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Actualités - REPORTAGES

Enquête - Sur les traces de l'activiste accusé de nombreux attentats Le mystère moghnié, l'homme dont Albright aurait réclamé l'arrestation(photos)

Imad Moghnié, l’homme qui a fait récemment l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la cour suprême argentine, a 41 ans à peine. Ce nouveau Carlos, diabolisé à l’extrême par les médias occidentaux qui l’accusent d’avoir participé à l’enlèvement d’otages occidentaux au Liban dans les années 80 ainsi que d’avoir planifié des détournements d’avions et l’attentat contre le siège de l’ambassade américaine à Beyrouth, cultive le mystère. Dès qu’on prononce son nom, les visages se figent et les bouches se ferment. D’aucuns laissent entendre à mots couverts qu’il serait mort, d’autres qu’il se cache dans une banlieue de Téhéran, et le Hezbollah, auquel il appartiendrait, se contente de nier les accusations portées contre lui. Qui est donc cet homme mystérieux qui, selon certaines sources, ferait partie des personnes dont la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright aurait demandé l’arrestation au cours de ses entretiens avec le président du Conseil Sélim Hoss ? C’est à Tayr Debba, petit village du Liban-Sud, qu’est né Moghnié en 1958. Sa famille fait partie des notables de la région et compte parmi ses membres plusieurs dignitaires religieux chiites, dont Mohammed Jawad Moghnié, célèbre pour ses écrits sur l’islam. Mais, curieusement, dans une sorte d’esprit de rébellion, le jeune Imad est d’abord attiré par les groupes d’extrême gauche. Il est vrai que les années soixante-dix constituent l’âge d’or de l’idéologie marxiste promue principal défenseur des opprimés dans le monde. Imad commence par adhérer au Parti du peuple révolutionnaire socialiste, qui est le fruit d’une fusion entre le Mouvement révolutionnaire socialiste libanais (responsable de l’opération contre la Bank of America en 1973) et l’Organisation maoiste révolutionnaire populaire. À cette époque, ce parti est soutenu par le Fateh, principale formation au sein de l’OLP. Imad n’a pas encore vingt ans, mais il rêve déjà de «lendemains qui chantent» et de grandes victoires sur «les forces du mal qui usurpent les droits des plus faibles». Une formation au service de sécurité unifié Impatient d’être au cœur de l’action militante, il collabore, entre 1975 et 1978, avec le service de sécurité unifié du Fateh dirigé par Abou Ayad, un des principaux chefs de cette organisation. Entre les deux hommes, le courant passe et leurs liens ne seront rompus qu’à la mort d’Abou Ayad, assassiné à Tunis en 1991. C’est au cours de ces années, qu’il fait la connaissance de Abdel Hadi Hamadé et de Ali Dib, qui travaillaient avec lui au service de sécurité unifié. Les trois hommes deviendront plus tard les principaux chefs de la Résistance islamique et Ali Dib est assassiné par les Israéliens en août dernier. Installé, comme de nombreuses familles chiites du Sud, dans la banlieue sud de la capitale, Imad Moghnié entend soudain parler de sayyed Mohammed Hussein Fadlallah, déplacé de Nabaa, qui commence à prêcher dans la mosquée de Bir el-Abed. C’est ainsi que le jeune Imad découvre l’islam, son autre grande passion. Il ne voit d’ailleurs pas les contradictions entre les idéologies de gauche et l’islam, car, pour lui, tous défendent la cause des opprimés. À l’époque, le Fateh entraîne de nombreux révolutionnaires iraniens dans les camps du Liban et Imad Moghnié commence à frayer avec eux. Il fait ainsi la connaissance de Rafic Dust qui deviendra plus tard le chef des Gardiens de la révolution. Pour concrétiser ses nouvelles idées, il rejoint l’Union libanaise des étudiants islamiques, une structure politico-culturelle très influencée par les thèses de sayyed Fadlallah. Le retour triomphal de l’ayatollah Khomeiny en Iran et l’établissement de la République islamique dans ce pays en 1978 le confortent dans ses nouvelles options islamistes. Pour lui, soudain, le rêve devient réalité et des horizons de victoires s’ouvrent devant lui. À l’école secondaire de Ghobeyri où il poursuit ses études, il lui arrive alors de se battre contre les membres du Baas irakien et les communistes, alors très puissants dans les milieux chiites du quartier. L’islam, une voie de salut Ses nouvelles convictions islamiques ne l’éloignent pourtant pas du Fateh. Mais l’invasion israélienne de 1982 et le