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Actualités - REPORTAGES

Liban-Syrie - Le ministre syrien des AE transporté d'urgence à Beyrouth Chareh opéré d'une dissection de l'aorte(photos)

«Il est maintenant en salle de réanimation. Son cas s’est avéré moins grave que nous ne le pensions». Le Dr Jaber Sawaya, cardiologue à l’AUH, ôte la tenue stérilisée que portent les médecins dans la salle des opérations. Il est 21h30 et le service de cardiologie de l’hôpital américain de Beyrouth respire : le cœur du ministre syrien des Affaires étrangères Farouk el-Chareh a tenu bon. Pourtant, l’alerte a été rude. Le chef des services de renseignements syriens au Liban, le brigadier Ghazi Kanaan, quitte aussitôt l’hôpital sous bonne escorte, suivi de près par Jamal Khaddam, fils du vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, arrivé dans une impressionnante Mercedes immatriculée au Liban. Tous deux laissent le ministre de la Santé, le Dr Karam Karam, annoncer la bonne nouvelle aux Libanais, alors que l’ancien ministre Michel Samaha s’accorde une petite pause pour fumer une cigarette. Le soulagement est visible sur tous les visages et M. Samaha ne peut s’empêcher de s’écrier : «Cela fait plaisir car cet homme n’a jamais fait de mal à personne». Pourtant, lorsque M. Chareh est arrivé à Beyrouth, son cas semblait très grave. La veille, après avoir participé à la cérémonie d’accueil du président finlandais à Damas, il avait été pris d’un malaise cardiaque. Admis d’urgence à l’hôpital Chami-Attar-Bdeir, il avait subi des premiers examens qui ont montré une dissection de l’aorte. (C’est une rupture de la paroi de l’aorte, généralement considérée comme un cas grave et nécessitant une intervention chirurgicale). Le lendemain (hier), les médecins lui suggèrent de se rendre à Beyrouth et M. Chareh accepte sans discuter. Des contacts sont entrepris avec les parties concernées et c’est accompagné de son épouse, Oum Moudar, et de sa fille, ainsi que de deux médecins que le ministre syrien est transporté à Beyrouth à bord d’une ambulance de l’hôpital Chami-Attar-Bdeir. Il dispose d’une escorte importante de motards et de voitures de sécurité; c’est que, dans son cas, chaque minute compte. L’équipe de cardiologie au grand complet Toutes sirènes hurlantes, le cortège arrive à l’hôpital américain à 16h40. Aussitôt, un sévère cordon de sécurité est dressé autour du bâtiment et les allées et venues y sont sévèrement filtrées. Toute l’équipe de cardiologie de l’hôpital attend le malade au cinquième étage. Il y a d’abord les cardiologues Samir Alam, Jaber Sawaya, Antoine Nasrallah et Walid Gharzeddine, ainsi que les chirurgiens Mounir Obeid, Ibrahim Dagher et Raja Haddad, et bien sûr, la directrice de l’hôpital, le Dr Hajj et le ministre de la Santé Karam Karam. À peine arrivé, M. Chareh reçoit un coup de fil du Dr Bachar el-Assad, qui d’ailleurs sera constamment informé des développements. Le ministre syrien reçoit aussi la visite du président du Conseil Sélim Hoss, qui lui transmet les salutations du chef de l’État et du chef de l’Assemblée, M. Nabih Berry. L’ancien ministre Mohsen Dalloul et son épouse ainsi que M. Michel Samaha sont aussi présents, mais M. Chareh ne peut pas vraiment recevoir ses visiteurs. Il est aussitôt soumis à de nouveaux examens qui confirment le diagnostic fait en Syrie. La situation est grave et M. Chareh doit subir une intervention chirurgicale qui consiste en une résection et une greffe de l’aorte au niveau de la lésion. Informé des détails, M. Chareh donne son accord et il est aussitôt emmené en salle d’opérations pour y être anesthésié. Des unités de sang B+ (son groupe sanguin) sont assurées au cas où le patient en aurait besoin. Il est 18h40 et pour Oum Moudar et ceux qui cherchent à la soutenir dans cette épreuve, la longue attente commence. Les visiteurs ne cessent d’affluer