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Actualités - ANALYSE

Enquête - La cellule de Baabda a reçu 7.791 plaintes en neuf mois Servir les citoyens en respectant la loi

Une cellule spéciale au palais présidentiel pour recevoir les plaintes des citoyens ? L’idée semblait au départ inopportune. Comment éviter, en effet, de créer une administration parallèle qui paralyserait encore plus celle déjà existant et surtout, comment empêcher les citoyens d’utiliser ce moyen pour régler des comptes personnels ou tout simplement pour obtenir des pistons ? Faisant fi de ces appréhensions, le chef de l’État Émile Lahoud, véritable parrain de cette cellule, a confié la réalisation de ce projet à une équipe d’une douzaine de personnes avec pour seule instruction : être à l’écoute des citoyens tout en veillant à l’application de la loi. Résultat, en neuf mois d’existence, la cellule a déjà reçu 7 791 plaintes dont 3 928, c’est-à-dire un peu plus de 50 %, ont été déjà réglées. La nouvelle de la création d’une cellule spéciale à Baabda pour recevoir les doléances des citoyens à peine connue, les téléphones, fax et autres adresses e-mail mises à la disposition des plaignants ont été littéralement pris d’assaut. Chacun voulait envoyer son petit message, fier d’avoir un accès direct à la présidence de la République. C’est tantôt un employé ayant des conflits avec son patron, un époux accusant sa femme de tenter de lui enlever leur fils, une femme affirmant recevoir des menaces anonymes, et tantôt des problèmes plus graves menaçant l’environnement, l’intérêt général ou un groupe de citoyens. Face à leurs ordinateurs, fax et téléphones à portée de main, les 12 personnes en charge de la cellule, qui se relaient afin d’assurer une présence permanente, notent inlassablement les cas, en promettant aux requérants de faire de leur mieux pour les aider. Les plaintes personnelles sont irrecevables Les cas sont ensuite triés avec l’aide d’une équipe d’assistance et c’est là que le véritable travail commence : les plaintes trop personnelles sont jugées irrecevables ainsi que celles qui comportent une diffamation ou qui ont pour objectif d’utiliser la présidence pour un intérêt très particulier. Car si le but de la création de cette cellule est d’aider les citoyens, il n’est pas pour autant question de court-circuiter l’administration. Le président Lahoud étant conscient des lenteurs de celle-ci ainsi que de la lourdeur bureaucratique qui y est inhérente, il a simplement voulu par ce moyen accélérer le processus et donner une nouvelle dynamique à des structures souvent sclérosées. Ainsi, au sein de la cellule chargée de recevoir les plaintes, le travail est divisé par ministère et par région géographique. Par exemple, une même personne est chargée du suivi des plaintes concernant le ministère des P et T, une autre du ministère de l’Agriculture, etc. D’autres assurent les liaisons avec les commissariats de telle région en particulier et ainsi de suite. Le plaignant est orienté vers les autorités compétentes pour régler son problème, alors que de son côté, la cellule assure le suivi afin de vérifier que la plainte du citoyen a bel et bien été examinée par les services compétents. Pas d’intervention dans le cours de la justice Il ne faut pourtant pas croire que la cellule peut faire des miracles. Elle s’interdit par exemple d’intervenir dans le cours de la justice. Un avocat qui avait demandé à la cellule de faire pression sur un magistrat en faveur de son client s’est vu ainsi clairement découragé. Par contre, un homme qui a révélé l’importation de bovins atteints de maladie en provenance des États-Unis a provoqué l’ouverture d’une enquête de la part des services compétents. La cellule du palais a ainsi demandé aux autorités de mener des investigations sur le lieu où était entreposé le bétail et de déterminer l’identité de la personne qui avait donné l’autorisation d’importation. Les bovins ont été soumis à des examens en laboratoire et il est effectivement apparu qu’ils étaient atteints de maladies. Des mesures ont été naturellement prises à l’égard des contrevenants, qui, par inconscience ou vénalité, auraient pu causer beaucoup de torts aux consommateurs. D’ailleurs, depuis que cette cellule a commencé à fonctionner, plusieurs personnes ont été emprisonnées, notamment des préposés au service de la mécanique à Ouzaï, contre lesquels de nombreuses plaintes vérifiées pour corruption ont été présentées. La cellule de Baabda a eu aussi à traiter un grave problème à