Tribune Enrichissement illicite (suite)

Ca y est ! «Ils» ont donné dans le panneau... «Ils», c’est le pouvoir actuel. Le panneau, c’est le projet lancé par le précédent régime pour détecter et réprimer l’enrichissement illicite. Il y a presque un an (numéro du 4/11/98), je dénonçais ici même le zèle suspect que le régime finissant mettait à promouvoir la prétendue répression de l’enrichissement illicite, rappelant que, depuis l’indépendance, de nombreuses lois ont visé à cela sans aucun résultat, et je précisais que c’était «ajouter une préoccupation de plus pour le pouvoir, qui a déjà tant de dossiers accumulés à l’aube du nouveau sexennat». Or nos gouvernants n’ont trouvé rien de plus urgent que de reprendre le projet légué par leurs prédécesseurs. Pourtant, on nous déclare qu’il y a sur le bureau de la Chambre plus de quarante projets de loi en souffrance qui attendent d’être étudiés et votés. Qu’ils attendent ! C’est l’enrichissement illicite qu’il faut d’abord traquer ! Car il est urgent de commencer par punir les coupables et faire rentrer les milliards (hypothétiques) dans les caisses de l’État. S’est-on d’abord demandé combien de juges vont être affectés à la tâche colossale d’investiguer sur les innombrables dossiers qui leur seraient soumis pour trier ceux des suspects et inculper les présumés coupables ? Déjà, notre appareil judiciaire est surchargé et n’arrive pas à hâter les interminables procès dont il est saisi depuis des années. Faut-il achever de le paralyser en lui renvoyant des piles additionnelles de nouveaux dossiers ? Les lenteurs de la justice sont proverbiales, mais chez nous, après les quinze années de guerre, elles atteignent des records sans précédent. Il serait intéressant de faire un sondage d’opinion pour savoir combien de Libanais croient au sérieux de l’application de la nouvelle loi, ayant déjà l’expérience de si nombreuses tentatives, depuis l’indépendance, pour «faire rendre gorge» aux délinquants. Les efforts du gouvernement pour redresser une situation malsaine héritée ont été unanimement appréciés dès le début. Les Libanais qui lui souhaitent sincèrement le succès seraient navrés de les voir gaspillés dans une voie sans issue.