départ des combattants palestiniens de Beyrouth qui en a résulté l’entraînent un peu plus vers l’univers islamique. Sans jamais renier ses liens avec le Fateh et particulièrement avec Abou Ayad, il est de plus en plus convaincu que l’islam est la seule voie pouvant assurer la victoire contre les oppresseurs. À l’instar de beaucoup de militants libanais, Moghnié passe ainsi de l’extrême gauche propalestinienne à l’islamisme actif et la prolongation de la guerre au Liban ainsi que son glissement vers le communautarisme ne sont pas étrangers à ce phénomène. Le nom de Imad Moghnié commence à être connu à mesure qu’augmentent les opérations anti-israéliennes. Certains lui attribuent la préparation de l’attaque-suicide contre le QG israélien à Tyr à la fin de 1982, qui avait fait 75 morts dans les rangs israéliens. Petit à petit, Moghnié deviendra le pionnier de ce qui sera plus tard connu sous le nom de la Résistance islamique. Mais fidèle à sa formation au sein du service de sécurité unifié du Fateh, il reste dans l’ombre, fuyant médias et publicité. En 1982, à la suite de l’invasion israélienne au Liban, les officiers des Gardiens de la révolution iraniens commencent à affluer à Beyrouth. Ils établissent même un quartier général à Baalbeck et Moghnié, de plus en plus fasciné par l’exemple iranien, noue avec eux des liens très étroits et devient l’un des principaux contacts libanais du Bureau extérieur du mouvement islamique, dirigé à partir de Téhéran par Mehdi Hachémi. Ce dernier a été par la suite exécuté en Iran dans le sillage du scandale de l’Irangate. Un rôle dans la libération des otages occidentaux ? Au milieu des années 80, les médias européens et américains commencent à insister sur le rôle de Moghnié dans les enlèvements d’otages occidentaux à Beyrouth. À l’époque, le Hezbollah libanais n’est encore qu’une nébuleuse mystérieuse, mais le nom de Moghnié commence à émerger. Certains affirment même qu’il aurait participé aux négociations pour la libération de ces otages, effectuant à plusieurs reprises des visites éclairs dans des aéroports occidentaux pour y rencontrer des représentants des services de renseignements français et américains. D’ailleurs, selon certaines informations, il aurait même été arrêté par erreur à Orly, au cours d’une de ces missions secrètes et ce serait l’intervention directe d’Abou Ayad qui aurait permis sa libération. En 1988, Imad Moghnié est accusé d’avoir planifié le détournement d’un avion koweïtien, afin d’obtenir la libération de plusieurs de ses compagnons, emprisonnés dans ce pays parce que soupçonnés d’y avoir perpétré des attentats dans les années 1986-1987. Recherché depuis lors, Moghnié disparaît complètement de la circulation. Et l’opinion publique l’aurait pratiquement oublié si les médias occidentaux ne rappelaient régulièrement son existence, l’accusant de nombreux maux et réclamant son arrestation. Les Israéliens, eux, sont encore plus radicaux. En décembre 1995, une voiture explose à Bir el- Abed devant la pâtisserie de Fouad Moghnié, frère de Imad. Fouad meurt et l’affaire fait naturellement grand bruit. Il faudra attendre quelques mois et l’arrestation de l’agent israélien Ahmed Hallak, réfugié dans la zone occupée, pour apprendre qu’il s’agissait d’un attentat planifié par le Mossad et destiné à tuer Imad Moghnié. Après ses aveux complets, Hallak est jugé et condamné à mort. Il sera exécuté sous le mandat du président Hraoui. Que devient aujourd’hui Imad Moghnié ? C’est encore le grand mystère. L’homme n’a jamais aimé la publicité et il vit plus que jamais dans l’ombre. Marié, père de trois enfants, on dit qu’il serait installé en Iran, mais qu’il effectuerait de fréquentes visites à Beyrouth, cherchant toujours à rapprocher les points de vue entre les divers pôles islamistes, notamment le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah et sayyed Mohammed Hussein Fadlallah. Dans la plus grande discrétion, le militant assagi continue à vivre dans l’espoir de voir un jour le triomphe de ses idées, indifférent aux remous que provoque son nom.
Imad Moghnié, l’homme qui a fait récemment l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la cour suprême argentine, a 41 ans à peine. Ce nouveau Carlos, diabolisé à l’extrême par les médias occidentaux qui l’accusent d’avoir participé à l’enlèvement d’otages occidentaux au Liban dans les années 80 ainsi que d’avoir planifié des détournements d’avions et...