considérablement la situation dans laquelle il se trouvait quand ses parents l’avaient abandonné durant ses premières années, affirme-t-il. Une telle éducation s’applique de différentes manières, afin de répondre aux besoins d’affection, de sécurité, d’autorité et d’affirmation de soi, ainsi qu’au besoin de communication, autant de facteurs qui sont indispensables à l’équilibre psycho-social de l’enfant en crise». À la Maison de la Providence des sœurs arméniennes de Bzommar, sœur Isabelle souligne de son côté: «Nos filles souffrent de certains handicaps qui sont à la base de leur échec scolaire». Sur le plan sociologique, ces filles sont issues en majorité d’un milieu social défavorisé, ce qui infléchit leurs résultats scolaires. D’autre part, cet échec est, sur le plan psychologique, le signe d’un profond malaise au niveau de leur personnalité, lié au degré de stabilité et au manque de sécurité affective dans leur foyer. «Bien qu’elles soient bien entourées ici, les orphelines et les filles ayant des problèmes sociaux se livrent très souvent à l’introspection», souligne sœur Isabelle. «Certaines d’entre elles ont un foyer horrible (saletés, cafards, odeurs nauséabondes…), et pourtant, celui-là reste leur «chez-soi», leur port d’attache. Une mère ou un père, même pervers, ne peuvent être remplacés par quiconque», précise-t-elle. Les différents cas sociaux rencontrés mettent en évidence l’importance de l’apport et du rôle des personnes et des institutions qui prennent en charge ces enfants, héritiers innocents des erreurs ou de la malchance de leurs parents.
Dislocation du noyau familial, divorce, pauvreté, relations illégitimes… Autant de facteurs qui font que chaque année un nombre croissant d’enfants orphelins ou délaissés est recueilli dans des institutions charitables. Comment vivent ces enfants victimes d’une société en crise ? Quelles sont les principales institutions et associations qui les encadrent et les prennent en...