Bécharré, où de nombreux biens domaniaux ont été attribués à des particuliers sur base de titres de propriété falsifiés. Résultat : les responsables ont été arrêtés et les biens rendus à la municipalité. Projets fictifs, immeubles fissurés et eau polluée… À Hesrayel, la cellule a eu à se pencher sur le cas d’une carrière ouverte illégalement et constituant une menace pour les habitants. Les ministères de l’Environnement et de l’Intérieur ont été pressés de mener leur enquête et finalement la carrière a été fermée. Même chose à Miziara et dans d’autres régions du Liban. Autre cas intéressant, celui de cette ferme de poulets exploitée sans licence à proximité du musée d’Alfred Basbous à Rachana. Imaginez donc un peu le musée accueillant ses visiteurs sur fond de monceaux de pattes de poulets jetés, dans un environnement nauséabond. Alertée, la cellule de Baabda a demandé aux autorités compétentes de mener leur enquête et l’exploitation a dû fermer ses portes. À Byakout, la cellule a reçu une plainte des habitants d’un immeuble en train de se fissurer. Paniqués, ils ne savaient à qui s’adresser car ni les architectes ni les autorités ne répondaient à leurs appels. Aujourd’hui, une enquête est en cours, elle devra être rapidement clôturée, la priorité étant d’éviter un drame comme celui de l’effondrement d’un immeuble à Kahalé, il y a quelques mois. La cellule reçoit aussi des plaintes relatives à des établissements scolaires et elle a même eu à se pencher sur un projet fictif, dans le village de Fakeha, qui aurait dû coûter 900 millions de livres… À l’actif de la cellule aussi, de nombreuses interventions auprès du ministère du Travail afin qu’il effectue des médiations entre des patrons et des employés licenciés abusivement. Bref, des requêtes variées qui parviennent par dizaines chaque jour et à chaque fois, les interlocuteurs des plaignants notent scrupuleusement les cas, tentent de calmer les plus émus, sans jamais promettre monts et merveilles, car ils ne peuvent se prononcer avant de demander l’ouverture d’une enquête et d’en attendre les résultats. Le plus souvent d’ailleurs, les requérants sont poussés à présenter eux-mêmes leur plainte devant les autorités concernées qu’il s’agisse du commissariat le plus proche ou d’un département au sein d’un ministère, avec toutefois une promesse d’agir au cas où la plainte n’est pas prise en considération. En parallèle, la cellule de Baabda contacte à son tour les services pour le suivi de l’enquête. C’est d’ailleurs ce qui avait provoqué un tollé au sein des ministères lorsque la cellule a commencé à fonctionner. Les fonctionnaires grognaient, affirmant qu’ils étaient débordés par les plaintes reçues par Baabda et que leur travail s’en ressentait. L’initiative présidentielle était ainsi perçue comme un abus de pouvoir et un non-respect du fonctionnement de l’administration. Mais, très vite, les mécontents ont compris que s’ils effectuaient plus sérieusement leur travail, une telle cellule n’aurait pas eu de raison d’être. Finalement, en dépit de quelques grincements de dents et de certains débordements de la part des citoyens, la cellule de Baabda a trouvé son rythme de croisière. En neuf mois, elle a déjà reçu 7 791 plaintes, couvrant tous les domaines et l’ensemble du territoire libanais, puisque des messages proviennent même des villages occupés, comme cette plainte des habitants de Rmeich qui craignent que leur eau ne soit polluée. Certaines requêtes sont rapidement résolues par un simple coup de téléphone, d’autres sont jugées irrecevables et d’autres enfin nécessitent l’ouverture d’enquêtes. Ainsi 3 928 plaintes ont été réglées, soit un peu plus de 50 %, alors que 3 863 sont sous étude. Le retard dans leur règlement est le plus souvent dû à leur complexité et au respect des procédures légales. Mais les citoyens savent désormais que celui qui est dans son droit obtiendra finalement gain de cause. L’idéal serait toutefois qu’une telle cellule soit créée dans chaque ministère, c’est d’ailleurs le projet du président. Mais il faut attendre pour le concrétiser que l’administration soit assainie et modernisée. Un jour, peut-être ?
Une cellule spéciale au palais présidentiel pour recevoir les plaintes des citoyens ? L’idée semblait au départ inopportune. Comment éviter, en effet, de créer une administration parallèle qui paralyserait encore plus celle déjà existant et surtout, comment empêcher les citoyens d’utiliser ce moyen pour régler des comptes personnels ou tout simplement pour obtenir des...