à l’hôpital, mais ils ne peuvent qu’attendre soit devant la salle d’opérations, soit au cinquième étage, dans la suite réservée au ministre. Députés, ministres, officiels, politiciens et officiers syriens, le défilé est permanent et les Mercedes créent un encombrement devant l’entrée de l’AUH. Le ministre de l’Information Anouar el-Khalil croise ainsi Mme Fouad Siniora, dont l’un des parents est hospitalisé. Après une brève conversation, il se dirige à son tour vers le salon d’attente, suivi du ministre des P et T Issam Naaman. Les mines sont graves et seul le député Ismaïl Succarié cherche à minimiser la situation. «Ce n’est rien. Il a une petite artère bouchée», dit-il aux journalistes. Mais le va-et-vient incessant des officiels, ainsi que leur discrétion inaccoutumée laissent supposer le contraire. Oum Moudar très entourée Le Dr Sawaya explique d’ailleurs à L’Orient-Le Jour que le cas est assez sérieux et que tout dépend de l’emplacement de la lésion de l’aorte. Si elle se situe au niveau du cœur, le malade a moins de chances de s’en sortir que si elle se situe au niveau de l’abdomen. Les heures s’étirent, interminables pour Oum Moudar et sa fille, entourées d’attentions par les Libanais. Lorsque le brigadier Ghazi Kanaan accompagné du colonel Rustom (chef des SR syriens à Beyrouth) arrive sur place, il est aussitôt conduit vers l’ascenseur réservé au personnel médical. Ses gardes du corps s’éparpillent autour de l’hôpital qui, en dépit de la fermeture des portes, grouille de monde. À 21h30, MM. Khaddam et Kanaan s’en vont et on comprend que les nouvelles sont bonnes. Quelques minutes plus tard, le Dr Karam, qui avait déjà parlé au président Émile Lahoud et aux autorités syriennes, annonce aux journalistes que l’intervention a été un succès et qu’elle s’est terminée plus tôt que prévu. Il précise qu’il s’agit en fait d’un anévrisme de l’aorte (ce qui est moins grave qu’une dissection). De son côté, le Dr Sawaya explique à L’Orient-Le Jour que l’intervention en est à son stade final et que M. Chareh en a encore pour quelques heures au service de réanimation. Selon lui, il passera la nuit aux soins intensifs et il est probable qu’il ne pourra pas recevoir de visites avant cet après-midi, car il ne sera complètement réveillé que ce matin. «La dissection de l’aorte, dit-il s’est avérée moins grave que prévu, mais l’alerte a été chaude». Cependant, citant «une source libanaise à Amman», l’AFP précise que la lésion est au niveau du cœur «et même si l’opération chirurgicale réussit, il est à craindre que le cerveau soit atteint». Pour l’instant, Oum Moudar et ses compagnons ne veulent pas évoquer cette possibilité. Les médecins libanais affirment que le patient a très bien répondu à l’intervention chirurgicale et que son état général est bon. Il sortira progressivement de l’inconscience, veillé par ses proches. L’homme qui, il y a une semaine, était reçu par le président américain Bill Clinton, devra passer au moins une semaine à l’hôpital et il en a pour un mois de convalescence. Et, avec cette pause forcée, c’est le processus de paix déjà malade qui prend un coup. À moins qu’au contraire la maladie du ministre Chareh ne soit l’occasion pour toutes les parties concernées de mesurer la fragilité de la vie. Déjà, la secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, est entrée depuis hier en contact avec le ministre Karam pour souhaiter un prompt rétablissement à M. Chareh. De même, M. Yasser Arafat a pris de ses nouvelles.
«Il est maintenant en salle de réanimation. Son cas s’est avéré moins grave que nous ne le pensions». Le Dr Jaber Sawaya, cardiologue à l’AUH, ôte la tenue stérilisée que portent les médecins dans la salle des opérations. Il est 21h30 et le service de cardiologie de l’hôpital américain de Beyrouth respire : le cœur du ministre syrien des Affaires étrangères Farouk el-Chareh...