Sondage - Sens des valeurs, Israël, violence ... Libanais et américains divergent sur tout

Un monde semble séparer totalement les Libanais des Américains. Cette profonde divergence de perception apparaît à la faveur de deux sondages conduits séparément par la compagnie américaine Zogby International basée aux États-Unis et par la compagnie libanaise Mamda établie à Beyrouth. C’est la première fois qu’un sondage comparatif entre les États-Unis et un pays arabe a lieu. Réalisé du 14 au 16 août dernier, le sondage américain porte sur un échantillon de 952 personnes interrogées, avec une marge d’erreur de 3,4 %. En parallèle, le sondage libanais, conduit du 13 au 15 août, couvre un échantillon de 1 500 résidents libanais, avec une marge d’erreur de 2,4 %. Les différences les plus significatives entre les deux peuples résident essentiellement dans le sens respectif des valeurs. À la question de savoir quelle société (américaine ou libanaise) est la plus cultivée, 61 % contre 39 % (qui pensent le contraire) des Libanais affirment qu’ils sont plus cultivés que les Américains. Les Américains, quant à eux, attestent qu’ils sont plus cultivés, par une marge de 67 % contre 33 %. Une autre question montre le clivage des deux peuples. «Quelle est la culture la plus violente ?» 68 % contre 32 % des Libanais soutiennent que les Américains sont plus violents, tandis que 60 % contre 40 % des Américains pensent le contraire. Les deux peuples s’accordent dans la comparaison des valeurs familiales. 99 % contre 1 % des Libanais pensent être plus attachés aux valeurs familiales contre 56,5 % et 43,5 % du côté américain. Cette divergence de perception se retrouve aussi dans le domaine de la politique étrangère et l’évaluation des relations américano-libanaises. À la question : «Globalement, êtes-vous d’accord ou non que les États-Unis jouent un rôle impartial en tant que médiateur dans le processus de paix au Proche-Orient ?», 82,5 % des Libanais disent qu’ils ne sont pas d’accord, contre 48,7 % du côté américain. Le sondage met aussi en relief le conflit entre le Liban et Israël concernant la récupération par le Liban de son territoire occupé. 85,9 % des Libanais croient que les États-Unis supporteraient Israël contre 44 % du côté américain. 10,9 % des Libanais interrogés conviennent que les États-Unis et le Liban sont amis contre 74,4 % qui ne sont pas d’accord. Du côté américain, 27,9 % des personnes interrogées croient que les États-Unis et le Liban sont amis contre 39,9 % qui pensent le contraire. Célèbre aux États-Unis, le président de la compagnie Zogby International, M. John Zogby, est d’origine libanaise et «fier de l’être». De nombreuses institutions privées ou publiques, corporations internationales, entreprises et partis politiques font appel à ses services. Le sérieux de ses sondages d’opinion et études de marchés l’a rendu célèbre aux États-Unis et à travers le monde. Lors de la présidentielle US, John Zogby a prédit avec précision l’élection de Bill Clinton avec une marge d’erreur presque nulle. Les Nations unies ont aussi fait appel à ses services. M. Zogby est également l’éditeur de Zogby’s Real America Newsletter. M. Zogby pense que «les relations américano-libanaises se sont détériorées. Les Américains percevaient le Liban comme le Paris du Moyen-Orient. Cette attitude bienveillante provenait aussi de la réussite professionnelle de la communauté américano-libanaise aux États-Unis. La guerre civile du Liban a non seulement détruit des vies, son infrastructure et une partie de sa géographie, elle a aussi causé un sérieux préjudice à l’image et à la perception des Américains vis-à-vis des Libanais et du Liban». Du côté libanais, M. Riad Tabbarah, directeur de Mamma, pense que «l’attitude des Libanais vis-à-vis des États-Unis est compréhensible du fait de la grande souffrance du peuple libanais devant l’occupation de son territoire par Israël en dépit des résolutions du Conseil de sécurité exigeant le retrait “immédiat” des troupes israéliennes du pays. Les Libanais pensent que les États-Unis, la seule superpuissance aujourd’hui, devraient user de leur influence de manière plus vigoureuse pour parvenir à une paix équilibrée, juste et globale au Moyen-Orient». Ce sondage est significatif des relations tendues entre les deux peuples. Une série d’autres sondages suivra pour permettre aux dirigeants du Liban et des États-Unis de mieux comprendre les problèmes et d’essayer de rétablir des relations plus saines.