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Actualités - CHRONOLOGIE

Citoyens tranquilles transformés en contribuables irrités Le Grand Sérail : un luxe qui dérange

Louis XIV avait Versailles, Nicolas II résidait au palais d’Hiver et la présidence du Conseil au Liban possède le Grand Sérail. Plus de sept mille personnes ont visité, dans le cadre des journées portes ouvertes, le siège de la présidence du Conseil. Le Grand Sérail figurait sur la liste des monuments à visiter de beaucoup de Libanais. Des citoyens qui, en arrivant sur les lieux, étaient fiers de découvrir un bâtiment qu’on a réussi à préserver. Dommage, beaucoup ont quitté le Grand Sérail amers ou révoltés. De citoyens tranquilles, ils se sont transformés en contribuables irrités. Construit en 1853 par les Ottomans, le Grand Sérail devient, en 1920, le siège des autorités françaises. Avec l’indépendance, il abrite la présidence du Conseil. Il tombe en ruine durant la guerre du Liban. L’ancien Premier ministre Rafic Hariri décide, en 1994, de le restaurer entièrement pour que le Grand Sérail retrouve son faste d’antan. Un faste qui dérange et qui détonne dans un pays qui, depuis plusieurs années, traverse une crise économique. Les brochures distribuées à l’entrée de la présidence du Conseil ne précisent pas le coût de la restauration ou le nom des architectes qui l’ont exécutée. Quelques visiteurs qui arrivent à la cour intérieure remarquent déjà de petits détails : arbres et arbrisseaux situés des deux côtés du portail d’entrée ont été plantés avec symétrie, les portes cloutées ont été minutieusement travaillées… Les touristes d’un jour entament la visite. Pour entrer dans les salles de réception, il faut piétiner des mosaïques. Sont-elles des répliques de mosaïques antiques ou sont-elles authentiques ? En tout cas, plus d’une cinquantaine de lustres qui pendent du plafond et des appliques accrochées aux murs sont en cristal véritable. Des pièces grandioses, massives et gigantesques. Les murs sont décorés d’immenses arabesques de marbre. Comme pour les nymphéas de Claude Monet, il faut s’asseoir pour les contempler. C’est dans ces salles que le chef du gouvernement reçoit les visiteurs de marque, présidents ou ministres étrangers, notamment pour demander des aides à la reconstruction du pays. Choquant et impressionnant La plupart des visiteurs sont choqués par l’étalage de tant de richesse. Un homme s’écrie : «Ils parlent de déficit budgétaire, qu’ils vendent les lustres». Un autre renchérit : «C’est après la restauration du Sérail qu’ils ont pensé à appliquer une politique d’austérité». Quand une responsable des relations publiques de la présidence du Conseil, transformée en guide pour l’occasion, propose de visiter les salles de bains, une femme déclare : «Non, je ne veux pas y aller, je comparerai avec ce que j’ai à la maison et j’en serai dégoûtée». Dans l’aile consacrée aux bureaux de la présidence du Conseil, beaucoup de personnes s’amusent à se mettre dans le fauteuil où le Premier ministre s’installe pour recevoir ses invités. Certains s’attardent devant les tableaux, tous offerts par des peintres libanais, tandis que d’autres auscultent les tissus des rideaux. C’est la salle où siégeait le Conseil des ministres sous le mandat de M. Hariri qui a le plus la cote. Les carafes et les sous-verres en argent, les cendriers en cristal, les serviettes en cuir et les stylos à bille d’une marque renommée sont toujours déposés sur la table des réunions. Il est cependant interdit de toucher aux objets qui y sont exposés. Un visiteur habitant Badaro, où se trouve le nouveau siège du Conseil des ministres, s’exclame : «Ils ont payé les yeux de la tête pour restaurer ce bâtiment, pourquoi veulent-ils tenir leurs réunions à côté de chez moi ?» Les visiteurs du siège de la présidence du Conseil sont presque unanimes. «La restauration du Grand Sérail est impressionnante, mais pourquoi avoir tenu à exhiber tout ce luxe dans un pays comme le nôtre ?», demande-t-ils. Un homme impressionné par la beauté des lieux, et qui a apparemment tout compris, s’écrie : «Ma décision est prise : je veux devenir Premier ministre». Il n’est pas le seul…
Louis XIV avait Versailles, Nicolas II résidait au palais d’Hiver et la présidence du Conseil au Liban possède le Grand Sérail. Plus de sept mille personnes ont visité, dans le cadre des journées portes ouvertes, le siège de la présidence du Conseil. Le Grand Sérail figurait sur la liste des monuments à visiter de beaucoup de Libanais. Des citoyens qui, en arrivant sur les lieux,...